Des endives au jambon

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 Lorsque madame Tatin les libéra enfin, la récréation était déjà terminée. Elle les escorta jusqu’à leurs classes respectives. Silencieux, Romulus et Agatha se jetaient des regards discrets. La petite sorcière était vraiment désolée d’avoir entrainé son ami dans cette histoire, elle aurait souhaité qu’il en soit autrement ! Lui aussi regrettait de s’être laissé emporter et d’avoir peut-être envenimé la situation.

 Ils rentrèrent en classe en silence. Les autres travaillaient à leurs bancs. M. Mate les observa prendre place sans rien dire. Ils n’avaient qu’à lire les consignes de leurs documents pour savoir quoi faire. Lisa adressa un bref coup d'oeil à Agatha quand elle s’assit à côté d’elle et comprit immédiatement que sa copine n’était pas dans son assiette. L’heure de cours fut particulièrement calme, tout juste ponctuée des éternuements de Romain.

 Le portrait vivant dut attendre la récréation pour apporter son soutien moral à ses deux amis. Elle n’était pas seule, Romain et Juliette passèrent aussi la pause en leur compagnie. C’est à cette occasion qu’Agatha leur expliqua pourquoi elle avait agi ainsi. Son plan avait fonctionné, même si le prix à payer était énorme. Ils se renseignèrent aussi auprès d’Harry. La gargouille leur apprit ce qu’ils voulaient : M. Choucroute avait enterré la mystérieuse boîte entre les tomates explosives et les plants de salade pleines d’épines.

 Toute l’après-midi, Agatha sentit l'agitation furieuse de Moly dans son dos. La chipie lui en voulait pour s’en être pris à son grand frère. Elle fit de son mieux pour l’ignorer, mais la cyclope regorgeait de grimaces et de railleries pour se faire remarquer.

 Enfin, le moment redouté arriva. La sonnerie de fin de journée retentit. Agatha et Romulus échangèrent un regard d’appréhension. Si madame Tatin avait contacté leurs parents, ceux-ci devaient les attendre à la sortie… Romain et Juliette s’étaient proposés pour raccompagner Lisa chez elle cette fois-ci. Quand ils la chargèrent dans sa brouette, elle leur adressa un geste d’encouragement. Elle croisait les doigts pour que tout se passe bien.

 En sortant, la sorcière et le loup-garou se figèrent immédiatement. Clarisa et le commissaire Scotyard les attendaient, bras croisés, sourcils froncés. Ils déglutirent de concert avant de se diriger vers eux, la mine basse.

 — Agatha Adelaïde Amber Petipois, siffla sa mère quand elle se présenta à elle. J’espère que tu as une explication convaincante !

 La petite sorcière n’osait pas relever la tête. Pas de doute, sa mère était furieuse. Elle avait déjà manifesté un certain désaccord à propos de son enquête sur la disparition d’Oscar et sa volonté d’en faire son exposé. Si elle lui disait qu’elle avait fait tout ça pour vérifier une piste, Agatha Adelaïde Amber risquait gros. Elle préféra donc la jouer fine et de ne pas dire toute la vérité, par pure prudence.

 — Le garçon… il insultait Cléo et se moquait des autres… bredouilla-t-elle. J’ai pas réfléchi… Je suis désolée, maman.

 Tout en parlant, elle sentait les larmes affluer à ses yeux. Elle n’aimait pas être grondée par sa mère. Clarisa poussa un soupir exaspéré et lui ordonna de la suivre tandis qu’elle s’éloignait. Agatha n’osa pas trainer, jetant tout juste un regard derrière elle. Le père de Romulus l’avait attrapé par le bras et le trainait dans la direction opposée. Son fidèle ami allait sûrement recevoir un savon par sa faute. Si elle s’en voulait pour quelque chose, c’était surtout pour ça.

 Après seulement quelques pas, une dame bouscula sa mère sans s’excuser. Madame Venoir paraissait furieuse, elle aussi, mais Moly et Poly qui la suivaient avaient un air prétentieux sur le visage. Ils adressèrent une grimace mauvaise à Agatha tandis qu’ils rentraient dans l’enceinte de l’école. Nul doute qu’ils allaient contester la punition du cyclope.

 Clarisa s'arrêta plus loin, où l'attendait son balai volant. C'est là qu'Agatha comprit que sa mère n'avait pas prévu de la ménager. De nouveau, elle blêmit. Clarisa enfourcha son véhicule puis fit signe à sa fille de s’asseoir derrière elle. L'estomac dans ses chaussettes, mais sans oser protester, sa fille s'installa lentement. La détective serra fort sa mère contre elle, les yeux fermés, sans prêter attention à la ceinture magique qui doubla sa sécurité. Elles n’avaient pas encore démarré qu’Agatha était déjà toute angoissée à l'idée de s'envoler. Un comble pour une sorcière !

 Le trajet de retour à la maison ne fut pas une partie de plaisir. Sans s’enquérir de l’état d’âme de sa fille, Clarisa prit un malin plaisir à prendre des virages serrés et à faire quelques accélérations subites. Elle prenait plus de hauteur que nécessaire en ignorant les cris d’effroi que poussait Agatha derrière elle. Lorsqu’elles revinrent enfin sur le plancher des minotaures, Agatha eut presque envie d’embrasser le sol pour lui faire comprendre à quel point il lui avait manqué pendant ces quelques minutes.

 — Tu seras de corvée vaisselle toute la semaine, lança Clarisa. J’ai cru comprendre que tu n’avais plus ta baguette de toute façon, j’espère que la leçon suffira.

 — Oui maman…

 — Madame Tatin m’a dit que tu avais une punition à recopier plusieurs fois pour demain. Dès que tu as terminé tes devoirs, je veux que tu fasses ça. Pas de lecture aujourd’hui ! Et je veux aussi que tu avances sur ton exposé sur la disparition d’Agatha Christie, pas sur autre chose. Suis-je assez claire ?

 Agatha eut un petit hoquet en hochant la tête. Elle avait vraiment eu la pire idée de sa vie, cette après-midi. On ne l’y reprendrait plus ! Elle s’isola dans sa chambre pour faire ses devoirs. Elle avait presque terminé sa punition quand sa mère la rappela pour le souper. Une dernière mauvaise surprise l’attendait dans son assiette.

 — Euh… C’est… c’est quoi ? demanda-t-elle après avoir minutieusement observé le plat inconnu qui lui faisait face.

 — Des endives au jambon.

 Des endives ! Sa mère avait cuisiné un légume parmi les plus amers ! Elle lui avait pourtant promis des pains perdus ce matin… Comme si Agatha n’avait pas assez payé pour son erreur ! La petite sorcière se fit la promesse de ne plus jamais se faire punir exprès.

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