Chapitre 11 :

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Laurène n’évita pas le questionnaire de son frère. Alors qu’elle s’apprêtait à tout éteindre pour dormir, il déboula dans sa chambre et lui balança dix questions à la seconde qui saturait les récepteurs de son cerveau. Elle ne mit donc pas très longtemps à craquer. La jeune fille le força à s’asseoir à ses côtés et il s’exécuta sans broncher. Lucas était prêt, la situation de sa sœur l’inquiétait et il voulait s’assurer de comprendre pour la soutenir au mieux. Pour l’aider au mieux. Laurène ne pouvait dissimuler ses mains qui tremblaient, même dans celle de Lucas, l’angoisse de s’amenuisait pas. Malgré tout elle inspira profondément.

– Tu sais… ici il y a une prophétie vieille et importante, débuta Laurène en soupirant, déjà fatiguée de devoir expliquer cela à son frère.

Elle aurait voulu le préserver. Sauf qu’elle savait bien qu’elle devrait lui dire la vérité un jour, néanmoins elle regrettait que cela soit aussi tôt.

– Ouais et donc ?

– Hé bien, une ou des personnes sont sûrement concernées par une prophétie, donc pour cette prophétie aussi… je ne sais pas combien de personnes sont concernés, mais je sais qu’il y en a une de sûre. Ils pensent que je suis le déclencheur de celle-là. De la vieille prophétie qu’ils craignent tant.

L’adolescente ne se sentait pas mieux même après s’être confiée à son jumeau. La situation lui paraissait trop grave, tout l’écrasait. Elle guettait juste son frère, sa bouée de sauvetage depuis leur naissance, celui qui pouvait l’apaiser. Lucas en resta bouche-bée. Le jeune homme souhaitait plus que tout rassurer sa sœur, mais il ne savait pas quoi dire. Tout ce qu’il pouvait déduire était que cela ne présageait rien de bon à la vue de la réaction de sa jumelle. Il attrapa sa main et la regarda dans les yeux. Sa main devenait moite, lui aussi commençait à angoisser, pour sa sœur.

– Tu n’es pas toute seule, d’accord ? Je suis là pour te soutenir. Et où que tu ailles, je serai là pour toi. Quoi que tu fasses je te soutiendrai. Où que tu ailles je te suivrai, je te le promets.

Laurène aimerait tellement le croire cependant Lucas ne connaissait pas le futur, ce n’était pas un voyant. Cependant elle hocha la tête, les larmes roulants sur ses joues et enfouit son visage dans le cou de son frère. Cette nuit là, les jumeaux dormirent dans la chambre de la jeune Liée, trop préoccupés pour rester seuls.

Ils avaient modifié son cursus dès le lendemain. Durant tout le reste de la semaine, Laurène se sentit bien seule, d’autant plus que ses heures de pauses ne correspondaient à celles de personnes la plupart du temps. Ni M. Gneiss ni Mme. Amaro ne se chargeaient de sa formation. C’était le directeur en personne bien qu’il ne soit pas Lié. Le rejoignait pour former Laurène, Aaron qui s’énervait dès que quelque chose n’allait pas. Il n’était pas ravi d’entraîner sa compère mais les adultes ne lui laissaient guère le choix : quoi de mieux pour former l’élue qu’un jeune homme précoce et talentueux en fin d’étude ? Lucas aurait commenté qu’il s’agissait d’une brillante idée ! Le conseil aurait voulu que tous se passe bien et qu’il ait noué un solide duo puissant. Pour le moment, il n’en était rien.

Sa jumelle peinait à entretenir ne serait-ce que des rapports cordiaux avec son jeune mentor. Tout deux savaient pertinemment qu’ils devaient faire des efforts pour que les entraînements ensembles ressemblent moins à un supplice. Laurène avait cru que cela allait mieux depuis leur premier duel où il avait pu l’humilier gentiment. Puis Aaron continuait de se montrer froid alors qu’il avait paru enclin à calmer les choses. Pendant quelques jours le jeune homme semblait accepter doucement l’idée de travailler avec sa camarade et mettre ses ressentiments de côté mais cela n’avait pas durée longtemps. Enfin… c’était de la faute de Laurène aussi ! L’adolescente ne comprenait pas pourquoi Aaron faisait autant d’efforts pour travailler avec elle contre son gré. Il avait exprimé tellement de haine envers elle au début, elle ne comprenait pas comment il parvenait à se calmer en si peu de temps. Cette dernière avait un peu trop insisté, sentant qu’il y avait quelque chose à trouver donc il s’était braqué.

