Chapitre 20 :

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Ignisaqua les ramena juste à côté du sanctuaire et il se posa pile au moment où les adultes sortaient pour transporter les petits-déjeuners jusqu’au bâtiments.

– Bah t’étais où ? demanda Lucas qui discutait avec Clara.

– J’ai couru un peu, mentit Laurène ce qui passait bien puisqu’elle transpirait. Et je suis passée au sanctuaire pour trouver un peu de calme.

Son mensonge passa comme une lettre à la poste. Elle s’en félicitait même si ça ne lui faisait pas plaisir. Évidemment que la jeune fille se sentit coupable, mais Laurène voulait avant tout les protéger.

« Tu devrais le dire à quelqu’un si un jour on a un problème. »

« On en n’aura pas. »

Elle s’installa à la place qui restait entre Joyce et Aaron. Pendant le petit déjeuner, ce dernier resta bien silencieux et lançait des regards assassins à Henry qui faisait rire Laurène et Joyce. Il semblait un peu plus irrité que d’habitude.

– Est-ce que tu dors la nuit ? lui lança Laurène en prenant du pain se doutant que sa mauvaise humeur pouvait venir de son manque de sommeil.

– Pourquoi dis-tu ça ?

– Je t’ai vu ce matin t’entraîner au bord de la mer. Et je t’ai déjà vu sortir le soir pour t’exercer encore. Alors rassure-moi. Tu ne t’entraînes quand même pas toute la nuit ?

Le silence d’Aaron fut suffisant pour répondre à la question de la jeune fille. Laurène le fusilla du regard, exaspérée ou énervée. Elle ne savait pas trop non plus ce qu’elle ressentait, cependant la jeune fille ne voulait pas que son ami s’use comme ça. Il y avait toujours une pointe d’animosité entre eux, cependant, Laurène ne tenait pas à le voir aussi mal.

– Mais tu es taré ! Pas étonnant que tu trouves la formation épuisante, commenta la Liée. Écoute, je sais que tu as envie d’en finir rapidement mais ton corps a besoin de repos. Tu ne peux pas le pousser à bout tout le temps comme ça. Sinon il va lâcher et ça va faire mal. Il ne tiendra pas éternellement ce rythme infernal que tu t’imposes.

– Je n’ai pas besoin de leçon, marmonna Aaron en lui lançant un regard noir.

– Je dis ça pour t’aider. En plus ça craque souvent au moment qu’on espère tant ! Donc prends-soin de toi, ralentis la cadence et tu verras que tes résultats, ton corps et ton mental seront bien meilleurs. Tu ne peux pas te flageller éternellement car tu ne contrôles pas parfaitement le partage.

Le ton sec de Laurène avait interpellé Valentine et Anna mais les deux autres se fixaient avec une telle insistance qu’ils ne le remarquèrent point. Henry aussi semblait s’intéresser à leur discussion lorsque Laurène lui avait conseillé de se reposer. Soudain, Laurène aperçut quelque chose d’inédit : Aaron esquissait un sourire. Pas ceux qu’il lui faisait d’habitude : moqueur ou forcé. Celui là était… Authentique. Vrai.

– Tu t’inquiètes pour moi ?

– Je… commença Laurène cachant son visage cramoisi en se détournant. T’as dis qu’on allait devoir travailler ensemble, alors je fais juste attention à ce que mon partenaire soit en forme.

– Bien évidemment que suis-je bête ! s’exclama Aaron avec un ton qui signifiait bien qu’il ne croyait pas cette réponse. Bon, si tu veux t’entraîner au combat, tu sais où me trouver.

Laurène passait sa matinée à mentir. Et franchement… la jeune fille espérait que ça n’arrive pas trop souvent ! Elle ne se sentait un peu coupable même si elle tentait de se convaincre qu’elle le faisait pour le bien de ses amis. Le Lié se leva en lui faisant un clin d’œil et Valentine le regarda partir avant de fixer Laurène avec un sourire et de lancer :

– Tu suis mon conseil. Je suis si fière de toi Leau. Tu vas le pécho !

– Non ! tonna Laurène outrée sous le rire d’Anna.

– Un conseil chérie, fit la rousse. Ne parle pas de ses amours à Laurène si tu ne veux pas finir carbonisée.

– Il n’y aucun amour ici.

– Elle m’aime trop pour faire ça, ajouta Valentine.

– Et moi je t’aime trop et j’ai trop peur de Laurène en colère pour que cela se réalise !

– C’est toi qui fait le plus peur quand tu es énervée, protesta l’intéressée.

– C’est un fait. C’est pour ça que j’évite au maximum les disputes de couple. Sinon je me cache pour le bien de ma vie, ironisa Valentine.

Laurène rit, heureusement qu’elles étaient là pour la détendre. Les filles savaient bien que la Liée redoutait la prophétie et voulaient lui remonter le moral. Elles y parvenaient même si la menace de la prophétie pesait toujours sur ses épaules et était gravée dans sa tête.

