Chapitre 29 :

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Tout le monde avait entendu ou vu l’annonce du premier ministre. Même les personnes retirées de la société. Tous étaient au courant. Nicolas Maguy se réveilla en sursaut comme trop souvent dans sa vie. Une jeune fille qui sanglotait dans une marre de sang. Le jeune homme qui l’appelait en pleurant, la tenant dans ses bras, impuissant. Ses cauchemars ne cessaient de le hanter. Et celui-là, cela faisait longtemps qu’il ne l’avait pas fait ! Depuis la naissance des jumeaux, il n’était pas revenu. Cependant, les messages qu’il recevait de sa mère et l’annonce du premier ministre le tourmentaient. Les sons de la jeune fille quand la lame entailla sans ménagement son bras lui glaça le sang et le fit hurler à son tour. Et désormais les cris du souvenirs cassaient son sommeil à chaque fois. Il vérifia l’heure : cinq heures du matin. Malheureusement, il savait qu’il ne se rendormirait pas. Pas après ce souvenir revenant dans son sommeil.

Il regarda sa femme endormie avec un petit sourire et se leva pour chercher un verre d’eau. Il ouvrit sa véranda et contempla le jardin, pensif. Il n’arrivait toujours pas à s’y faire : ses enfants qui n’étaient plus là, dans un monde dangereux. Celui qu’il avait fui par tous les moyens. Sa fille, sa petite fille en danger de mort. Alors qu’il avait l’impression que sa naissance remontait à hier… Comment pouvait-il vivre avec ce lourd fardeau ? Avec tous les reproches de part et d’autres… après tout ce passé atroce… Après tant d’années, il ne se sentait toujours pas prêt pour ça, toujours pas prêt à affronter ce monde, même avec le soutien apporté par sa femme.

Alors qu’il reposa son verre dans l’évier, pris d’un pressentiment, sa main se crispa sur un couteau. Il revint doucement vers la véranda, le couteau droit devant lui. Il le lança mais l’individu le saisit de sa main gantée. L’inconnu portait un masque, capuche sur la tête. Cela rappelait des souvenirs effroyables à Nicolas Maguy. Il ne voyait rien de son agresseur cagoulé à part de grands yeux noirs remplis d’haine et de folie. Il prit une chaise, prêt à en découdre mais la personne n’esquissa pas un geste à son grand étonnement. L’ennemi posa doucement l’arme blanche avant de s’avancer vers son compatriote Dresseur. Il ne paraissait pas particulièrement menaçant mais sa démarche confiante s’imposait.

– Je ne vous avais vu que quelques fois auparavant, Nicolas Maguy, annonça la voix modifiée. Il est vrai que vous vous faites rares dans notre société ces dernières années… Et dire, que vous nous avez fourni le point de départ de tout.

– Qu’est-ce que vous voulez ? Attraper ma femme et moi pour mettre une pression monstre sur ma fille ?

– Ce ne serait pas une mauvaise idée, en effet. Mais je ne suis pas un ennemi, je n’ai pas accès à elle pour le moment. Mais ça ne saurait tarder.

Nicolas ne lui laissa pas plus de temps pour parler : il se jeta sur l’ennemi, oubliant son idée d’utiliser la chaise. Ce dernier l’envoya valser jusqu’à l’intérieur de chez lui, il s’effondra dans son salon, sur le canapé. La mémoire musculaire du père de famille se réveilla : il avait tout de même été le meilleur élève de sa promotion. Il saisit un vase qu’il explosa contre la tête de l’ennemi. Il le poussa à terre, écrasa une main et appela sa femme. Cette dernière, déjà prête, débarqua vite avec une corde. Elle tira une chaise et il y plaqua l’individu qui hurla :

– Je ne suis pas là pour vous tuer ou vous attraper !

Cela surprit Nicolas qui le lâcha. Cela restait toujours son point faible : il réagissait mal avec la surprise. Ses émotions lui jouaient toujours de mauvais tours. L’ennemi en profita pour s’éloigner. Il replaça sa capuche qui avait glissé d’un geste ferme. Apparemment, ça ne lui plaisait pas que son déguisement soit abîmé. Il tenait visiblement à maintenir son identité caché.

– Je ne suis pas là pour vous tuer, répéta-t-il calmement comme si personne ne l’avait attaqué, comme s’il était ami avec eux depuis des décennies.

– Alors que faites-vous là ? Demanda la mère des jumeaux. Que voulez-vous ? Vous et vos alliés.

– Bon.. comme j’ai l’habitude de le répéter, je ne fais pas partie de vos « ennemis ». Certes, je dois bien avouer que je viens de là, cependant, je ne travaille pas pour eux. Je suis un homme libre.

