Entre les serres de madame Tatin

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 Agatha fut amenée prestement dans le bureau de la directrice. Lorsqu’ils arrivèrent, la pièce était vide. Le surveillant qui l’avait trainée jusqu’ici lui ordonna de s’asseoir sur une chaise le temps que madame Tatin arrive. Plus les secondes passaient et plus elle se demandait si son coup d’éclat en valait vraiment la peine. Elle allait passer un sale quart d’heure. Mais son objectif n’était pas encore pleinement atteint ! Elle devait encore croiser les doigts pour que son plan fonctionne.

 Tant qu’elle était seule, Agatha repensa à ce que lui avait dit sa mère la veille. Madame Tatin avait acheté de la mort au rat, un poison destiné aux rongeurs qui sévissaient dans l’école. Se pouvait-il qu’Oscar… ? Mais le disparu était avant tout un squelette et non un être de chair et de sang. Alors le poison aurait-il un effet sur lui ? Il rongeait bien les câbles électriques branchés sans éprouver la moindre gêne. Malgré tous ces doutes, cela restait une piste non-négligeable.

 Comme madame Tatin se laissait désirer, Agatha en profita pour observer la pièce. Ce faisant, elle siffla et fit claquer sa langue comme l’avait fait Romain pour appeler Oscar vendredi passé. Elle se concentrait, dans l’espoir d’entendre de petits couinements lui répondre, en vain.

 Soudain, la porte s’ouvrit à la volée. Agatha sursauta tandis que la directrice pénétrait dans son bureau, le regard mauvais. Le corps recouvert de plumes brunes, ses mains et ses pieds étaient telles d’immenses serres de rapace. Ses cheveux crépus et gris étaient coiffés en chignon. Lorsqu’elle était fâchée, un bec recourbé apparaissait sur son visage. C’était le cas en ce moment. Agatha avait la sensation d’être un lapin en proie à un aigle affamé.

 — Mademoiselle Petipois, gronda-t-elle en s’approchant de son siège, derrière son bureau. Puis-je savoir quel scorpion vous a piquée ?

 Elle prit place face à la petite sorcière qui était devenue plus blanche que M. Cheese, le fantôme bibliothécaire. Qu’est-ce qui lui avait pris de chercher à se faire punir de manière aussi éclatante ? Elle aurait peut-être mieux fait d’écouter ses petites cellules grises…

 — Je suis désolée, madame Tatin. J-je… je n’ai pas réfléchi…

 — Vous me décevez beaucoup, jeune fille. J’espère que vous comprenez à quel point ce que vous avez fait est grave ! Vous avez utilisé votre magie pour catapulter un élève !

 — Je ne l’ai pas fait si fort que ç…

 — Taisez-vous ! l’interrompit madame Tatin en frappant de sa serre sur son bureau. Cette école ne tolère aucune violence ! D’après ce que j’ai compris, Poly ne vous avait rien fait, alors comment justifiez-vous votre acte ?

 — Je…

 De nouveau, elle n’eut pas l’occasion de terminer sa phrase. Cette fois-ci, par contre, la directrice n’y était pour rien. La porte du bureau s’était à nouveau ouverte sans crier gare. Derrière, l’enseignant qui avait déjà amené Agatha semblait furax et maintenait Romulus et Poly par une oreille. Vu la grimace qu’ils tiraient, cela n’avait rien d’agréable.

 — Pardonnez-moi, madame Tatin, mais j’étais à peine de retour dehors que j’ai surpris ces deux gaillards en pleine dispute. Je suis intervenu avant qu’ils n’en viennent aux poings.

 — Par toutes les chaussettes de l’archiduchesse ! s’exclama madame Tatin. Mais qu’est-ce qui vous prend tous aujourd’hui ?

 Elle poussa un soupir exaspéré et pointa deux tabourets derrière Agatha. Les deux garçons allèrent en chercher un chacun et s’assirent, Poly le plus loin possible d’Agatha. Il avait exactement la même tête que sa sœur quand M. Mate la réprimandait. Romulus, par contre, s’il avait eu une poussée de poil sur tout le visage sous l’effet de la colère, tremblait des jambes.

 — Vous m’expliquez ? exigea la directrice.

 — C’est l’autre, là ! s’exclama Poly aussitôt. Il s’est jeté sur moi !

 — Il avait insulté Cléo, répliqua tout aussi vite Romulus. Et aussi Agatha !

 — C’est pas vrai, déj…

 — Assez ! Manifestement, M. Venoir, pour que deux élèves plus jeunes s’en prennent à vous, ça m’étonnerait que vous ayez la conscience tranquille ! Et vous, M. Scotyard, venant du fils du chef de la police, votre attitude est impardonnable !

 Poly se renfrogna alors que Romulus baissait les yeux, fautif. Agatha aussi avait le regard au sol et se mordait les lèvres. Elle n’avait pas prévu que Romulus se fasse entrainer dans son histoire. Ce n’était décidément pas le moment de flancher si proche de son but.

 — Madame Tatin, intervint la sorcière d’une petite voix. Est-ce que… Est-ce que je peux dire quelque chose ?

 — Allez-y, mademoiselle Petipois, approuva la directrice en croisant les bras. Nous vous écoutons.

 — Vous avez raison, reprit Agatha avec de plus en plus d’assurance. Je mérite une punition digne de ce nom, jamais je n’aurais dû agir comme je l’ai fait ! J’étais fâché de voir Cléo rabroué par ce grand, je me suis laissée emporter par mes émotions. Je suis vraiment, vraiment désolée.

 Madame Tatin releva les sourcils tout en hochant lentement la tête. Son bec commençait tout doucement à s’effacer pour reprendre l’aspect d’une bouche normale. Agatha y vit comme un encouragement à poursuivre.

 — Je m’en veux d’avoir abimé le potager, en plus… Peut-être pourrais-je me racheter en réparant les dégâts et en aidant M. Choucroute ?

Même si elle ne le voyait pas, Agatha sentit Romulus relever la tête. Ils attendaient tous les deux le verdict de la directrice qui réfléchissait à la proposition d’Agatha.

 — Cela me parait une bonne idée… Très bien, demain pendant la récréation, vous irez tous les trois…

 — Quoi, mais…

 — Tous les trois, M. Venoir, vous irez aider M. Choucroute à travailler dans le potager.

 Agatha fit de son mieux pour cacher son excitation. Elle allait avoir l’occasion de fouiller dans le potager ! Elle comptait bien trouver cette fameuse boite que le concierge avait enterrée afin de s’assurer qu’Oscar ne se trouvait pas à l’intérieur.

 — Toutefois, la punition ne saurait s’arrêter là, poursuivit madame Tatin. Je me vois obligée de vous confisquer votre baguette, mademoiselle Petipois.

 — Ma… ma baguette ?

 — De plus, je reviendrai vers vous en fin de journée avec une punition à copier à la maison. Et, bien sûr, je vais contacter vos parents afin d’avoir une discussion sur ce qu’il s’est passé.

 Toute l’excitation qu’Agatha avait ressentie quelques secondes avant s’était envolée. Romulus avait un air complètement abattu. Seul Poly semblait ne pas prendre la menace au sérieux. La sorcière sentit l’angoisse se saisir d’elle. Bientôt, ce serait sur son meurtre à elle qu’il y aurait une enquête !

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