***

Le début du mois d’avril commençait en milieu de semaines et les vacances de la zone des jumeaux débutaient à la fin de cette fameuse semaine. Laurène aurait absolument tout le temps de ruminer. Le mercredi du début d’avril, Laurène fut la première à devoir se rendre au sanctuaire. La Liée n’avait pas réussi à trouver le sommeil donc elle avait travaillé le partage du feu jusqu’à s’épuiser et s’écrouler de fatigue. Ce qui était loin d’être la meilleure méthode ! Le lendemain, tout son corps entier lui faisait mal à chaque mouvement qu’elle esquissait.

« Qu’est-ce que tu peux être têtue ! Je t’avais dit que c’était une mauvaise idée. », lui reproche Ignisaqua et Laurène savait qu’il avait raison.

« Au moins je ne suis pas fatiguée. La douleur finira par se dissiper. »

Ignisaqua se retenait de l’attendre à la sortie du bâtiment et de lui hurler dessus. Cela allait être une journée pénible avec les prophéties donc autant en pas aggrave le cas de sa partenaire.

Les autres dormaient encore mais ce n’était pas le cas de Joyce. Cette dernière l’accompagna dans la fraîcheur agréable du matin de printemps. Laurène s’en sentit reconnaissante, notamment car son amie essayait de lui changer les idées même si le moment approchait de plus en plus. Joyce était toujours comme ça : elle rassurait les gens et restait présente pour eux.

– Ça va aller, lui dit-elle. Tu sais déjà que tu es l’élue donc ce ne sera pas surprenant.

– Je sais mais je ne sais pas ce qui m’attends vraiment. Ne pas savoir c’est flippant !

– Reste calme, conseilla Joyce en la serrant dans ses bras. Tu sais qu’on est là si jamais quelque chose ne va pas. On est là pour te soutenir.

– Merci, souffla Laurène. J’ai beaucoup trop de chance de vous avoir. Et je ferai tous pour vous protéger si jamais ma position vous entraîne des dangers.

– On saura gérer. Je te l’assure.

Mme. Amaro, M. Gneiss et le directeur sortirent du sanctuaire pour lui ordonner d’entrer. La Liée sourit en voyant M. Gomez qui parlait avec la voyante dans le bâtiment. Il était enfin arrivé ! Elle se retint de courir vers lui mais sa présence l’apaisait déjà. Il arrivait toujours à être présent pour elle dans les moments importants. Il se leva et tendit une boîte à Laurène qu’elle prit.

– Je sais que tu ne veux pas entendre parler de ton père actuellement, commença-t-il compréhensif. Mais je l’ai informé de tous, car tu restes sa fille. Il m’a dit de te donner ceci.

– Merci…

– Ça va aller ? Tu vas tenir le coup ?

– Je n’ai pas vraiment le choix.

– Ce n’est qu’un mauvais moment à passer Laurène, ça arrive dans la vie. Tu n’es pas seule.

Les portes se refermèrent et les adultes se mirent à l’opposé pour laisser la voyante et l’adolescente en tête à tête. Stressée, la Liée prenait de grandes inspirations en espérant éviter la crise de panique. Laurène sentait son cœur battre à cent à l’heure et sa respiration prête à se bloquer. La voyante remit son bandeau sur son œil droite et s’approcha de la jeune fille.

– Tout d’abord si vous le voulez bien, nous avons une question. Est-elle… est-elle l’élue de la grande prophétie ? se renseigna Mme. Amaro.

– J’ai eu des flashs d’elle, plusieurs mêmes… mes collègues aussi, elle revient souvent dans nos visions. Et comme je lui ai déjà dit : effectivement elle est l’élue.

Amaro semblait dépitée, ce qui contribuait encore plus à la nervosité de Laurène. M. Gomez paraissait plus désolé et soucieux. Il avait promis à son ami de prendre soin, de protéger ses deux enfants. Cela s’annonçait particulièrement compliqué ! La voyante tourna autour de Laurène puis s’arrêta face à elle. Elle lui attrapa les bras et ferma les yeux. Laurène aurait apprécié que quelqu’un lui décrive le processus pour l’empêcher d’être tétanisée et d’être à deux doigts de hurler de peur. A tout moment, son corps cédait sous son poids. La voyante se mit à frémir et psalmodia des mots incompréhensibles, elle agrippa plus fort la Liée. Cela rappela le mauvais souvenir de la dernière fois qui glaçait le sang de Laurène rien que d’y penser. Lui broyant encore plus les bras, la vieille dame ouvrit la bouche :

– Après des siècles, l’élue est enfin parmi nous ! La grande prophétie a enfin commencé ! Par la force du bien et du caractère, l’acte décisif dépendra. D’une grande indécision entraînera, la fin et le début ou le règne s’imposera.

