La Purge - Partie 1

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Malgré son entrainement, rien n’avait préparé Paul à ce qui l’attendait en rejoignant l’Organisation de Contrôle des Incidents Magiques, plus communément appelée l’OCIM.

Dans un passé qui lui paraissait maintenant lointain, Paul avait été l’un des meilleurs commandos du service Action de la DGSE, l’unité militaire secrète du gouvernement français. Il avait passé des années sur le terrain à combattre le terrorisme religieux dans l’ombre. Mais l’attaque sur la tour Montparnasse avait tout changé.

Le responsable était un sorcier qui avait utilisé ses pouvoirs pour détruire le plus haut gratte-ciel de Paris. Il avait par la même occasion révélé au monde entier l’existence de la magie et de ceux qui la pratiquent.

Mages, sorciers, enchanteurs, peu importe le nom qu’on leur donne, Paul les détesta immédiatement. Il comprenait le langage du métal : un fusil bien entretenu, une balle qui ricoche sur un mur, un poignard bien aiguisé. De la magie ? Nan, pas possible ! s’était-il horrifié après avoir vu la tour s’effondrer sur l’écran de télévision. En mission en Afrique au moment des faits, le gouvernement français le rapatria immédiatement. Les mois suivants furent un chaos complet.

Le magicien responsable de l’attaque s’appelait Fawkes et faisait partie d’un groupe d’enchanteur au nom aussi arrogant que leurs ambitions: les Élus. La destruction de la tour Montparnasse prouvait l'existence de ses pouvoirs et servait d'avertissement à qui ne satisferait pas ses exigences. Il réclama qu’un Élu choisi par ses soins soit placé dans chaque gouvernement et dispose d’un droit de veto sur toutes les décisions en rapport avec la magie. Il espérait ainsi contrôler la politique mondiale sur la magie et ses utilisateurs.

La confusion régna pendant des semaines, alors que chaque pays entrait en état d’alerte. Aucun gouvernement n’accepta sur le champ, bien entendu, la plupart considérant la magie comme un canular. Les rumeurs et la panique embrasèrent le globe et une fois la date limite de l’ultimatum atteinte, les attaques commencèrent. Washington, Pékin, Téhéran et bien d’autres subirent le même traitement que Paris. Le monde entier dut se plier face à la puissance destructrice des Élus.

En réponse à cette menace, les membres de l'ONU votèrent unanimement pour la création d’un organisme international en charge d’appréhender les mages terroristes : l’OCIM était née. La jeune institution recevrait un budget militaire colossal et chaque pays s’empressa de mettre à disposition ses soldats dans la lutte contre ce nouvel ennemi. Paul rejoignit les premières recrues de l’agence.

La magie était bien réelle. Il l’avait vu de ses propres yeux au cours de sa première opération sur le terrain. Sa réaction d’effarement avait cédé la place à une colère noire lorsqu’il comprit la menace que représentait un tel pouvoir.

C’était un jeune mage d’à peine dix-neuf ans, ayant découvert ses capacités d’enchanteur quelques semaines auparavant. Paul se fichait de ses excuses. Pour lui les magiciens n’étaient pas humains et il fallait les faire disparaitre. Comme des mauvaises herbes, pensa-t-il en lisant le briefing de mission. Jardiner lui manquait… Une fois débarrassé de ces vermines, il s’était promis de prendre sa retraite. Il pourrait alors s’occuper de son lopin de terre en Corrèze. Il lui restait encore du pain sur la planche avant d’en arriver là.

Le jeune mage avait résisté et la suite fut sanglante. Paul avait déjà perdu la moitié de son escouade lors de cette première opération, et cela contre un apprenti sorcier à peine conscient de ses pouvoirs. La magie était une chose absurde. Les murs avaient explosé, les balles de son fusil s’étaient arrêtées en plein vol, un des soldats s’était subitement embrasé… Paul s’estimait chanceux de s’en être tiré vivant. Il avait trouvé une ouverture et saisit le mage par les épaules pour lui planter la lame de son poignard fétiche entre les omoplates. Une fois de plus, cette arme le sortait du pétrin.

Le mage était tombé à genoux, cherchant à décrocher la lame de son dos. Paul avait ensuite agrippé l’arme par le manche et lui avait sectionné la jugulaire, pour faire bonne mesure. Les lieux avaient retrouvé leur calme naturel, malgré le carnage. La façade d’un immeuble s’était effondrée, l’eau avait jailli d’une bouche d’incendie et un peu plus loin, il avait pu voir la fumée émaner du corps carbonisé d’un de ses hommes. Le mage s’était vidé de son sang à ses pieds, essayant de lui dire quelque chose.

