Chapitre 11

16 minutes de lecture

Cours d’histoire.

Renommé cours du contrôle de soi.

Je n’ai jamais autant haï le cours d’histoire et surtout mon professeur d’histoire que depuis qu’il a commencé à parler de la Léthé. Le premier cours a été intéressant. Long mais le bilan de la dernière guerre était assez horrible pour me tenir concentré et intéressé. Désormais, je cherche presque à me trouver des occupations pour ne pas écouter le cours et surtout ne pas sentir ce sentiment de révolte grandir en moi.

Ce n’est pas un cours que l’on a. C’est une honteuse propagande. On ne liste que les choses positives qu’a apporté la Léthé mais jamais on n’évoque les problèmes que cela peut provoquer. Et cela ne choque absolument personne. Tout le monde est convaincu que la Léthé est la meilleure chose au monde et que si éventuellement il y a des problèmes, c’est de la faute des personnes qui les ont et qu’il faut donc les oublier, les supprimer de la mémoire collective. Peut-être même qu’il est décidé que l’année d’après, la Léthé supprime réellement ces personnes de la mémoire de tous.

Aujourd’hui encore, tout ceci m’agace. Me met même en colère. Et cette fois-ci, Reece n’est pas à côté de moi pour essayer de me calmer. Lors du dernier cours, j’ai cru que j’allais exploser mais il a fait en sorte que je n’intervienne pas. Le prof a alors déclaré que nous faisions trop de bruit et que désormais, je devrais m’installer autre part.

Cet autre part, c’est le bureau à côté de Riley.

Ça aurait pu être une idée horrible si sa présence ne m’empêchait pas de trop m’énerver à certains moments parce que j’étais trop perturbé. Je ressens des choses … comme si ce mec dégageait une aura surpuissante que je ne peux que ressentir, surtout lorsqu’il n’est plus qu’à quelques centimètres de moi. C’est un sentiment que j’ai encore du mal à traduire. Je ne sais même pas si c’est quelque chose de positif ou négatif. Ça me met surtout mal-à-l’aise parce que c’est un sentiment inconnu et en même temps … qui m’a l’air familier. Ce doit être un résidu d’avant l’oubli. Malgré tout, ça me permet de canaliser un peu mon ressentiment envers le cours d’histoire.

Enfin, jusqu’à maintenant.

— La Léthé efface donc tout ce qui est mauvais afin d’apporter à tous une vie positive, sans danger. Elle permet d’éviter les morts inutiles, les agressions, l’autodestruction qui a été si fréquente avant l’oubli. Parce que l’homme a longtemps été un champion lorsqu’il s’agissait de se détruire soi-même, à base de drogue, d’alcool, de tabac et d’autres choses, mais aussi pour détruire les autres. Mais ce n’est pas tout, il est aussi le meilleur pour rendre le seul endroit où il peut vivre, de moins en moins enclin à l’accueillir. La Terre s’est retrouvée de plus en plus dégradée, détruite, sur le moins de mourir et d’emporter chaque être vivant avec elle. C’est pour cela que la Léthé est primordiale à la survie de l’homme. Désormais, l’homme ne s’entretue pas, ne s’autodétruit plus. Elle permet d’augmenter l’âge de survie de chacun et en plus dans un monde plus sûr. Rien ne résiste à la Léthé et avec ça, plus rien ne résiste à l’homme.

— Si, la maladie ! je ne peux pas m’empêcher de réagir.

— Tiens, vous souhaitez réagir monsieur Miller. On vous écoute.

La main de Riley est posée sur mon avant-bras. Il essaye de m’aider à me calmer mais là, les vannes sont ouvertes et il ne sert plus à rien d’essayer de me retenir.

— La Léthé détruit des vies. Bien que dans une proportion plus petite que lors de la guerre, elle détruit quand même des vies … et des familles.

— Illustrez vos propos.

— Ma grand-mère. Je l’ai perdu il y a deux ans d’un cancer. Elle n’a pas pu finir son traitement à cause de la Léthé. Elle est décédée sans pouvoir tenter de finir son traitement. Tout ça parce que le gouvernement estime que la maladie doit être mise au même niveau que la drogue ou le harcèlement.

Personne ne parle. Ils m’écoutent tous avec une attention décuplée. Mon prof, lui, semble vouloir répliquer, voire me mettre à la porte de son cours. Mais je ne lui laisse pas le temps de parler.