La voyante entraîna Laurène dans sa chute. Les deux adultes Liés l’aidèrent pendant que le père de Clara éloignait l’adolescente. Ces phrases si importantes et précises ne laissaient que du flou dans la tête de l’adolescente mais aussi dans celles des adultes. Ils avaient l’habitude que les prophéties ne soient pas claires, mais ils auraient espéré qu’elle le soit pour l’élue.

– Il va se passer quoi maintenant ?

– Le ministre va être prévenu, expliqua l’homme. Des annonces discrètes vont être passées. Mais un jour ou l’autre, ici, il va falloir l’annoncer à toute la communauté.

Laurène hocha la tête et sortit, elle y trouva Henry assit sur une marche qui attendait son tour. La jeune fille se plaça à ses côtés pour l’épauler dans l’attente. Vu l’état de la voyante, il en avait pour un moment.

– Accroche-toi bien, la voyante fait toujours autant flipper.

– Comment ça s’est passé ? Elle t’a reconfirmé que tu étais l’élue ?

– Malheureusement oui, c’était prévisible de toute manière.

– Désolé… mais je suis sûr que les adultes mettront tout en œuvre afin de t’aider ! La semaine dernière au repas avec Aaron… vous aviez l’air de vous être rabibochés.

– Il n’y a jamais vraiment eu de disputes. C’est juste qu’on est ce genre de personne à se chercher puis à prendre du temps avant de s’entendre, clarifia Laurène avant de l’observer une boule dans sa gorge. Henry… est-ce que tu m’aimes bien ?

– Oui… oui je t’apprécie beaucoup, fit-il en rougissant.

Aaron avait raison. Laurène se mordilla la lèvre, ce qu’elle s’apprêtait à faire était horrible. Mais nécessaire. Elle n’était pas le genre de personne à jouer avec les autres, elle détestait d’ailleurs voir des personnes le faire. Blesser encore plus quelqu’un était au-dessus de son entendement.

– Je t’apprécie Henry, mais amicalement, prononça-t-elle le regard baissé. Je n’ai aucun sentiment amoureux pour toi… Et je préfère te le dire plutôt que te faire espérer dans mes actes pour rien.

– Merci…

Laurène lui fit un faible sourire avant de partir. Si la prophétie personnelle d’Henry inquiéta peu, celles de Joyce, Clara, Lucas et Valentine affolèrent totalement. Et pour cause : elles contribuaient toutes à la grande prophétie, et Laurène se considérait personnellement responsable. Elle ne pouvait pas les laisser risquer leurs vies. Elle trouverait un moyen de les protéger. Laurène préféra s’isoler. Assimiler qu’à cause d’elle ses amis étaient tous en danger, elle avait du mal avec ça.

– Eh ben dit donc, je n’avais jamais vu autant de réactions pour une prophétie depuis la mienne, déclara Aaron qui avait déjà regagné le salon des Liés.

– Il fallait juste attendre que les autres personnes impliquées dans la prophétie débarquent, affirma Laurène.

– Ce n’est pas de ta faute s’ils sont embarqués dans cette histoire.

– Bien sûr que si ! Ça l’est totalement. Si je n’étais pas l’élue, jamais ils n’auraient été en danger. Je suis un poison pour mes connaissances. Pour tout le monde !

– T’en fais pas j’ai eu des ennuis bien avant de t’avoir connu ! Comme tout le monde, ajouta Aaron. Écoute, le mieux que tu puisses faire, c’est d’essayer d’augmenter tes capacités à tes limites. Fiche-toi de ce que les gens disent, et concentre toi uniquement sur toi… sans vouloir repousser les limites comme moi.

– Tu es aussi important que cela dans la prophétie pour te sentir sous pression de cette manière ?

– Comment sais-tu que…

– Ça se voit que tu as connu cette situation quand tu en as parlé.

– Si tu pouvais arrêter d’être observatrice, marmonna Aaron.

Laurène laissa échapper un petit rire en s’asseyant à ses côtés. Comment Aaron pouvait-il penser qu’elle ne comprendrait pas qu’il soit important aussi ? Un jeune précoce sans aucune responsabilité ? Laurène n’y croyait pas, Aaron contribuerait forcément dans certains événements.

– Je… d’ailleurs, tu as des idées pour l’espion des ennemis ou tu as abandonné ?

– J’y travaille. J’ai des soupçons mais je pense que c’est plus ma parano qui me travaille pour ce coup. Mais si j’ai une certitude, je te préviens. Je te le promets.

– Merci…

Aaron hocha la tête et attrapa le livre qu’il lisait pour le ramener dans sa chambre.

– On s’entraînera pendant les vacances ? demanda Laurène.

– Si tu veux. Mais pas le matin, je me reposerai pour une fois. Toi aussi il faut que tu te reposes.

– Merci…

Il ébouriffa les cheveux de son élève pour l’embêter et cette dernière râla jusqu’à ce qu’il ferme la porte avant de secouer la tête désespérée, pourtant un petit sourire se dessinait sur les lèvres de la jeune fille car ça lui faisait plaisir que leur relation s’améliore.

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