Chapitre 19 :

11 minutes de lecture

La semaine suivante ne fut pas de tout repos pour les adultes qui s’occupaient de l’établissement. Ni pour Laurène qui tentait de réparer les dégâts qu’elle causait malencontreusement bien qu’il ne lui était rien en mesure de faire. Elle ne voulait pas aggraver la situation mais des fois c’était le cas.

Le lundi, toute la salle commune fut inondée et l’ensemble du campus dut manger dehors le midi et le soir. Ce qui avait agacé énormément d’élèves. On murmurait dans le dos de Laurène quand elle passait quelque part. La jeune fille intriguait tout le monde. Le mardi, en fin d’après-midi, une table en bois où la Liée mangeait pris feu. Le mercredi, ce fut la chaise de son bureau qui brûla et la salle de bain qui se retrouva inondée. Les mois allaient être longs si elle ne parvenait pas à exercer une certaine maîtrise sur le partage ! Le jeudi, l’infirmerie évita l’incendie général de peu mais le vendredi, le sanctuaire y prit aussi pour son grade. La Liée ne préférait pas revenir sur cet incident. C’était un souvenir trop humiliant. Heureusement que les dragons d’eaux avaient réagi rapidement… Laurène en avait déjà marre de ce partage. Il ne lui apportait que des soucis un un stress en plus.

Les adultes ne savaient plus quoi faire d’elle et plus précisément, comment organiser tous ses cours dans l’emploi du temps de la semaine. Entre les entraînements avec Aaron, les cours avec le directeur et Ignisaqua ainsi que ceux du partage, les adultes s’étaient accordés pour faire un roulement en gardant impérativement les cours de partage dispensés par Mme. Amaro. Ce qui ne plaisait ni à l’une, ni à l’autre : le premier cours fut une catastrophe. Si Laurène ne s’émeut pas de l’attitude hautaine du professeure ainsi que de ses piques à répétitions, elle gardait sa peur tapie en elle de la revoir hors d’elle. Sa cheville n’aurait pas une seconde chance. Chaque fois qu’elle ne parvenait pas à garder une flamme ou un filet d’eau sous contrôle, l’adulte la réprimandait durement et avait sorti la méthode radicale : des coups de règles en métal sur les bras. Ceux de Laurène étaient déjà parsemés de plusieurs hématomes. Cette dernière ne voulait pas se dire qu’elle allait passer toutes ses semaines avec cette sorcière dans cette situation. Comment Aaron supportait-il ça ? Pourquoi M. Gneiss ne pouvait-il pas prendre un charge cette partie de la formation ? Il était un Lié, lui aussi avait le partage ! Laurène aurait tout fait afin d’éviter le plus possible de se retrouver avec Mme. Amaro.

– Tu dois rester concentrée et gérer tes émotions pour contrôler le partage.

– Sauf qu’on ne peut pas tout contrôler H vingt-quatre donc comment on fait après ?

– Tu dois savoir contrôler tout le temps ! Que ce soit ton partage ou tes émotions ! fulmina Mme. Amaro en saisissant la règle déjà prête à frapper.

– C’est ça ! continuez de mentir, souffla Laurène qui en avait marre de recevoir des remarques de sa professeure. Il y a plusieurs moyens puisque vous ne savez pas gérer vos émotions, visiblement. La preuve, vous vous retenez très difficilement de me casser la figure donc en plus de ça contrôler le partage… c’est beaucoup n’est-ce pas ? Il y a forcément plusieurs moyens. Et je veux aux moins déjà tous connaître leurs noms.

– Sauf que ce n’est pas encore le moment pour que je t’enseigne cela. Avant, et pour ton bien-être à toi, il est important que tu gères ce que tu ressens. Tu n’es plus n’importe qui : tu es l’élue. Si l’élue cède aussi facilement à ses émotions, je n’ose imaginer ce que le monde va devenir.

– Foutaise, cracha Laurène. Vous ne vous souciez pas de mon bien-être. Vous voulez juste que je devienne la perfection, que je n’atteindrais d’ailleurs jamais car je suis humaine.

– Es-tu consciente de qui tu es ? Tu es l’élue, répéta durement Mme. Amaro. Tout dépend de toi. Évidemment que tu dois être la plus parfaite possible. La vie de milliers de personnes dépendent de toi. Cesse de faire ton égoïste, et apprends !