— On nous apprend depuis qu’on est jeune qu’énormément de choses ont disparu grâce à la Léthé. Toutes les choses mauvaises. L’homme est l’être vivant le plus fort de la planète et ceci grâce à la Léthé, dont on ne connaît pas le fonctionnement. Mais si, comme le gouvernement et votre cours semblent vouloir nous le faire croire, toutes ces choses ont disparu, pourquoi la Léthé revient tous les ans ? Et puis, pourquoi savons-nous ce qu’est un cancer ? Un viol ? Un dealer ? Si ces choses ont disparu, pourquoi nous en parler au risque que les pires d’entre nous soient assez curieux pour tenter de dealer de la drogue ou d’agresser quelqu’un dans la rue ? On aurait dû tout oublier de ça, jusqu’à les supprimer du dictionnaire. Pourtant, on continue d’apprendre ces termes, on continue à supprimer les délits de l’esprit des gens parce que chaque année ça recommence. Et surtout, on empêche des gens de mourir de maladies parce qu’on leur fait oublier la maladie et les traitements.

Je suis essoufflé. Je crois que j’ai déversé énormément de choses que j’avais sur le cœur. Des choses qui me pesaient mais aussi des interrogations récurrentes. Je sens une pression sur mon bras. Je tourne la tête et me rends compte que je me suis levé et que Riley semble avoir essayé de me retenir. J’hésite alors entre me rasseoir ou sortir d’ici. Je ne veux pas faire plus d’esclandre mais je suis vraiment à bout. Cette fausse naïveté _ parce que j’estime qu’on ne peut pas croire à ce point que tout est beau et merveilleux dans notre pays _ me met en rogne.

— Si les mots existent toujours c’est pour ne jamais oublier, répond le prof. Ça fait partie de la mémoire commune. Puis, je suis désolé pour votre grand-mère, mais rien ne peut être parfait. Il suffit qu’elle ait commencé son traitement trop tard pour que cela ait eu des conséquences malheureusement désastreuses. Mais la Léthé enlève le poids de la perte pour compenser ça.

— Le poids de la perte, comme vous le dîtes, c’est le deuil. C’est ce qui nous permet de pleurer les morts et d’accepter leur départ au bout d’un moment. Mais ça, ce mot, il a pourtant été supprimé de notre vocabulaire. Pourquoi ? Parce qu’il était plus contraignant que de savoir ce qu’est la drogue, l’alcool ou un braquage ?

— Un deuil ? Et comment connaissez-vous ce mot ?

J’ai fait une boulette. Une énorme boulette. Je n’ai plus le choix, j’attrape mes affaires et je pars _ m’enfuis _ de la salle de cours. Sans un regard en arrière, je passe la porte vers une destination quelconque. J’ai encore cours après, mais j’ai pas vraiment envie d’y aller. Finalement, au détour d’un couloir, je m’accroupis au sol. Je crois que c’est l’endroit où se pose Nora entre les cours. Je regarde rapidement mon téléphone, il reste au moins une bonne demi-heure avant la fin du cours d’histoire.

Je laisse ma tête retomber en arrière pour se poser contre le mur, les yeux fermés. Je suis fatigué. Toute cette histoire me fatigue. Le printemps est déjà là que nous n’avons rien trouvé de plus lors de nos recherches. J’ai l’impression de faire du surplace. En plus, je suis de plus en plus confus par tout ce qui arrive et par … certaines choses plus précises.

— Ça va ?

Quand on parle du loup.

J’ouvre les yeux et vois Riley accroupi devant moi. Il a vraiment l’air inquiet. En même temps, avec le bordel que j’ai mis … je n’ai pas la force de lui répondre, alors je hoche la tête, simplement. Il me regarde sans rien dire. Je fais pareil et sens mon cœur s’affoler. Tout comme lui, je ne comprends pas ce qu’il m’arrive. Cet organe m’appartient mais il semble pourtant mener une vie propre à lui-même et totalement déconnecté de mon cerveau.

Il finit par s’asseoir à côté de moi et ne lâche pas un mot pendant encore plusieurs minutes. Je ne sais pas quoi faire. Mais d’un côté, sa seule présence est rassurante. Pas comme lorsque je suis avec Reece. Elle l’est d’une autre manière.

— Je suis désolé pour tout à l’heure, finit-il par me dire.

— Tu n’y es pour rien. C’est pas de ta faute si le prof est un pro-Léthé et que je ne sais pas tenir ma langue, je soupire. J’ai tout foutu en l’air. Pourquoi j’ai ouvert ma grande bouche ? Surtout pour parler du deuil …

— Tu as bien fait. Ça a fait réagir quelques personnes. Ils ont parlé des problèmes que la Léthé a provoqués chez eux ou chez leur famille, m’explique-t-il alors que je le fixe du regard. Certains ont aussi perdu des proches mais comme toi, ils n’ont aucun souvenir de leur deuil. D’ailleurs, ils sont en train d’harceler le prof pour savoir si ce mot a réellement existé et savoir pourquoi il aurait été supprimé de notre vocabulaire.