Néanmoins sa réaction confortait Laurène dans ses suspicions : il lui cachait quelque chose sur leur collaboration. Il possédait des éléments qui lui étaient inconnus. Et elle ne pouvait pas faire ses recherches pour savoir quoi : Aaron ne lui adressait pas la parole, et dès qu’elle voyait Mme. Amaro, l’adulte la rabaissait avant de l’envoyer balader. Heureusement, elle voyait M. Gomez. Ce dernier la soutenait mais lui avait clairement expliqué qu’il ne lui révélerait pas des informations qu’elle ne devrait pas connaître. Il n’en avait pas le droit. Ce qui ne changeait pas de d’habitude puisqu’elle semblait ne pas avoir le droit de savoir quoi que ce soit. Aaron en faisait aussi partie, cela ne l’étonna pas. La jeune fille, à force de réfléchir en était donc venue à deux conclusions vis à vis d’Aaron : soit il avait juste décidé de la snober ce qui était probable mais étrange, soit il cachait une information centrale pour une raison inconnue. Cela ne l’avançait donc pas. Cela l’irritait d’être dans le flou. On lui demandait de se former mais on ne lui révélait rien, comme si elle était un point mort, qu’elle ne réussirait jamais. Laurène se sentait désemparée et triste, elle ressentait toutes les responsabilités sur ses épaules.

Puis, elle s’inquiétait aussi pour Clara. Laurène n’arrivait pas à la faire parler, mais une chose tracassait sa meilleure amie. Elle ne disait rien, mais Clara semblait à cran et à fleur de peau. Laurène redoutait qu’elle se mette trop la pression pour réussir alors qu’elle n’en avait pas besoin : elle possédait largement les capacités pour rester sereine. Pour compenser, elle s’éloignait un peu du groupe et traînait avec des Dresseurs de deuxièmes années, espérant apprendre d’eux et s’améliorer encore plus rapidement. Laurène s’était déjà forgée son propre avis : Clara ne voulait pas décevoir sa mère si stricte. Cela finirait par être néfaste pour elle, sa meilleure amie redoutait qu’elle en vienne à exploser. Laurène avait eu l’occasion de parler à M. Gomez, de nombreuses même. Cependant elle n’osait pas, ne souhaitant pas inquiéter inutilement. En plus de cela, cela ne la concernait pas.

Le week-end, la quiétude laissait la place à l’agitation sur le campus. En effet, des jeux ou plutôt des concours étaient organisés dans le but de divertir et détendre les étudiants mais aussi de les entraîner d’une manière plus sympathique et de les juger sur leurs capacités. Aaron avait expliqué à Laurène que la semaine prochaine, il y aurait les duels, obligatoires pour tout le monde. Son but devait très clairement être de battre l’ensemble du campus d’ici quelques mois. De haut espoir qui incombait la Liée de réussir. Cette dernière s’étonnait d’ailleurs qu’aucune rumeur ne la relie à la prophétie. Sûrement des messes basses trop discrètes pour être relevées puisque l’adolescente connaissait toutes les rumeurs saugrenues sur elle : qu’un de ses parents était un dragon, qu’elle avait été élevée par les dragons ou même qu’elle avait passé sa vie en captivité chez les ennemis ! Elle estimait cela si improbable ! Comment les gens pouvaient-ils imaginer cela ? Elle nourrissait les imaginations débordantes de ses camarades malgré elle. Et, la jeune fille ne se sentait pas de démentir tout cela, à chaque fois qu’une nouvelle rumeur apparaissait. Elle n’avait pas que cela à faire non plus. Et surtout, elle voulait se faire la plus discrète possible, Laurène avait toujours été passe-partout et elle apprécierait si cela pouvait continuer.