Laurène n’avait répondu rien d’autre et laissa l’adulte la rabâcher d’informations qu’elle connaissait déjà. Cela allait être long. Très long ! Mais l’avantage était que Laurène se concentrait pour réussir le plus vite possible afin d’être débarrassée de ce cours horrible. Néanmoins, elle était consciente que cela prendrait du temps. D’où son idée. L’adolescente n’en avait pas parlé au adulte car ils auraient forcément refusé, puis elle ne l’avait pas évoqué à ses amis et son frère sinon ils se seraient trop inquiétés.

Le dimanche matin, Laurène se réveilla à 6 heures, soit beaucoup trop tôt pour elle. Le soleil pointait à peine le bout de son nez et elle ne peut réprimer un bâillement particulièrement sonore. La jeune fille enfila des habits confortables, prit une gourde avec elle et une sacoche puis croqua dans une pomme qu’elle emporta avec elle. Le petit-déjeuner se déroulait vers 9 heures 30 voire 10 heures le week-end, elle avait donc quasiment quatre heures devant elle et aucune nourriture disponible ! Autant prendre la pomme qu’elle avait gardé du dîner pour avoir du sucre. L’adolescente sortit du bâtiment. Vers la Liée, elle remarqua une silhouette qui manipulait l’eau : Aaron. Laurène savait qu’il sortait tard le soir pour maîtriser son partage. Mais il ne faisait pas cela toute la nuit quand même ?! Pourtant il ne paraissait jamais fatigué, donc Laurène en jugeait qu’elle ne devait pas trop s’inquiéter. Il connaissait ses limites mieux qu’elle de toute façon. La jeune fille gravit aussi rapidement que possible l’escalier menant au sanctuaire, à quelques mètres de celui-ci, Ignisaqua l’attendait, parfaitement réveillé.

– Tu as déjà fait un tour ?

– Je fais toujours un tour matinal, affirma ce dernier.

– Cool ! Faudrait qu’on se fasse une balades de temps en temps… sauf si tu préfères la solitude bien sûr.

– Je serai ravi de te montrer mes endroits préférés. Mais il vaut mieux faire ça lorsque tu seras plus détendue ! Sinon la beauté des paysages serait gâchée. Es-tu prête ?

Sa partenaire hocha la tête avant de grimper et de s’installer sur son dos. Laurène n’avait pas pris de scelle, sachant qu’à l’avenir, elle n’en aurait pas forcément tout le temps. La Liée s’accrocha solidement à ses écailles pendant que son dragon prit de la hauteur, avant de prendre de la vitesse. Il y avait peu de vent mais l’air se rafraîchissait au fur et à mesure que la vitesse d’Ignisaqua augmentait. Laurène en profita pour contempler le paysage qui s’offrait à elle : la mer agitée qui brillait par les premiers rayons du soleil, le ciel orangé du matin avec la sphère rouge au coin. Cette beauté coupait le souffle à Laurène : elle devait s’enfuir du campus plus souvent. Le trajet parut beaucoup trop court pour Laurène, planer était agréable. Ignisaqua la prévint qu’il allait faire un looping, avant de se poser sur un petit îlot désert. La Liée mobilisa tout son corps pour se cramponner encore fort et près de son dragon, elle faillit lâcher prise mais tint bon. Ses muscles lui firent mal mais c’était nécessaire. Elle devait savoir s’accrocher. Comme Mme. Amaro lui aurait fait remarquer, tomber de son dragon se révélait décevant et ridicule de la part de l’élue de la prophétie. Laurène entendait la voix de sa professeure lui faire cette remarque dans sa tête.

L’hybride se posa doucement sur la petite île déserte. Il y avait un regroupement d’arbres au centre du sable sur les bords. L’îlot rappelait Animal Crossing à la jeune fille. Cette dernière chassa cette pensée, relique de sa vie sans problème, et posa sa veste et sa sacoche contre un tronc. Il faisait un peu froid mais elle se réchaufferait vite, du moins elle espérait. La Liée se plaça face à Ignisaqua.

– Es-tu certaine de vouloir faire ça ? demanda son dragon.

– Oui ! Puis, si jamais les ennemis nous localisent, tu les tueras en un jet de flamme, donc je n’ai pas peur tant que tu es avec moi. C’est nécessaire, je dois le faire.