— Et toi ? Qu’est-ce que tu fais là ?

— J’ai profité du bordel pour sortir et voir comment tu allais.

Il est sorti comme ça de cours juste pour venir me voir ? Je me sens … touché. Je ne pensais pas qu’il m'appréciait assez pour faire ça.

— Reece aussi voulait venir mais son absence serait passée moins inaperçue que la mienne.

Après ça, il se tait et se remet à regarder devant lui. Je fais pareil et pendant un quart d’heure, il n’y a plus un bruit dans le couloir. Juste nos respirations qui donnent l’impression de résonner contre les murs. Les lumières finissent même par s’éteindre à cause de notre immobilisme. Si ça ne sentait pas le fauve stressé par les cours et un fort mélange de parfums, j’aurais pu croire que je suis dans mon lit et que cette journée n’était qu’un simple cauchemar. Sauf que ce n’est pas le cas.

— Ça ne te fatigue pas ? je lui demande au bout d’un moment. Je veux dire … tout ceci ! L’oubli, les recherches, le fait de ne pas avancer.

— Si. Bien sûr. Sauf sur le dernier point. On avance. Je le vois. Pendant nos lectures, on fait de nouvelles découvertes même si elles ne sont pas cruciales pour résoudre notre problème. Et en même temps, j’apprends à te connaître et à connaître un peu plus Reece. A chaque fois que je découvre un trait de ta personnalité ou quelque chose te concernant, je me dis que je me rapproche un peu plus du Riley que je devais être l’année dernière. Et donc que je me rapproche un peu plus de la vérité. Peut-être que j’ai complètement tort, mais je préfère penser comme ça.

Je laisse passer un petit bruit d’assentiment d’entre mes lèvres sans rien ajouter de plus. Il a raison, je suis obligé de l‘avouer. Je commence à le connaître, à repérer ses habitudes, bonnes comme mauvaises. Aujourd’hui, je le connais un peu plus qu’hier et je sais que demain, je le connaîtrai bien plus qu’aujourd’hui. Chaque jour on se découvre, ou plutôt, on se redécouvre. Et ça veut qu’on se rapproche de nos nous de l’année dernière, ceux que l’on essaye de retrouver à travers nos recherches.

— On sèche le prochain cours ?

J’hausse un sourcil. Je n’aurais jamais pensé qu’il me proposerait de faire l’école buissonnière. Il est pas mal studieux en temps normal.

— Le prochain cours n’est pas franchement intéressant, puis ça nous permettra d’aller visiter le bureau de l’infirmière. Elle n’est pas là aujourd’hui pour changer.

Il me jette un petit sourire que je lui vois que très peu. Il a généralement un énorme sourire quand il parle avec ses potes, ceux qu’on partage souvent en grand comité pour faire comme tout le monde. Mais ce petit sourire satisfait arrive rarement. Généralement, c’est signe qu’il prépare quelque chose ou qu’il est excité par ce qu’il va faire. Et là, l’idée de s’introduire dans l’infirmerie pour fouiller les affaires semble lui plaire énormément.

Un enfant. Je ne peux pas m’empêcher de rire avant de me lever à sa suite et de prendre la direction de l’infirmerie. Il vaudrait mieux qu’on y arrive avant l’interclasse au risque de nous apporter encore plus de problèmes que je ne l’ai surement fait tout à l’heure en cours d’histoire. J’espère que ça va pour Reece. J’en profite pour sortir mon téléphone et lui envoyer un message pour lui raconter ce qu’on prévoit de faire, pas qu’il ne nous cherche pendant une éternité et s’étonne de ne pas nous voir en cours. Peut-être qu’il nous rejoindra d’ailleurs.

Comme prévu, l’infirmerie est vide. Je ne pense pas qu’il y aura beaucoup de visites aujourd’hui. Après tout, tout est fait pour que tout aille au mieux pour tout le monde, alors si on pouvait éviter de se faire un petit bobo … À se demander vraiment pourquoi l’infirmière est payée. J’espère au moins qu’elle nous a laissé des informations intéressantes.

— Je fouille le bureau, tu t’occupes des placards ? me demande Riley.

— Pas de problème ! Bonne chance.

