Agatha Petipois inspecte les mots du ravisseur

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 Après avoir fait ensemble leurs devoirs pour le lendemain, Agatha raccompagna Lisa et Romulus chez eux. La petite sorcière avait besoin de prendre l’air avant de se plonger à nouveau dans son enquête. Sur le chemin, ils en profitèrent pour passer dans la rue Stevenson, la rue commerciale de leur quartier. On les envoyait parfois faire des courses au « Grand Cric qui croque », l’épicerie. Le vendeur, mi-homme mi-calmar, laissait toujours des fruits frais et coupés en échantillon à goûter. Plus loin, Agatha et Lisa s’arrêtèrent devant la chapellerie, « Le couvre-feu », tenue par les parents de Romain. C’est là-bas qu'Agatha avait acheté son chapeau surmonté d’un pompon vert qu’elle ne quittait jamais. Les deux fillettes furent très emballées en découvrant que tous les articles étaient soldés. Elles furent finalement arrachées de leur contemplation par Romulus qui poussa la brouette de Lisa sans lui demander son avis. Sans cette initiative, les deux copines auraient pu passer des heures sans pour autant franchir la porte de la boutique. Plus loin, les trois enfants firent coucou à Clarisa, derrière la vitrine de sa pharmacie. Celle-ci les salua brièvement avant de reporter son attention sur une harpie.

 Cette fois-ci, c’est Romulus qui arrêta la brouette et regarda en arrière. Comme les filles s’étonnaient, il leur fit comprendre d’un geste de tête de mieux observer. C’est Agatha qui comprit en première ce que le loup-garou avait repéré. En effet, la cliente de sa maman n’était pas n’importe qui. C’était leur Directrice, madame Tatin. Lisa, elle, ne la remarqua que lorsqu’elle sortit du bâtiment.

 — Elle ne va pas bien ? demanda le tableau vivant tandis qu’elle s’éloignait dans la direction opposée.

 — Elle a le droit d’être malade, ce n’est pas un crime.

 — J’suis curieux aussi, ajouta Romulus. Tu crois que tu pourrais demander à ta maman ?

 — C’est un peu privé ! pouffa Agatha. Mais je peux essayer.

 Ils reprirent la route et s’arrêtèrent deux minutes devant la « Mine à sucre », leur boutique préférée de la Rue Stevenson. Elle était tenue par l’oncle de Jonah, une fée qui exposait toujours un large sourire. Leur amitié avec son neveu était payante car quand il les voyait passer, il leur glissait parfois discrètement quelques friandises en main. Ce jour-là ne fit pas exception et ils cachèrent immédiatement le berlingot au fruit dans leur bouche.

 — Deux kilos, rappela Romulus tandis qu’il mâchouillait la confiserie. Ça ferait combien de berlingots ?

 — Je crois qu’un sachet, c’est cent grammes. Alors ça ferait… vingt paquets.

 — Au moins, le ravisseur n’a pas peur d’attraper de caries.

 — C’est peut-être quelqu’un qui n’a pas de dents ?

 Ils rirent à la plaisanterie de Lisa puis poursuivirent leur route. Ils s’arrêtèrent encore quelques minutes devant l’animalerie « Le Coin coin ». Les enfants pouvaient passer des heures à regarder les chatons, les corbeaux savants ou les piranhas s’agiter. Il y avait tout un tas d’autres animaux, des reptiles de tailles diverses, de gros insectes, quelques scorpions aussi, sans oublier les squelettes enchantés, à l’instar d’Oscar. On y vendait, bien sûr, tout le nécessaire pour s’occuper des compagnons à poils, écailles ou plumes.

 Leur balade prit fin quelques mètres plus loin, chez Lisa. Après avoir rangé la brouette sous un petit préau, ils frappèrent à la porte dans le but de rendre le tableau à son créateur. Ils furent surpris quand une femme en tailleur leur ouvrit. Cette dernière sursauta puis accueillit Lisa les bras grand ouverts. Un peu précipitamment, l'inconnue remercia et congédia les deux enfants avant de disparaitre avec le tableau derrière la porte.

 — C’était qui, ça ? demanda Romulus une fois la surprise passée.

 — Aucune idée… Il faudra qu’on demande à Lisa demain.