– On changera d’endroit à chaque fois pour plus de sécurité, prévint Ignisaqua. Ça nous évitera d’éveiller des doutes. Bon, par quoi tu veux commencer ?

– Insulte-moi.

– Tu ne veux pas attendre d’être plus à l’aise ?

– Les dérapages peuvent arriver à tout moment, et ils sont liés aux émotions. Je dois impérativement travailler dessus. Alors mets-moi hors-de-moi. Fais en sorte que je perde le contrôle et que mes bras s’enflamment ou je ne sais pas quoi…

Ignisaqua regardait intensément Laurène et se ravisa de lui dire quelque chose. Laurène resta immobile, baissant la tête, prête à encaisser ou plutôt prête à s’enflammer si le partage se déclenchait encore une fois. Cependant Ignisaqua n’avait guère l’inspiration et le courage pour blesser sa partenaire, sauf que la détermination qu’il lisait dans le regard de la jeune fille l’encourageait. Il ne penserait pas ce qu’il dirait mais si cela pouvait l’aider à s’améliorer…

– Tu n’es qu’une petite incapable ! rugit le dragon ce qui fit sursauter l’adolescente. Tu ne sais pas faire les choses correctement ! Tu ne sais rien faire correctement ! Tu n’es qu’une sale petite égoïste qui se fiche de ses devoirs alors que tout le monde pourrait mourir par ta faute ! Tu es si incapable que nos ennemis gagneront facilement et tu ne serviras à rien. Tu n’as aucune importance et je n’aurai jamais dû te choisir ! Ton incapacité causera notre perte tous.

Ignisaqua savait que Laurène croyait en certaines phrases qu’il avait dit et c’était pourquoi il les avait sorti : pour mieux la toucher. Cependant il ne voyait aucune réaction de sa partenaire comme si elle n’était pas touchée. Pourtant, à son sens, il n’y était pas allé mollo. Mais c’est en voyant de l’eau qu’il comprit : avec les hybrides, l’activation du partage devait se jouer par l’humeur. Laurène ne semblait pas en colère, elle paraissait au bord des larmes. Malheureusement, cela s’annonçait plus dangereux : gérer un incendie était plus simple qu’une tornade d’eau pour le dragon. Et Laurène fut emprisonnée à l’intérieur de cette tornade d’eau.

« Incapable… Incapable… Incapable… »

– Tais-toi ! hurla la jeune fille dans le but d’éteindre les échos dans sa tête.

L’air produit par l’eau lui fouettait le visage et elle avait l’impression qu’elle pouvait mourir noyée à tout moment. L’adolescente se redressa et ferma les poings. Un jour, elle montrerait à tous qu’elle valait plus que n’importe qui dans cette communauté. Elle allait leur prouver et cela commencerait dès maintenant. La Liée avait formé elle-même cette tornade d’eau à cause des ses émotions. Elle la ferait disparaître de son propre chef. La jeune fille fixa cette eau qui tournait autour d’elle comme un étau qui se resserrait juste parce qu’elle était triste qu’Ignisaqua regrette son choix. Car Laurène ne regrettait pas, et elle prouverait à Ignisaqua qu’il avait eu raison. Petit à petit, à force de contrer ses émotions tant bien que mal, l’eau finit par regagner le sol et elle vit le regard d’Ignisaqua planté sur elle.

– Tu as réussi, constata le dragon surpris.

– Bon, sûrement pas assez rapidement mais c’est un début, admit Laurène. Maintenant, on va voir si j’arrive un peu à canaliser mes créations ! Je vais m’écarter de ses arbres au cas où.

Laurène s’exécuta puis tendit les bras en soufflant. Mme. Amaro lui avait enseigné qu’au début, ce n’était pas automatique, juste par la volonté. Il fallait du temps et un entraînement rigoureux. Elle ferma les yeux pour visualiser une flamme et elle les rouvrit lorsqu’elle ressentit la chaleur au creux de sa main. L’adolescente l’approcha d’elle et se concentra pour imaginer grandir cette flamme. Pour se faire elle se focalisa sur la sensation de chaleur qu’elle augmenta et étendit. Les flammes grandirent et parcoururent toute la main de l’adolescente jusqu’au poignet.

