Chapitre 18

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J’ai le cœur qui palpite. J’ai chaud et je tremble de tous mes membres. On est le 22 juillet et aujourd’hui j’ai 18 ans. J’ai l’impression qu’à partir de maintenant, ma vie va prendre un tournant totalement différent alors qu’en réalité rien ne changera. Alors certes, je vais aller à l’université, mais je serai encore chez mes parents, je marcherai pour aller en cours, je passerai la plupart de mes soirées avec Reece et je me lamenterai toujours à propos de ma perte de mémoire. Bref, rien de bien différent du début d’année.

De toute façon, je ne dois pas penser à ça. Non, pour le moment, je dois plutôt me concentrer sur ma respiration. Penser à bien inspirer avant d’expirer le plus calmement possible. Je suis en train de marcher dans une des rues qui sépare ma maison à celle de Reece. Il m’a dit de venir pour 19 heures chez lui, de me faire beau et de ne surtout pas être en retard. Je crains le pire. Il a dû profiter de l’absence de ses parents pour organiser une énorme fête comme il les aime. Beaucoup de gens, de la musique à fond, énormément de nourriture. Pour ce dernier point, je sais, par contre, que je peux lui faire confiance. Quoi qu’il ait organisé, je serai rassasié à la faim. Parce que oui, en plus de me dire de me faire beau, il a précisé que je ne devais pas manger et surtout ne pas me goinfrer à quatre heures.

Alors que je m’approche de la maison de mon meilleur ami, je distingue une silhouette près de la porte d’entrée. Immobile, elle semble hésiter. Je m’approche et la reconnais rapidement. Sans m’en empêcher, je me mets à sourire et à accélérer le pas.

— Nora ! je crie en la rejoignant.

Elle sursaute et se retourne rapidement vers moi. Elle m’adresse un de ces sourires qui me fait penser à Reece et je ne peux m’empêcher de la serrer dans mes bras. Ça fait du bien de la voir après tout ce temps.

— Joyeux anniversaire James, me dit-elle en me rendant mon étreinte.

— Merci, je lui réponds en la relâchant. Ça fait du bien de te voir ! J’aurais jamais pensé le dire, mais je pense que tu m’as manqué depuis la dernière fois !

Je vois que ma phrase la touche parce que son sourire s’agrandit et ses yeux se mettent à pétiller. Elle s’apprête à me répondre quand la porte d’entrée s’ouvre en grand et que Reece apparaît sous le chambranle.

— Happy birthday Darling ! T’es canon aujourd’hui ! Allez viens ! … Salut Nora, la salue-t-il avec quand même un léger sourire.

Reece a l’air moins tendu lorsque Nora est à proximité et je dois avouer que j’en suis heureux. Si mon meilleur ami peut s’entendre avec une de mes amies, c’est un moyen de garantir qu’on gardera bien tous contact à la rentrée. D’ailleurs en parlant de tous …

— Il n’y a que nous ?

— Of course non ! s’écrie-t-il. Riley est déjà dans le salon, il est arrivé le premier. Et pour les autres …

— Les autres ? je commence à m’inquiéter.

— Il n’y en a pas ! Enfin, si, j’ai bien demandé à ton frère s’il voulait venir, mais il m’a déclaré mot pour mot « pas envie, je vais être acariâtre et pourrir la soirée ». A ce que je vois, il pense toujours à sa rupture ?

— Tous les jours ! Il arrive pas à passer à autre chose. Puis je crois qu’il retombe malade. Peut-être la maladie d’amour !

— Quelle étrange maladie, me dit-il avec un clin d’œil.

Je ne comprends pas trop ce qu’il cherche à me faire comprendre mais Reece étant Reece, je finirai par le découvrir d’une manière ou d’une autre. Il se retourne et part dans son salon. Nora et moi le suivons mais très vite je m’arrête. Je viens de réaliser un truc … IL est dans le salon. IL est là. Ce sera la première fois que je le reverrai depuis le … la chose. Bref, le baiser ! Autant appeler un chat, un chat ! La première fois, donc, depuis que Riley et moi, on s’est embrassés.

Je ne sais pas comment je dois réagir.

Est-ce que j’entre dans le salon comme si de rien était, j’agis normalement ? Enfin, la question n’est pas vraiment celle-là mais plutôt de savoir si j’arriverai à agir comme si de rien était. Il y a plutôt de grandes chances pour, qu’une fois que mes yeux se posent sur lui, je me mette à bégayer, à paniquer ou à rougir. Voire les trois à la fois. Pourtant, ce n'est pas comme si j’avais le choix. Alors j’avance, je profite que Nora soit arrivée en même temps que moi pour lancer un bonjour qui aurait presque pu passer inaperçu. Presque étant le mot le plus important. Parce qu’à peine j’ai ouvert la bouche, le visage de Riley se tourne vers le mien et il me sourit. IL me sourit !