Ce fut Lucas qui la tira du lit. Les jeux commençaient dès le matin mais ils n’observeraient que l’après-midi. Ils passèrent une partie de la matinée avec Joyce et Aaron dans le salon des Liés. Aaron et Laurène ne parlaient presque pas. Cette dernière le cherchait du regard mais il fuyait. Que se passait-il dans sa tête de Lié arrogant chouchouté ? Il avait forcément quelque chose à se reprocher pour agir comme cela ! C’était lui qui essayait de communiquer avec elle de base. Pourquoi ne faisait-il plus d’effort au moment où tout deux devaient ? Que trafiquait-il donc ? Si elle voulait vraiment obtenir la réponse, elle allait devoir enquêter par elle-même. A moins qu’il attendait juste qu’elle lui coure trop après pour daigner lui parler sauf qu’elle préférait éviter cette situation.

Puis M. Gomez débarqua. Il les salua gaiement et demanda à Aaron s’il s’en sortait avec toutes les responsabilités qu’on lui confiait ces derniers temps. Ils discutèrent donc un petit moment. Les jumeaux et Joyce les observèrent sans un mot, plus gêner qu’autre chose. Jamais Aaron n’avait paru aussi ouvert et à l’aise. Puis, l’adulte remit aux jumeaux une enveloppe pour chacun des deux avant de s’éclipser.

– C’est papa et maman ! se réjouit Lucas.

Même s’il soutenait sa sœur, l’éloignement et le départ subite du cocon familiale lui avait fait réaliser l’importance de ses parents dans sa vie. A quel point il avait abusé par le passé et il s’en voulait. Lucas déchira grossièrement l’enveloppe pour lire la lettre lui étant destinée. Laurène remarqua qu’Aaron les fixait minutieusement, sans doute désireux d’en savoir plus sur leur situation familiale. Malgré son envie de cacher les problèmes, la Liée ne voulait pas faire l’effort de feindre la joie d’avoir des nouvelles de ses parents. Elle éprouvait de la colère, car à cause d’eux elle se retrouvait dans la position délicate de l’élue, si précieuse dans la société. Elle imaginait bien qu’ils n’avaient sûrement pas pensé que cela arriverait suite à leur choix. Laurène ne ressentait aucunement la tentation de lire le contenue envoyé par ses parents. Une expression glaciale se peignit sur son visage, elle posa l’enveloppe sur la table basse et sortit sans un mot. Penser à ses parents la rendait mal. Jamais elle n’aurait pensé leur en vouloir autant et être en si mauvais terme avec eux et cela la contrariait aussi. Une partie d’elle aurait voulu leur pardonner mais une autre n’était pas prête pour, perturbée par la pression, les attentes et les changements trop soudain.

La Liée prit l’air et se dirigea vers la mer, pour se poser comme la dernière fois. Le bord de mer fut agitée ce matin à cause de la première partie d’attrape-perle de l’année. Seules les personnes liées à des dragons d’eaux ou mi-eaux y participaient. Cela se jouait solo ou en groupe, le but était de ramener le plus de perles possibles. Ces perles se situaient tout au fond de l’eau. Laurène se demandait comment les autres pouvaient être excités à l’idée de plonger dans l’eau glacée ! Elle s’arrangea pour trouver un endroit paisible puis s’effondra.

« Que s’est-il passé avec tes parents pour que tu sois autant frustrée et en colère ? »

Laurène et Ignisaqua ne se parlaient pas énormément. Ils se coordonnaient juste pour travailler. Aucun des deux était froid l’un envers l’autre, cependant le dragon ne révélait pas tout à Laurène qui en avait conscience. Donc des non-dits n’aidaient pas à les rapprocher. L’adolescente sentait le vide ne de pas être plus proche de lui, néanmoins elle se disait qu’ils avaient le temps. Elle tentait de se rassurer en se disant que les liens se tisseraient au fur et à mesure.