 Comme il était déjà tard, ils se séparèrent ici après une rapide accolade puis rentrèrent chez eux. Le trajet du retour fut bien plus rapide que l’aller. Passer devant le Coin Coin et la Mine à Sucre avait réveillé son désir de retrouver le ravisseur d’Oscar.

 Elle fut accueillie par Miss Marple, son chat, et surtout par une boule de poil que le félin cracha à ses pieds. Un peu dégoutée, la sorcière se servit de sa baguette pour faire léviter la crasse et la jeter à la poubelle. Elle se rendit ensuite dans sa chambre où elle avait déposé toutes ses affaires après leurs devoirs.

 À travers sa loupe, elle entama ses inspections. Comme l'aurait fait son enseignant, elle souligna à l’encre rouge les fautes d’orthographe qu’elle avait repérées. Elle passa aussi en revue les lettres et essaya de repérer les différences ou les similitudes parmi les graphies. Cela lui permit déjà de constater quelques petits détails.

 Tout d’abord, c’était certainement la même personne qui avait écrit tous les mots. L’écriture variait bien un peu d’un mot à l’autre, mais Agatha mettait plutôt ça sous l’effet de l’ennui. À force d’écrire plusieurs fois la même chose, l’auteur était devenu de plus en plus négligent et la sorcière s’amusa même à essayer de déterminer l’ordre dans lequel on les avait écrites. Comme l’ordre qu’elle trouvait ne semblait suivre aucune véritable logique, elle laissa ça de côté.

 Surtout, l’écriture présentait une petite anomalie. Sur toutes les lettres « t », le trait se trouvait sur la gauche, et non sur la droite comme on le leur apprenait pourtant à l’école. Emballée par cette découverte, Agatha en profita pour vérifier les prénoms écrits par ses camarades. Hélas, seules Juliette et elle-même avaient un t dans leur prénom et la gorgone avait écrit les siens comme de coutume.

 Enfin, l’auteur des lettres avait une orthographe, disons, bancale. D’un papier à l’autre, il faisait parfois des fautes qu’il ne répétait pas. « Si vous voulez le récupérez », par exemple, était écrit avec un z à « récupérer » sur son mot à elle, mais avec un r, puisqu’il s’agit d’un infinitif, sur la majorité des autres papiers. Cependant, deux fautes revenaient sur chacun des messages récupérés par la sorcière.

 La première, c’était le mot kilo, que l’auteur s’obstinait à écrire avec un y. La seconde, c’était le « s » qui s’était ajouté au mot « adulte » suivi d’aucun, alors que le déterminant doit être suivi d’un mot au singulier. Deux erreurs récurrentes que la jeune sorcière pouvait peut-être mettre à profit dans le but de distinguer le ravisseur.

 Tout cela était bien beau, mais il lui fallait encore réfléchir à un plan afin de vérifier les écritures de ses camarades. C’est en vérifiant tous les élèves de la classe qu’elle pourrait, peut-être, deviner qui avait écrit ce message. À côté de ça, elle avait encore le mystère de la boite de Mr Choucroute à résoudre. Comment diable pourrait-elle accéder au potager ?

 Sa maman la tira de ses réflexions en l’appelant pour manger. Elle avait préparé une tarte aux fruits rouges, parsemée de sucre impalpable. Sa mère était un vrai cordon bleu, du moins pour tout ce qui était sucré. Heureusement pour Agatha, Clarisa s’y cantonnait tant qu’elle restait de bonne humeur. Alors qu’elles mangeaient, sa maman lui demanda comment s’était passée sa journée. Omettant bien sûr tout ce qu’impliquait la lettre de rançon, elle lui raconta ce qu’elle avait vécu. Sans toutes ces choses, c’était une journée on ne peut plus banale. Mais la repasser en revue commençait à faire germer une idée pour son problème de potager.

 — Et toi, maman, tu as passé une bonne journée ? demanda-t-elle pour changer de sujet. J’ai vu que Madame Tatin était passée à la pharmacie, elle n’est pas malade au moins ?

 — Tu es bien curieuse, aujourd’hui ! Mais non, ne t’inquiète pas, elle m’a juste pris un peu de poison pour les rongeurs, il parait qu’il y en a dans ton école.

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