Bonne chance … je ne sais même pas pourquoi je lui ai dit ça ! C’est comme si j’avais paniqué. Ça n’a aucun sens. Je ne dois pas être remis de toutes mes émotions. Il faut au moins que j’arrive à me concentrer sur ma fouille, que je sois un minimum utile aujourd’hui, parce que jusqu’à présent, je nous ai plus enfoncé dans les problèmes qu’autre chose.

Faites que le prof d’histoire oublie tout ceci. Ou alors qu’il me pense malade. Après tout, j’ai souvent fini à l’infirmerie en début d’année.

Bref, le temps n’est plus à la réflexion mais à la fouille. Et je vais avoir du boulot. J’ai l’impression qu’il y a des placards partout. Derrière les lits, au-dessus du bureau, sous les fenêtres, au-dessus aussi il y a des petites étagères. Faites que je trouve quelque chose. J’ai très peu envie de me taper la fouille d’autant de placards pour rien.

Il n’y a rien.

Vraiment.

Ça fait une bonne vingtaine de minutes que j’ouvre les placards, les vide, range tout, referme les placards et … rien. A part les bras en compote, je n’ai absolument rien trouvé. Il y a à peine des médicaments là-dedans, c’est pour dire. J’ai trouvé une ou deux boîtes de paracétamol, un peu plus de phloroglucinol, beaucoup de boîtes de sucre en morceaux _ à croire que le sucre guérira tous les problèmes des adolescents _ et des préservatifs. Ça, au moins, sur l’éducation sexuelle, le lycée et le gouvernement sont au taquet. Couchez si vous voulez, mais ne tombez pas malade. Même pas un rhume. On vous donne quand même toutes les clés pour ne pas avoir de gosses, mais clairement, le sexe avant les rhumes.

J’observe les préservatifs et fais une moue de dégoût. Cette société me dégoûte. Les jeunes me dégoûtent. Pourquoi sauter sur tout ce qui bouge ? En soi, je n’ai rien contre ces gens, mais pourquoi faire tout ça si c’est au risque de tout oublier parce que ce jour-là on avait un coup dans le nez ou alors qu’on était dans un endroit interdit ? D’ailleurs … si ça se trouve, j’ai oublié ma première fois ! Je lâche un gémissement de dépit à cette idée. Ce serait vraiment horrible.

— Qu’est-ce que t’as ? me demande Riley qui relève la tête du bureau qu’il fouille toujours. T’as jamais vu de capote de ta vie ?

Je rougis. J’ai un préservatif à la main et ça doit faire au moins cinq minutes que je le fixe en réfléchissant. Il y a de quoi se poser des questions.

— Je me disais juste que ce serait horrible d’oublier sa première fois. Et je me suis demandé si c’était mon cas.

— Ça n’aurait aucun intérêt de vouloir effacer ce genre de souvenirs. C’est comme si on effaçait le fait de prendre un petit dej’ ou de fêter un anniversaire.

Je lui lance un regard équivoque. Il a oublié un détail vraiment important nous concernant, lui comme moi.

— Ok, un point pour toi, me lance-t-il finalement avant de se remettre à ses recherches. Sinon, à part ta découverte des préservatifs, quelque chose d’intéressant ?

— Rien, je lui réponds en faisant abstraction de sa remarque. Il y a quasiment pas de médicaments, on pourrait augmenter la glycémie du lycée entier et les empêcher d’avoir des gosses. Le reste est composé de draps pour les lits.

— Tient, voit si tu trouves un truc utile dedans.

Je me tourne vers lui et vois arriver un livre, droit sur moi. Je l’attrape de justesse et remarque que ce n’est pas réellement un livre. C’est un agenda. Celui de l’infirmière à première vue. Il ne doit pas être beaucoup rempli vu le peu de fois où elle est présente et le fait qu’il soit ici, dans ce bureau et non pas avec elle. Je ne sais pas si ça vaut vraiment le coup de le feuilleter mais bon, je n’ai plus grand-chose à faire maintenant alors autant que je me rende utile.

Je prends place sur un des lits, celui dans lequel j’ai passé mes premières semaines de cours, et commence à faire tourner les pages de l’agenda, une par une.

Septembre passe. Comme prévu, il n’y a pas grand-chose d’inscrit à l’exception de la date de la rentrée. Il y a noté les jours où elle travaille, ce qui doit constituer un septième de l’année.

Octobre n’est pas mieux. Elle a noté le jour d’Halloween et a rajouté une petite note comme quoi il fallait qu’elle aille acheter des bonbons pour l’occasion. On aime le professionnalisme présent dans cet agenda.

Novembre n’est composé que de vide. Il n’y a vraiment rien du tout. Cette fois-ci, l’infirmière ne s’est même pas donné la peine de noter ses jours de présence. Si ça se trouve, elle n’a pas été là de tout le mois.