« Le seul truc que j’ai retenu c’est qu’ils ont préféré Lucas à moi. Enfin mon père essentiellement. Cela m’a vexé et énervé ! On n’est pas censé faire de différences entre ses enfants. »

« Tu n’as qu’à prouver que tu mérites son respect »

« C’est à cause d’eux que je suis l’élue. Il l’apprendra tôt ou tard que sa fille est plus importante qu’il ne le pensait lui-même »

« Ce n’est pas à cause de lui Laurène, c’est le destin »

« C’est vrai que vous croyez au destin ici… »

« Crois-moi, tu finiras par y croire toi aussi d’ici quelques années voire quelques mois ! »

« Et chez les dragons ? Comment se passent les relations parents/enfants ? Même est-ce que vous vous considérez comme cela ? »

Laurène crut d’abord qu’elle venait de commettre une grosse gaffe puisqu’il resta silencieux pendant un instant. Cela la perturba. Elle ne s’était pas imaginée comment étaient les relations entre dragons, cependant elle restait persuadée que c’était différent : les dragons n’étaient pas des humains. Et aucun adulte ne semblait avoir fait des recherches sur cela, par curiosité elle avait cherché du quartier mais rien ne concernait les relations entre dragons.

« Cela dépend de quel dragon on parle. La plupart, non, c’est comme un dragon lambda. Certains, ce qui est rare mais généralement le cas des hybrides, différencient parents ainsi que frères et sœurs. »

« Oh ! Tu as des frères et sœurs ? »

« Non, je suis unique en mon genre »

Il y avait de la fierté dans ses paroles ce qui fit sourire Laurène. Ignisaqua admirait profondément ses géniteurs et les respectaient. Cela se sentait.

« Et tes parents ? Qui sont-ils pour que tu sois aussi puissant ? »

« Chaque chose en son temps Laurène. Pas même les plus hauts placés du ministère le savent. »

Sauf qu’elle était bien plus que tout les autres pour Ignisaqua ! La jeune fille s’abstient de répondre qu’elle n’était pas ces personnes-là. Ignisaqua avait ses raisons donc elle le respectait. Elle n’était pas à son niveau, sûrement jamais assez bonne pour être liée avec lui. Cependant la déception la toucha en plein cœur, et fut assaillit par ses doutes qui grandissaient de jours en jours. Serait-elle un jour à la hauteur ? Serait-elle digne de confiance un jour ? Pouvait-elle devenir son égale et non sa subalterne ? Laurène ne parvenait pas à se montrer très optimiste vis à vis de cela. Elle connaissait bien ses capacités : ni la forme athlétique de Clara, ni l’apprentissage presque instinctif qu’Anna, ni la répartie sanglante et le caractère de Valentine qui lui permettait d’avancé. Par rapport aux autres Laurène s’estimait si impuissante, dénuée de qualité. Elle savait que ce ne serait pas simple pour elle d’atteindre leur niveau avant de viser celui que les adultes attendaient d’elle. Rien que d’y penser, l’air se bloqua et elle s’aspergea d’eau froide pour se reprendre les esprits. Pas une crise de panique, pas aujourd’hui alors que le mot qui régnait dans le campus était « s’amuser ».

Un léger vent froid venant du nord fit frissonner l’adolescente. Elle contempla longuement le jeu et n’aperçut pas M. Gomez s’approcher et se poser à ses côtés. Le jeu avait tellement absorbé Laurène et elle s’était si investie dans le soutiens de l’équipe rouge qu’elle n’avait rien remarqué. La jeune fille se reprocha de ne pas avoir été vigilante. Même si le père de Clara ne représentait aucune menace, Aaron lui répétait sans cesse de tout analyser, et de rester tout le temps sur ses gardes même si elle n’en voyait pas l’intérêt. Il réussirait à la rendre aussi paranoïaque que lui !

– Tu peux participer à ces jeux si toi et Ignisaqua le souhaitent. Il n’y a rien de mal à relâcher la pression de temps à autre, affirma le Dresseur souriant.

– J’aime bien être spectatrice, observer les autres c’est bénéfique. Puis, la semaine prochaine, il y a les duels. Autant reposer mon corps avant de finir courbaturée. Aaron me tuera si je ne bats pas Joyce ou Lucas, répondit doucement Laurène.