Pourquoi il sourit comme si de rien était ? Est-ce qu’il a oublié ce qu’il s’est passé ? Est-ce qu’il s’en rappelle mais considère que c’est sans importance ? Et pourquoi ça m’agace autant alors que juste avant, je voulais faire semblant que tout allait bien ? Parce que je sais ce que je ressens mais n’ai aucune idée de ce qu’il pense même si, savoir ce que je ressens, faut le dire vite. Je suis perdu ! Ce dont je suis sûr, c’est ça et uniquement ça.

J’essaye de lui retourner son sourire. Il ne faut pas que je montre que je suis troublé par tout ça. Alors je souris et je pars m’installer sur un fauteuil, étrangement, celui opposé au siège de Riley. Je l’entends me souhaiter un bon anniversaire et je le remercie le plus joyeusement possible. Mais je suis tellement mauvais acteur que s’il n’a rien remarqué, c’est soit qu’il est aveugle, soit qu’il en a rien à faire, soit qu’il a réellement oublié ce qu’il s’est passé. Et il ne faut pas compter sur moi pour savoir quelle option est préférable. Je n’ai même pas envie d’y penser.

On papote tous ensemble pendant quelques minutes avant que Reece ne se lève et déclare l’ouverture des festivités. Je ne sais pas ce qu’il a prévu de particulier mais il se lève et sort du salon sans un mot. Nora, Riley et moi nous nous regardons, demandant à chacun s’il sait ce qu’on doit faire. Le suivre ou attendre ? Mais bon, comme il n’a pas l’air de nous attendre, on en conclut qu’il vaut mieux rester là pour le moment. Ce qui signifie … faire la conversation.

Super.

Etrangement, c’est Nora qui commence à parler en nous demandant comment s’est passé ce début de vacances. Je lui raconte un peu mes semaines, en omettant bien sûr ce vide qui m’habite. A la place, je parle de Jude, des soirées marshmallow avec Reece, de nos compétitions de jeux vidéo que j’ai souvent gagnées. Elle explose de rire à certaines anecdotes que je lui raconte. C’est … étrange. J’ai l’impression qu’il lui est arrivé un truc depuis la dernière fois qu’on s’est vu. Quelque chose de bien qui justifierait sa bonne humeur. Peut-être qu’on lui a manqué et qu’elle est heureuse de nous voir mais, j’ai le sentiment qu’il y a autre chose.

— Et toi ? Tu as passé ton début de vacances autre part que dans des livres déprimants sur la Léthé ? je lui demande en riant.

— Bien sûr ! Je me suis intéressée aux livres qui parlent de l’échéance des derniers gouvernements du pays. Fascinant !

Elle me lance un sourire moqueur, me faisant rire de plus belle, pourtant, je suis sûr qu’elle est sérieuse. Elle a forcément des livres de ce genre chez elle et ça ne m’étonnerait pas qu’elle les ait réellement lus ces dernières semaines. La preuve en est qu’elle nous raconte quelques détails qu’elle a découvert et qui sont, effectivement, fascinants. A croire que ce pays n’a jamais su être gouverné par quelqu’un de compétent.

— Et toi Riley ?

Contre toute attente, c’est moi qui ai posé la question. Mais alors que mon cerveau me dit de l’ignorer, tout mon être me crie de lui poser la question, de savoir ce qu’il a fait depuis le début des vacances, s’il a vu des gens, pourquoi il ne l’a pas contacté, est-ce qu’il se souvient du baiser, est-ce qu’il a autant aimé que moi, … enfin non, pas ça ! Surtout que je n’ai pas aimé ce baiser.

Enfin … si j’ai aimé. Peut-être plus que je ne veux me l’avouer. Peut-être même que ça ne me dérangerait pas de recommencer … mais simplement pour savoir si je ressentirais la même chose. Ce baiser était totalement imprévu et imprévisible. Il venait de nulle part et m’a tellement pris par surprise que ça a pu décupler toutes les sensations. Puis je n’ai embrassé personne depuis tellement longtemps. Peut-être que ça m’avait manqué et que mon corps a trouvé un moyen pour me le dire. Alors du coup, si là, Riley m’embrassait à nouveau, est-ce que je sentirais encore mon cœur s’accélérer ? Est-ce que j’aurais encore envie de me fondre le plus possible entre ses bras pour ne pas en sortir ? Mon corps se réchaufferait-il au point de me rendre faible et d’avoir l’impression que seul ses lèvres contre les miennes pourraient m’apporter l’air nécessaire pour survivre ?

