Le lendemain, en classe, Mr Mate leur offrit une dernière heure à consacrer à l'exposé de vendredi. Ils étaient déjà quelques-uns à avoir terminé tous les préparatifs. Agatha avait son texte, ses panneaux, ses photos et même un petit jeu de mots croisés que son instituteur avait eu la gentillesse de photocopier en nombre. Aussi n’avait-elle plus qu’à répéter dans son coin pour être bien prête.

 Agatha connaissait déjà plutôt bien son sujet, aussi se laissa-t-elle distraire à observer les autres. Ne songeant déjà plus à son exposé, elle recherchait surtout une nouvelle hypothèse pour expliquer la disparition d’Oscar. Autour d’elle, ils s’activaient pour clôturer leur travail. Comme la sorcière, Romulus répétait plus loin. Ils avaient tous les deux reçu un coup de pression de la part de leurs parents suite à leur punition du mardi. Lisa, par contre, terminait de fignoler son panneau. Il était rempli d’images, au point qu’il aurait été difficile d’affirmer que le support était blanc à l’origine.

 Plus loin, dans le fond de la classe, Romain et Juliette répétaient à deux. La gorgone écoutait le diablotin pour lui dire ce qu’il devait améliorer puis ils échangeraient les rôles. Il pointait du doigt les illustrations sur son panneau, le drapeau grecque, les plats traditionnels ou la photo de l’actuelle présidente au nom difficilement prononçable.

 Mr Mate était occupé avec Harry. La gargouille était venue avec une clé USB remplie d’images et leur professeur devait maintenant les imprimer. Loïc attendait son tour pour faire de même. Le satyre poussait des soupirs dignes de Moly.

 D'ailleurs, celle-ci restait dans son coin depuis hier. Elle n’avait plus parlé à personne et s’était contentée de jeter des regards furieux à tout le monde. Elle et son frère n’avaient pas échappé à une vraie punition, cette fois-ci. Mise devant le fait accompli et toutes les preuves, la mère Venoir n’avait rien pu contester. Ils étaient donc privés de récréation. En outre, ils devaient aider Mr Choucroute à passer un coup de ménage dans plusieurs classes. Restait à savoir si le concierge supporterait ou non leur attitude blasée.

 Jacky et Béatrice, de leur côté, papotaient. Leurs panneaux étaient terminés, mais de ce qu’Agatha parvint à entendre, leur conversation ne concernait pas du tout leur exposé. Ces deux-là étaient sûrement déjà prêtes pour le lendemain et mettaient cette heure à profit pour se raconter les derniers potins.

 Dans le même ordre d’idée, Jérémy était en pleine lutte avec son compas. Un bref passage près de la bibliothèque apprit à Agatha qu’il traçait des arcs de cercle successifs dans le but de faire son propre mandala. Aucune trace de son panneau ou d’un quelconque texte mais, connaissant le vampire, il avait lui aussi fini depuis un moment.

 Enfin, Jonah et Cléo étaient en plein débat à leur banc. Comme elle était debout, Agatha en profita pour voir ce qu’ils faisaient. La fée était en train d’aider la momie à finir son panneau sur les pyramides égyptiennes. De ce qu’elle comprit, Cléo voulait mettre tout son texte sur son panneau afin de ne rien oublier mais son ami n’était pas d’accord. Mr Mate leur avait demandé de bien regarder tout le monde pendant l’exposé et il ne fallait pas qu’il ait la tête sur son support tout le temps ! Tant qu’elle y était, Agatha jeta un coup d’œil sur le travail de Jonah qui portait sur un certain Luther King. Elle se demanda s’il s’agissait du même King qui avait donné son nom à la rue où vivait Juliette.

 Elle rejoignit ensuite Romulus pour qu’ils puissent, comme la gorgone et le diablotin, répéter à deux. Romulus parlait avec assurance et ne s’embrouilla que quelque peu sur la fin. La sorcière, plus distraite, se mélangea les pinceaux. Romain les interrompit pour leur demander des marqueurs de couleur, ce qui lui permit de tout reprendre depuis le début. Sa deuxième tentative fut meilleure, mais pas encore parfaite. Ils continuèrent à s’épauler tous les deux le restant de l’heure.

 Enfin, Mr Mate leur annonça la fin du temps accordé. Ils retournèrent à leur place respective et rangèrent leur matériel. Pendant ce temps, leur instituteur déployait le tableau interactif. Il chipota à son ordinateur, frappa dans ses mains puis se rendit compte que le projecteur n’était pas encore allumé. Il le regarda d’un œil circonspect avant de demander à Jonah d’aller vérifier s’il était bien branché.

 Pendant que la fée s’envolait vers le fond de la classe, Mr Mate leur demanda de préparer leur référentiel de grammaire. Agatha venait de le sortir de son cartable quand Jonah appela leur enseignant avec excitation.

 — M’sieur Mate, M’sieur Mate ! Le câble, il est coupé !

 — C’est pas vrai ! s’exclama la chimère en plaquant sa main grand ouverte sur son visage. Bon, au moins ça veut dire qu’Oscar n’est pas loin, je suppose…

 Tout le monde avait bien sûr pensé la même chose ! Les élèves étaient en train de chuchoter entre eux avec réjouissance, sauf Moly qui y voyait plutôt un nouveau coup de couteau à son amour propre. Plusieurs, comme Romain ou Romulus, inspectaient le sol à la recherche du squelette animé.

 — Il est peut-être pas très loin, M’sieur ! Vous croyez qu’on peut le retrouver ?!

 Avant que Mr Mate n’en ait donné l’autorisation, plusieurs élèves quittèrent leur chaise pour se mettre à quatre pattes et chercher l’animal de la classe. Leur enseignant soupira, regarda sa montre puis croisa les bras, résigné. Bien sûr, Agatha se joignit aux fouilles. Tandis que le diablotin et la gorgone essayaient d’appeler Oscar avec des claquement de langue, elle s’approcha du câble coupé.

 Lorsqu’elle arriva tout près, elle l’examina avec soin. Très vite, quelque chose lui sauta aux yeux. La coupure était nette. La prise, elle, n’était même pas branchée.

 Elle se releva aussitôt et observa la classe avec attention. Sans plus rechercher Oscar, elle retourna s’asseoir à côté de Lisa qui, à cause de son portrait, n’avait pas pu participer aux recherches. Celle-ci s’étonna de son retour rapide et nota aussi un étrange sourire sur le visage de la petite sorcière.

 — Agatha ? Tu as trouvé quelque chose ?

 — En quelque sorte. Disons qu’au moins une hypothèse n’est pas la bonne et que les possibilités se réduisent beaucoup. Il ne reste plus grand-chose pour que mes petites cellules grises percent ce mystère !