– Aaron a des ambitions pour toi ! Mais il a raison. Autant viser le plus haut qu’il faut.

– Il est bizarre en ce moment. Quelque chose s’est passé ?

– Il n’a juste pas l’habitude d’être entouré, il a passé des années seuls ou mal accompagné. Il craint les autres même si on lui dit qu’ils ne sont pas mauvais, certains traumatismes restent toujours. Puis il a reçu des nouvelles de ses parents comme chaque début d’année… depuis sa crise en première chaque adulte redoute ses réactions !

– Sa crise ? Comment ça ?

– Aaron n’entretient pas de bons liens avec ses parents, avertit M. Gomez, un voile d’inquiétude passant brièvement sur son visage. Mais il a coupé les ponts avec eux brusquement. La première fois qu’ils lui ont transmis un message, il s’est mis dans une colère noire. On a eu peur qu’il active le partage à cause de cela… tu n’as pas lu la lettre de tes parents. N’est-ce pas ?

– J’aimerai, commença la Liée d’une voix tremblante, ne pas être en colère contre eux. Mais la vérité, c’est que dès que j’ai vu la lettre, j’ai repensé à la grande prophétie ! Que je ne connais pas mais que je suis le déclencheur en plus ! C’est contrariant. Et… et je me suis demandée comment. Comment pourrais-je être à la hauteur ? Je ne connais pas les enjeux mais je sais qu’ils sont importants… et si je ratai ? Et si je n’y arriverai pas ? Je n’aurai jamais dû être cette personne ! C’est une erreur.3

– Ici, nous pensons que la Mère et le Père dirigent tout, expliqua M. Gomez. Ils t’ont choisi à la naissance Laurène et cela, les choix de tes parents n’ont pas influencé. Ils t’ont désigné car ils ont su que tu serais à la hauteur. C’est tout à fait normal de douter de soi, c’est nécessaire même pour évoluer. Surtout ne t’enferme pas dans tes doutes, cela te bloquer. J’ai confiance en toi et je suis sûr que tu deviendras la Liée la plus puissante et respectable de l’histoire. Tu t’en sortiras, tu n’es pas suele.

Ses paroles réconfortantes firent leurs effets même si Laurène était encore chamboulée par tout cela. Le Dresseur s’apprêta à partir, des tâches l’attendaient sûrement. Il s’immobilisa, semblant se souvenir de quelque chose et baissa la tête vers la fille de son ami.

– Un nouveau Lié sera là d’ici ce soir. Fais passer le message à Aaron de ne pas l’attaquer cette fois-ci, annonça-t-il calmement. Si tu as besoin d’aide Laurène, des Soigneurs offrent une cellule psychologique. Et je suis là si c’est plus simple pour toi de te confier à moi. Je ne suis pas ton père, mais cela n’empêche que je te connais depuis que tu es bébé.

La jeune fille le remercia puis le regarda partir avant de retourner à l’intérieur. Elle fit passer le message aux autres et ils retrouvèrent les filles pour le repas. Clara très enthousiaste voulait tester des jeux. Aaron se chargeait de l’accompagner pour ne pas qu’elle soit seule ni qu’elle se blesse6.

Le groupe gambada donc à travers les stands. Ils s’orientèrent particulièrement pour les jeux avec les dragons de vents. Il n’y avait que la Voltige sauf que Clara ne pouvait pas y participer. Étant trop jeune et inexpérimentée, c’était jugé trop dangereux. En revanche, pour faire plaisir aux autres, Aaron accepta. Son dragon qui mesurait près de soixante mètres débarqua. Sa queue longue était comme celle des dragons de vent, facile pour le monter avec ses fentes. Ses longues ailes taillées en piques avaient la même couleur bleue que les yeux d’Aaron. Tout les dragons impressionnaient Laurène et celui là ne dérogeait pas à la règle. Le but du jeu était de reproduire des acrobaties périlleuses dans le ciel sur son dragon. Valentine et Clara se régalaient d’avance du spectacle alors que Lucas et Joyce se tendirent. Anna commentait que beaucoup faisait un tour à l’infirmerie avant de se mettre au côté de Laurène. Heureusement, Aaron exécutait parfaitement ses acrobaties avec agilité. Plein de gens se regroupaient pour le voir. La Liée devait bien admettre qu’il était sensationnel. Délaissant le spectacle, elle regarda un dragon se poser près de l’infirmerie. Elle tenta de s’éclipser pour y aller.