Grgleglgrrr, avait saisi Paul. Bon débarras, pensa-t-il en réponse.

Paul fut décoré pour sa première mission. L’OCIM avait besoin de héros et il arrivait à point nommé. L’organisation avait déclaré que le jeune mage était impliqué dans l’attaque de Tokyo qui avait eu lieu quelques jours plus tôt. Ce n’était pas vrai, mais Paul comprenait la logique. Il fallait remonter le moral général et un sorcier mort se présentait comme une parfaite propagande. La politique officielle de l’OCIM consistait à appréhender les mages pour les mettre en détention, mais en réalité, tout le monde les voulait morts et personne ne rechignait à employer des méthodes extrêmes. Les droits de l’homme ne s’appliquaient pas aux utilisateurs de magie.

Cette victoire valut à la jeune organisation une pluie de donations et de fonds, qui furent rapidement écoulés. Ce combat coutait cher, surtout en armes. Paul aimait les armes, elles étaient tangibles et rationnelles. Enlève le cran de sécurité, charge la chambre, vise, tire. Pas de métal qui vole inexplicablement ou d’individu qui s’enflamme sur commande.

Les semaines suivantes s’étaient enchaînées à toute allure. Il avait voyagé partout dans le monde, chaque fois équipé de nouveaux gadgets et accompagné de soldats fraichement recrutés. Certains d’entre eux furent rapatriés dans des cercueils, mais à chaque mission un mage subissait le même sort et, pour Paul, c’était un échange acceptable.

Un soir, alors qu’il était aux États-Unis pour débusquer un Élu caché dans une forêt du Maine, Paul avait regardé les infos sur CNN. Des journalistes critiquaient l’OCIM pour ses méthodes cruelles et le manque de supervision de ses actions. Dans la panique générale qui suivit les attaques, l’ONU conféra les pleins pouvoirs à une organisation ne rendant des comptes à personne. Paul n’y voyait pas de problème tant que le boulot était fait. Mais les journalistes avaient réussi à mettre la main sur le tableau de chasse de l’OCIM et avaient dévoilé que sur les quinze mages appréhendés, aucun n’avait survécu. L’un des détracteurs avait même donné un nom aux actions de l’OCIM : la Purge.

En toute honnêteté, ce nom plaisait à Paul. Pas besoin de tortiller du cul, on l’avait embauché pour dézinguer du mage, autant être clair là-dessus.

L’émission avait tourné en eau de boudin. Un mage s’était pointé pour expliquer que les actes terroristes étaient l’initiative d’un groupe de fanatiques, pas de l’ensemble de la communauté magique. « Communauté magique », nom d’un chien pour qui il se prend celui-là.

La police l’avait ensuite arrêté devant les caméras et il s’était laissé faire. Quelques jours plus tard, Paul assistait à son interrogatoire dans l’une des cellules de l’OCIM. Le mage ne savait que dalle, mais il leur avait donné des informations utiles sur le fonctionnement de la magie… après s’être fait arracher tous les ongles, pour faire bonne mesure.

Peu après, l’OCIM avait reçu sa piste la plus prometteuse : une photo de Fawkes prise en plein cœur de Berlin. Paul s’y trouvait quelques heures plus tard. Il faisait un froid dégueulasse, moins quinze degrés d’après le thermomètre intégré à sa montre.

Le mage se cachait dans le Spreepark, un parc d’attractions ouvert en 1969 par les communistes de Berlin-Est. Il avait continué d’opérer après la réunification de l’Allemagne, mais était maintenant abandonné depuis plusieurs années. Au nord du parc coulait la Spree, le fleuve qui traversait la capitale allemande. La police avait bouclé les alentours pour que personne n’entre ou ne sorte de la zone.

L’OCIM détacha deux équipes d’unités spéciales sur les lieux pour prendre le mage en étaux. Paul commandait sa propre escouade, comprise de cinq autres hommes : Ed, Ciaran, Mygale — pourquoi ce surnom, personne ne le savait — et John. C’était tous des vétérans qui avaient déjà chassé du mage avec lui. Des gars solides, à qui il aurait confié sa vie les yeux fermés.

Ils arrivèrent en bateau par le nord-est pour pouvoir disposer de la couverture de la forêt et d’un point d’extraction rapide en cas de pépin. Paul comptait encore une fois sur l’effet de surprise, la seule arme à la hauteur des mages.

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