Bon sang … j’ai envie de recommencer.

Je veux l’embrasser une fois, deux fois, autant de fois qu’il le faudra pour en rassasier mon corps. Je veux retrouver la douceur de ses lèvres et plonger à nouveau mes doigts dans ses cheveux.

Comme l’aurait dit ma grand-mère, je suis dans la mouscaille.

Je me replace sur le fauteuil, essayant de cacher mon trouble. Mes pensées n’ont duré qu’une pauvre seconde, mais mon cœur bat comme si je venais de courir un marathon. Ce que je viens de réaliser est plus éprouvant qu’une course de quarante-deux kilomètres. Je ressens quelque chose pour Riley. A première vue, pas simplement de l’amitié mais quelque chose de plus fort. Assez fort en tout cas pour que j’ai envie de l’embrasser et de l’étreindre de toutes mes forces.

— J’ai passé une semaine avec mes parents puis j’ai commencé à bosser, dit-il en me coupant dans ma réalisation. Je suis un homme actif maintenant.

Il me sourit et je ne peux pas m’empêcher de le lui rendre. Il a atteint l’objectif qu’il s’était fixé et ça a l’air de le rendre heureux.

— D’ailleurs ! Félicitations pour ta mention ! je lui sors subitement. T’as tout déchiré aux examens !

— Merci ! Toi aussi bravo ! Tu l’as finalement eu ce bac ! Et avec une mention !

— C’est grâce à toi et tes fiches ! Vous m’avez sauvé la mise sur ce coup ! Je sais pas comment j’aurais fait sans votre aide !

— Tu aurais réussi quand même je pense. Mais malgré tout, je suis fier de toi.

Oula … je me sens tout bizarre d’un coup. Je crois même que je suis devenu écrevisse tant j’ai chaud. Et en plus de ça, je ne peux pas m’empêcher de sourire bêtement. Je dois avoir l’air totalement idiot mais je n’y peux rien. Riley est fier de moi et ça me rend heureux. Sûrement parce qu’il a tant fait pour moi pendant ces révisions. Je me sens vraiment reconnaissant envers lui.

— J’espère réussir à te remercier assez pour ça.

Il me fait un signe voulant dire que ce n’est rien et avant que je ne réplique, la mélodieuse voix de mon meilleur ami résonne dans le salon, nous criant de le rejoindre dans la salle à manger. On se lève, intrigué, et le rejoint dans la pièce d’à côté. Et là, mes yeux s’ouvrent en grand et il y a sûrement des milliers d’étoiles qui y scintillent. Devant moi se présente une fontaine de chocolat et des dizaines d’aliments en tout genre pour accompagner. J’ai l’impression d’être au paradis et je ne peux pas m’empêcher de sauter dans les bras de Reece.

— T’as fait ça pour moi ?

— Bien sûr ! Tu crois quoi ? Je dois t’offrir les meilleurs cadeaux tous les ans et cette année n’échappe pas à la règle ! J’ai même pris une triple ration de marshmallow.

— T’es le meilleur ! Bon appétit !

Je m’apprête à me jeter sur la nourriture mais Reece m’en empêche. Je râle lorsque je le sens m’obliger à le suivre jusqu’à la place qui m’est attribuée. J’ai l’impression d’être un roi ! Je suis au bout de la table, comme pour présider ce repas, et s’étale devant moi tellement de choses qui me donnent envie que je ne sais même pas par quoi commencer ! Reece me fait signe d’attendre encore un peu, place à leur tour Riley et Nora avant de repartir dans la cuisine. La lumière s’éteint et je les entends commencer à chanter. J’ai presque envie de pleurer et j’insiste bien sur le presque.

J’en ai eu des anniversaires, dix-huit pour être précis, mais je ne pense pas avoir déjà été aussi heureux lors des dix-sept précédents. Une odeur de chocolat et de ces mélanges pyrotechniques des cierges magiques me piquent le nez. A moins que ce soient mes larmes qui veuillent vraiment sortir. Il fait sombre. Seules les bougies me permettent de distinguer les sourires de chacun. Eux aussi ont l’air heureux à cet instant précis et avec les galères qui nous arrivent, ça vaut tout l’or du monde.