– Où vas-tu ? demanda Anna qui lui avait attrapé un bras.

– Le nouveau doit être à l’infirmerie. Je préfère le rencontrer le plus tôt possible.

– Ou alors tu veux juste fuir les autres et ne pas rester avec Aaron ! Je viens avec toi, je dois demander une chose à un Soigneur, justifia Anna maladroitement.

Anna mentait. Cela n’avait pas échappé à son amie mais elle hocha la tête. Elles laissèrent leurs amis s’amuser devant la démonstration d’Aaron qui rassemblait une bonne partie du campus. Une fois extirpées de la foule, ce fut plus calme.

– Qu’est-ce qui ne va pas Anna ? s’enquit doucement Laurène.

– C’est juste que… je ne suis pas habituée à de gros groupes. Cela me perturbe un peu, voilà tout.

Laurène comprenait bien, tout les changements la bousculaient aussi, cependant elle notait encore qu’il s’agissait d’un mensonge. La Liée remarquait bien qu’Anna fuyait le regard de Valentine cet après-midi qui cherchait désespérément à retenir son attention.

– Ou alors tu n’apprécies pas que Valentine s’intéresse à Aaron. Alors qu’elle te drague ouvertement depuis des années, proposa la brune avec un sourire narquois.

La rouquine protesta vivement, les joues enflammées. Sauf que personne n’était dupe et Laurène était las de feindre l’ignorance. Autant faire bouger les choses ! Cela faisait déjà quelques années que les deux amies jouaient à ce jeu en prétendant qu’elles étaient juste très proches. La Liée ne comprenait pas de quoi elles avaient peur ! Les préjugés s’étaient dissipés avec le temps et même si cela ne restait pas simple, elles savaient bien que cela ne changeait rien pour Clara et Laurène. Elles étaient leurs amies.

« Tu viens vraiment d’embarrasser ton amie avec des suppositions ? »3

« Ce n’est pas une supposition mais la réalité, mon chère ! Il faut bien quelqu’un pour faire avancer la situation ! »

« Quelle amie incroyable ! »

Apparemment Ignisaqua adorait aussi le sarcasme.

« Elles me remercieront quand à force de les pousser, elles se rendront compte qu’elles s’aiment depuis des années mais sont trop stupides pour amorcer une discussion. »

Ignisaqua ne paraissait pas convaincue cependant Laurène s’en fichait. Elle connaissait ses amies depuis longtemps. Elle remarquait les choses subtiles. Arrivées à l’infirmerie, les deux amies scrutèrent l’espace. Il y avait pas mal de gens le week-end, plus qu’en semaine. Sûrement à cause des jeux comme Anna avait prévenu. Anna repéra M. Gomez et elle s’élancèrent vers lui. Il accompagnait un garçon de leur âge. Pour un garçon il était petit même si toujours plus grand que Laurène. Rondouillard, ses mains potelées appuyaient sur une blessure à la cuisse que ses yeux bridés ne quittaient pas. Il les releva lorsque les deux adolescentes s’arrêtèrent. Il était effrayé et même arrivé au campus la tension qui émanait de lui montrait qu’il n’était pas calmé.

– Une attaque ?

– Ce n’est pas beau à voir, lâcha Anna.

– Henry ! Je te présente Anna et Laurène, des amies de ma fille. Laurène est Liée comme toi.

Cette dernière fit un sourire crispée qu’il lui rendit. Aucun des adolescents étaient à l’aise. Cependant Laurène s’efforça de faire un effort, espérant que cela se passe bien avec Henry qu’avec Aaron. Alors que M. Gomez parlait elle reconnut la dame à l’uniforme vert foncé de la dernière fois. S’excusant de partir, elle la rejoignit alors que la Soigneuse refaisait un lit. Puis, elle releva la tête à son arrivée.