– Bien, maintenant, tente de former une boule de feu. C’est plus simple avec les deux mains, conseilla son dragon.

Laurène se plaça au bord de mer pour ne pas déclencher d’incendie. Elle ne tarda pas à enflammer sa seconde main. Elle resta un court instant à les contempler, ébahie. Cela lui semblait être une prouesse alors que ce n’était en réalité qu’un début. En rapprochant ses mains, elle forma une liaison de feu entre elles, puis ne sachant pas trop comment faire, moulina des mains.

– Tourne les rapidement.

Les bras endoloris, Laurène obéit. Une minuscule boule de la taille d’une balle de tennis apparue au centre de la liaison.

– Grossis la.

Laurène, serrant les dents, projeta plus de flammes dans la liaison et écarta les bras pour essayer d’en avoir plus. Doucement, la boule enflammée prit la taille d’un ballon de foot, puis le double. Ignisaqua la félicita et elle lança la boule dans l’eau avant d’éteindre ses mains rouges et recouvertes de cloques. Elle trouva la crème spécialement créée par les Soigneurs et badigeonna généreusement ses mains pour les préserver. Laurène n’avait encore que très peu expérimenté le partage avec l’eau à part aujourd’hui lorsque Ignisaqua l’avait attristé. Cette fois, elle devait manipuler l’eau sans cela. Mme. Amaro avait dit que l’eau s’apprivoisait difficilement pour une raison : former de l’eau à partir de rien était quasiment impossible. Il fallait obligatoirement avoir un point d’eau accessible. Laurène désirait juste pour le moment utiliser cet élément. Pour mieux le connaître et le manier. Et rien de mieux qu’être juste à côté de la mer pour s’entraîner et découvrir.

– L’eau n’est pas comme le feu, expliqua Ignisaqua. Fermer les yeux et visualiser ne fonctionne que si on est déjà entraîné. Imprègne tes mains d’eau, ça t’aidera. Je te conseille de te concentrer sur la texture de l’eau.

– Et je peux changer son état ? En glace, par exemple ? se renseigna Laurène en s’accroupissant afin de mouiller sa main.

Elle ne saurait pourquoi elle se sentait aussi excité de comprendre le partage de cet élément, mais elle avait très envie de l’expérimenter quitte à faire quelques bêtises. Laurène avait l’impression de redevenir une enfant qui appréhendait le monde.

– Techniquement oui, mais même les adultes et Aaron n’y parviennent pas pour le moment. C’est compliqué.

– Compliqué mais faisable. Donc il faut que je sache le faire d’ici quelques mois. Je suis sûre que ça s’avéra sûrement très utile durant les combats.

– Hum… tu sais, des fois tu me fais peur à être aussi déterminée dans tes objectifs.

– Désolée… je veux juste leur prouver que je ne suis pas la personne faible et sans défense qu’ils pensent que je suis. Que je ne vais pas faire courir le monde à sa perte. J’ai des faiblesses, certes, mais c’est comme tout être humain. Et j’ai quand même des forces. Alors je ne vois pas pourquoi je devrais être blâmée pour ça.

Ce n’était pas tout à fait vraiment : la jeune fille s’évertuait surtout à s’entraîner car elle avait peur. La Liée n’avait aucune confiance en ses capacités et parfois elle ne savait contrôler cette bouffée de panique qui montait lorsqu’elle y pensait ! Elle devait absolument s’assurer de réussir ce qu’ils lui demandaient. Pour elle avant tout.

Laurène fixa l’eau et leva doucement le bras, un fin jet d’eau s’éleva lentement. L’adolescente modela l’eau en une sphère et réussit à la grossir un peu plus. Elle la balada dans les airs puis relâcha son emprise et l’eau retomba formant des gouttelettes qui aspergea le visage de l’adolescente. En se relevant, elle chancela et Ignisaqua s’approcha pour la maintenir debout. Utiliser le partage usait considérablement de l’énergie au tout début. Il ne fallait donc pas forcer pour ne pas s’évanouir. Laurène ne pouvait se l’autoriser. Cela la frustrait de ne pas explorer davantage le partage, mais elle attendrait l’après-midi pour.

Annotations

Versions

Ce chapitre compte 2 versions.

Vous aimez lire Starry Sky ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0