Décembre arrive et là, quelque chose d’intéressant apparaît.

— Riley, viens voir.

Il me rejoint rapidement avant de s’installer à côté de moi pour voir ma trouvaille.

— C’est le mois de décembre, je lui explique en commençant à tourner les pages à partir du premier décembre. Il y a eu des réunions, des colloques, il y a même le jour où les médicaments sont rapatriés en usine. Puis on arrive juste avant les fêtes de fin d’année et regarde ça. Regarde ça.

Je continue à tourner les pages jusqu’à celles qui m’intéressent. Ce sont celles présentes juste avant le début des vacances. Il est marqué quelque chose qui s’est donc déroulé il y a quelques mois mais dont, personnellement, je ne me souviens pas.

— Il y a eu trois jours sans cours ? s’étonne Riley. Pourquoi j’en ai pas souvenir ? Quel intérêt de nous effacer ce souvenir.

— Il n’y a aucun intérêt, à part si ça a un rapport avec la Léthé !

— Tu crois ?

— Regarde ! C’est juste avant la fin de l’année ! Et on a découvert que l’Alètheia était nominative ! Mais à quel moment est-ce qu’on la fabrique et la récupère ? Je suis sûr que tout se passe à ce moment-là ! je lui réponds convaincu.

— Ça paraît logique, me répond-il. Il faut réussir à tous nous faire passer par la ou les personnes qui s’en occupent alors quoi de mieux que de programmer ça avec le lycée et nous effacer ensuite le souvenir de ces journées ? Ni vu, ni connu.

Un silence s'ensuit. Il nous laisse songeur. Combien de choses dans ce genre allons-nous encore découvrir ? Si même le lycée est dans le coup, est-ce qu’il reste un endroit de confiance ? je vais finir par m’enfermer chez moi pour ne plus en sortir. J’en finirais presque par devenir totalement paranoïaque et me demander quels amis sont au courant de ça, si mes parents sont dans le coup aussi.

Je jette un coup d’œil à Riley qui est dans le même état d’esprit que moi. Il semble faire des suppositions aussi insensées que les miennes, mais je le comprends. Tout ceci fait peur. Notre monde commence vraiment à me faire peur.

Il se tourne vers moi, prêt, sûrement, à me dire quelque chose mais se fige. Je ne sais pas ce qu’il lui arrive mais je dois avouer que moi aussi je sens quelque chose de bizarre. J’ai chaud … la pièce est peut-être contaminée et commence à nous la fièvre. Par contre, je n’ai pas encore mangé et j’ai déjà mon estomac qui fait des siennes. Je vais pour proposer à Riley d’aller manger un morceau mais dès que mon regard croise le sien, je fige moi aussi. Il y a quelque chose dans son regard qu’il n’avait pas jusque-là. Une lueur que je n’ai encore jamais vue chez quelqu’un d'autre. En tout cas, je n’en ai pas le souvenir.

J’entends alors la poignée de la porte de l’infirmerie faire du bruit. Si on nous voit, on est cuit ! Je pousse Riley qui tombe au sol et m’allonge précipitamment sur le lit. Je l’entends pousser une plainte de douleur et me maudire.

— Désolé ! je chuchote rapidement avant que la porte ne s’ouvre.

Je pousse un soupir de soulagement lorsque je vois Reece entrer dans l’infirmerie. Je commence à lui sourire lorsque je le vois se cacher sous un lit en me faisant signe de me taire. Il est rapidement suivi par une fille que je reconnais directement. C’est la première année qui s’est confessée la dernière fois. Elle semble chercher quelqu’un et je pense savoir de qui il s’agit.

— Oh, toi ! crie-t-elle en me pointant du doigt. T’es pote avec Reece, non ?

— Euh … oui ?

— Est-ce que tu sais où il est ? Je l’ai suivi et j’ai cru le voir entrer ici ! Il doit me donner une réponse !

— Ben … non … enfin … je sais pas où il est, je bafouille, pas très serein face au regard qu’elle me lance.

— Tant pis … je vais rester un peu là ! Lui courir après, c’est vraiment pas de repos, me dit-elle en riant.

Je laisse échapper un petit rire incertain avant de jeter un petit regard à Riley coincé entre le lit et le mur, à deux doigts d’éclater de rire, et à Reece qui est caché sous un lit, entouré par les draps de celui-ci qui le masque aux yeux de l’autre folle. Et mon ventre qui se met à faire un bruit de Dieu.

Finalement, je me rallonge sur le lit et pousse un très, très long soupir.

Cette fin de matinée va être interminable.

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