– Bonjour, je… excusez-moi, on m’a parlé de la cellule psychologique. Où se trouve-t-elle ?

– Suis-moi !

Sans prévenir Anna que cela durerait sûrement un petit moment, elle emboîta le pas de l’adulte qui la conduisit jusqu’à un bureau emplit de quiétude. La dame s’assit sur un fauteuil confortable pendant que Laurène se contenta d’une chaise en bois.

– Je fais partie de la cellule. Je suis là si tu as besoin de parler. Comment vas-tu ?

– Cela dépend à quoi je pense. Cela dépend des jours aussi.

– Es-tu prête à aborder certaines choses, certains sujets de ton mal-être avec moi ?

– Je.. pas tout mais certains.

– Bien… par quoi veux-tu commencer ?

– J’ai peur actuellement… de ne pas être assez forte, voire forte tout court.

Laurène y passa plus de temps qu’elle ne le pensait. Toutes les personnes qu’elle connaissait étaient déjà parties. Elle rejoignit le bâtiment d’un pas pressé. L’extérieur laissait encore une population joyeuse, mais beaucoup étaient rentrés à cause du froid. Les jeux donnaient l’effervescence des fêtes. Mêmes si ses amis y étaient réceptifs, Laurène n’arrivait pas vraiment à l’être. Peut-être qu’elle y arrivera un jour, quand la pression cesserait de la dévorer. Lorsqu’elle débarqua, Clara lui sauta dessus. Anna leur avait dit où elle était passée mais son amie l’attendait. La Liée sentait que son amie comprenait qu’il y avait quelque chose de plus ou moins grave, mais elle ne fit aucune remarque. Après quelques mots, son amie la laissa, allant dans le salon des Dresseurs et Laurène retourna aussi dans son quartier. Tout le monde se situait dans le salon lorsqu’elle débarqua. Henry se présentait pendant qu’Aaron l’analysait d’un regard sombre. Heureusement qu’on lui avait dit de ne pas attaquer cette fois ! Laurène l’imaginait facilement bondir du canapé et lui brandir un poignard à la gorge. Lucas se rua vers sa sœur dès qu’il la vit :

– T’étais allée faire quoi ? s’écria-t-il.

– Voir une psychologue. Tout va bien, ne t’inquiète pas.

– Tu aurais dû rester ! Tu as manqué les meilleures figures réalisées par Aaron, ajouta Joyce en souriant. Cela t’aurait peut-être remonté le moral et changé les idées. Es-tu sûre que cela va aller ?

Laurène assura que oui. Lucas entraîna Henry avec lui pour lui montrer sa chambre. Aaron se détendit, il desserra ses poings. La Liée attrapa la lettre de ses parents pour la ranger dans sa poche. Elle ne comptait toujours pas la lire.

– Problème familiale ? hasarda Aaron sur un ton compréhensif.

– Comme tout les Liés, lâcha l’adolescente en le fixant dans les yeux.

Il baissa les siens, mal à l’aise. Le jeune homme aurait pensé que M. Gomez n’aurait rien dit aux autres.

– Il ne m’a pas raconté les détails, le rassura Laurène. Il m’a juste dit que c’était compliqué.

Méfiant, il hocha tout de même la tête. Alors que la Liée tenta d’ajouter autre chose, Joyce la tira par le bras avec elle jusqu’à sa chambre. Sa camarade la sonda avant de dire :

– Clara est inquiète pour toi. Et nous aussi !

– Trop de gens s’inquiètent pour moi à juste titre, soupira l’intéressée en s’effondra sur le lit.

– C’est à cause d’Ignisaqua ? Cela se passe mal avec lui ?

– Non… C’est à cause de la prophétie.

– Celle qui va bientôt se réaliser ?

– Quoi ?

– J’ai croisé la voyante. On dirait une folle… bref, en tout cas elle a dit que la grande prophétie serait bientôt déclenchée.

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