Puis le gâteau arrive devant moi, la chanson se termine et les lumières sont rallumées. Mais les sourires sont toujours là et des cadeaux apparaissent comme par magie entre mes mains alors que je n’ai toujours pas soufflé mes bougies. Je ne sais pas par quoi commencer. Les cadeaux ? Les bougies ?

— Souffle avant que ton gâteau soit couvert de cire ! me conseille Nora qui a l’air excitée.

Elle a vraiment quelque chose de différent depuis la dernière fois. Peut-être le fait d’être chez Reece ? Pourtant, je me souviens encore du scandale qu’elle avait fait lorsqu’il avait voulu qu’on vienne faire nos recherches sur la Léthé chez lui. Ça doit donc être autre chose mais quoi que ce soit, ça la rend heureuse.

Après cette constatation, je ne peux pas m’empêcher de jeter un regard vers Riley. Juste une microseconde. Il me regarde lui aussi heureux. Mais il y a quelque chose en plus dans son regard que je ne peux pas décrypter et inconsciemment, j’espère que cette lueur a un rapport avec moi. Moi près de lui. Et je l’espère tellement que lorsque je finis par souffler mes bougies, c’est ce que je souhaite. Provoquer quelque chose en lui, de positif si possible. Avec mes pensées en vrac quand je pense à lui, il n’est que justice que lui aussi ait un bordel dans sa tête lorsqu'apparaît dans son esprit.

Les bougies enfin soufflées, je peux maintenant ouvrir mes cadeaux. Nora m’a offert des livres pour apprendre l’allemand. Je la remercie chaleureusement et me sens aussi touché. Je me rappelle bien lui avoir dit avant le bac que c’était une langue que j’aurais aimé parler en plus de quelques autres. Elle s’en est rappelée.

Riley, lui, m’offre un nouveau carnet, pour continuer à écrire mes souvenirs en espérant que j’y trouve, lorsque j’en ai besoin, l’essentiel et la vérité. Ce sont ses propres mots. Il paraît tellement mystérieux quand il me dit ça et même si je ne comprends probablement pas le vrai sens de sa phrase, je sais que je chérirai ce carnet comme un véritable trésor.

Et Reece … comme si tout ce qui se trouvait devant moi ne suffisait pas, il m’a offert un album photo. Enfin un … des albums photos. J’ouvre le premier et me vois enfant, accompagné de Reece, tout aussi jeune. A côté, il y a une date qui correspond au jour de notre rencontre et un mot qui dit que c’est à partir de ce moment-là que tout est parti en vrille dans le quotidien de nos parents. Je souris. C’est vrai qu’on a pas été des enfants de chœur. On a même plutôt était pas mal turbulents. Je continue à tourner les pages et je ne sais pas comment réagir. J’ai envie de prendre mon meilleur ami dans mes bras pour le remercier de tout mon cœur. J’ai aussi envie de pleurer, de laisser libre cours aux litres de larmes que je me retiens de verser. J’ai aussi envie de partir d’ici, de courir jusqu’à un endroit où je pourrais mettre sous clé les albums et ainsi être sûr de ne jamais les voir disparaître.

Parce que plus que des photos, ce sont des souvenirs que Reece m’a offerts. Nos souvenirs à lui et moi, de notre rencontre à maintenant. J’attrape l’album qui semble contenir les photos les plus récentes et vois des événements dont je n’ai plus souvenir et pour cause, sur certaines se trouvent Riley. Je ne sais pas comment Reece a fait pour conserver tout ça mais je suis vraiment touché de le voir m’offrir ces moments que j’ai perdu de ma mémoire. Il est le meilleur ami que je puisse avoir et je le lui dis.

Je vois dans ses yeux et sur ses lèvres qu’il est heureux de ma réaction. Mais qu’est-ce que j’aurais pu faire d’autre que d’aimer ? J’ai aimé tous mes cadeaux, mes amis sont géniaux et maintenant, il serait temps d’attaquer le gâteau avant que je me mette à pleurer. Et nous voilà en plein milieu d’une orgie de nourriture. Entre le gâteau et la fondue au chocolat, je pense que je pourrai me passer de repas et surtout de sucre pour les prochaines vingt-quatre heures. J’en ai bien profité et, à première vue, je ne suis pas le seul.

On parle encore des heures avant que Nora déclare devoir rentrer chez elle. C’est vrai qu’on est là depuis un bon moment et que la nuit ne va pas tarder à tomber. Il vaudrait mieux moi aussi que je rentre chez moi. Je pourrais sûrement dormir chez Reece mais j’ai promis à Jude de ne pas découcher.

Finalement, Riley aussi décide de partir. On aide un dernier coup pour le rangement puis nous sortons tous les quatre de la maison.

— Bon, vu que vous habitez dans le même coin, je vais raccompagner Nora. Vous deux, partez ensemble.

Ok. Je ne l’avais pas vu venir. C’est donc ce qu’il voulait faire depuis le début ? Parce qu’il a forcément quelque chose derrière la tête. Reece n’aurait pas proposé à Nora de l’emmener chez elle si ce n’était pas pour une bonne raison. A moins que je ne me fasse des films et qu’en réalité ils soient vraiment devenus amis ? Non … ce serait trop beau. Je pense plutôt qu’il a un plan et que celui-ci soit que je parle à Riley de ce qu’il s’est passé avant les vacances et surtout de ce que je ressens.

De ce que je ressens ? Mais même moi je n’en sais rien. Et comment je pourrais y voir plus clair si je me retrouve coincé avec le sujet de mes problèmes ? C’est comme demander à une personne qui fait un régime de réfléchir aux plats totalement équilibrés qu’elle doit manger, installée dans un fast-food. C’est contre-productif.

Malgré ça, je salue Nora, adresse un regard qui veut tout dire à Reece puis commence à marcher, Riley à côté de moi. On avance en silence. De temps en temps, j’ose jeter un coup d’œil vers lui mais ça ne fait que me miner le moral. Son visage ne reflète aucune émotion étrange, aucun trouble. Il est là, avance, de la même manière qu’on le faisait lorsqu’on rentrait des cours, alors que moi, je suis au bord du malaise. J’ai l’impression qu’il y a tellement de choses à dire alors que mon cerveau est totalement vide. Je repense au baiser mais j’essaye de passer à autre chose avant que je ne rougisse et hyperventile.

— Bon, on est devant chez toi, me dit-il.

Je sursaute. Je ne m’attendais pas à ce qu’on arrive aussi vite. Je ne sais pas quoi faire. Le trajet est allé beaucoup trop vite, je n’ai pas eu le temps d’avoir une idée, quelle qu’elle soit. Je dois trouver quelque chose avant qu’il ne parte, parce que je sens que si on ne parle pas maintenant, on ne parlera jamais et je resterai toujours dans le flou. Je ne sais pas ce qu’il s’est passé entre nous mais il faut que je puisse mettre des mots sur ça. Et je le vois me faire un signe de la main et me dire rapidement qu’il va continuer et qu’on se voit bientôt.

— Tu m’as manqué, je crie peut-être un peu trop fort.

Pendant un instant, je crois qu’il ne m’a pas entendu, ce qui est pourtant improbable vu la puissance avec laquelle je lui ai dit ça. Mais il s’arrête. Et c’est tout. Il ne se retourne même pas vers moi. il est juste là, immobile, à quelques pas de moi.

— Tu m’as manqué ces derniers jours. Ces dernières semaines, même, si je veux être honnête avec toi. J’ai ressenti un vide constant et je viens de comprendre que c’était parce que je ne te voyais plus.

Il ne bouge toujours pas et pourtant, je sais qu’il est attentif au moindre de mes mots. Je dois continuer jusqu’à le faire réagir d’une quelconque manière.

— La dernière fois … je ne sais pas ce que c’était. Je ne sais absolument pas pourquoi on l’a fait mais … Je suis perdu, Riley. Je me rends de plus en plus compte que je ressens des choses que je ne suis pas capable de comprendre. Pourquoi on a fait ça ? Et pourquoi est-ce que j’ai autant aimé ? Et surtout, pourquoi l’idée de recommencer est loin de me déplaire ? Si tu as des réponses, aide-moi s’il te plait ! Et sinon … je ne sais pas ce que je pourrais faire. Je ne pense même pas pouvoir oublier ça et faire comme si de rien était. A part si tu me le demandes.

Ses épaules se crispent. Je crois que j’ai fait mouche. Va-t-il effectivement me demander d’oublier tout ça et faire comme si ça n’était jamais arrivé ? Rien que d’y penser m’effraie. Pour être honnête, je ne pense pas en être réellement capable.

Il finit par se retourner. Ses yeux plongent instantanément dans les miens mais je n’arrive pas à décrypter ce que j’y lis. Il a l’air perturbé, ça oui, mais il y a autre chose et je ne sais pas si c’est positif pour moi ou non.

— Je pourrais oublier si tu me le demandes, je répète en tremblant.

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