– Un homme libre ? s’étonna le père des jumeaux en attrapant la main de sa femme.

– Un homme libre, exactement. Un peu comme vous. N’est-ce pas pour ça que vous êtes partis et avez couru le risque de ridiculiser votre noble famille ? Pour être libre ?

Il n’avait pas tort. Mais jamais Nicolas ne l’avouerait à voix haute. Encore moins à un inconnu qui venait de faire irruption chez eux.

– Je suis ici afin de vous proposez un pacte, un échange, un marché, aussi gagnant pour vous que pour moi.

– On vous écoute, répondit la mère des jumeaux qui sentait bien que Nicolas réfléchissait trop afin de prendre une décision. Si vous n’êtes pas un ennemi, et que vous ne voyez pas notre fille… qui vous envoie ? Et que voulez-vous ?

– Ce que je veux ? Changer la société. Changer des stupides traditions, le rendre meilleur. Plus ouvert à n’importe qui. C’est pour ça que j’œuvre. Je peux aider à libérer votre fille, c’est dans mes cordes. En échange, je veux que vous travaillez pour moi, et que vous me rendez certains services.

– Certains services ? Admettons que l’on accepte de vous suivre… que devrons-nous faire concrètement ? Et que comptez-vous faire concrètement ?

– Pensez-vous réellement que je travaille seul ? J’ai beaucoup de contacts, que ce soit dans le gouvernement ou chez vos ennemis. Je vous demande, si vous acceptez mon marché, ne retournez dans la société. Je ne vous oblige pas à entrer directement dans mon… organisation. Je vous demande juste de me rapporter les informations que je souhaite, et en échange, je ferais tout ce qui est en mon possible afin de libérer votre fille.

Nicolas devait bien dire que le point de vu de cet étrange individu lui plaisait. Le père de famille avait longtemps été trop oppressé par le système. Dans la communauté, il s’était senti proche de la noyade plus il grandissait. Adolescent, il avait vite compris que ça ne lui correspondait pas, qu’il ne sentirait jamais à sa place. Mais évidemment, en tant que Maguy, il ne pouvait rien faire à part rester à sa place. Jusqu’au jour où la goutte d’eau fait déborder le vase !

– Non, Nico, murmura sa femme horrifiée en lui serrant un peu plus la main. Tu ne penses tout de même pas sérieusement à… trahir nos anciens collègues et à les mettre en danger ! On ne peut pas faire ça !

– Christine… tu préfères tes anciens amis Soigneurs qui t’ont laissé tomber, sans scrupule, à notre départ, à notre fille ? Sérieusement ?

– Non ! Bien sûr que non ! Mais on ne peut pas mettre tout le monde en danger pour sauver Laurène. Tu dois comprendre que notre fille est l’élue, Nico ! L’élue. Je n’ignore pas ce qu’ils peuvent faire, mais une chose est sûre : ils ne la tueront pas.

– Je le sais ! Je le sais. Mais tu sais autant que moi les traumatismes que la captivité et la torture engendrent ! Je… Laurène ne peut pas finir comme ça. Elle ne peut pas finir comme nous ! Personnellement, je sais pertinemment que je ne supporterais pas de voir Laurène aussi tourmentée. Je refuse qu’elle finisse comme nous. Comme moi.

Nicolas n’avait pas prévu de laisser transparaître toute sa peur. Ses mains tremblaient suite aux souvenirs qui affluaient dans un coin de sa tête. Alors il fixa sa femme pour aller mieux. Il avait cloué la bouche à cette dernière, lui rappelant de très mauvais et douloureux souvenirs. La jeune fille hurlait le nom de son ami. Elle le secouait de toutes ses forces. Mais il ne réagit pas. Comme mort.

Nicolas regretta amèrement de faire de la peine à sa femme. Il l’attira à lui, glissant une main dans ses cheveux pour lui masser le crâne et lui murmura des excuses à l’oreille. Christine savait bien qu’il n’avait pas dit ça dans le but de la blesser. Néanmoins, aucun des deux ne souhaitaient laisser leur fille dans sa position actuellement. Encore moins, si on leur offrait l’opportunité de l’aider !

Sans attendre leur approbation, l’ennemi indiqua toutes les informations dont il avait besoin. Christine lui tendit même un carnet et un crayon afin qu’ils puissent conserver ce qu’il demandait. Puis il s’en alla promptement.

Les parents des jumeaux ne savaient pas qui c’était, mais cet homme possédait un esprit très différent de toutes personnes qu’ils avaient pu rencontrer. Quel était son intérêt ? Il n’avait pas vraiment été clair là-dessus. Certes, il voulait changer la société, mais pour quoi exactement. Pourtant, Nicolas ne chercherait pas plus. L’idée de changer la société et les traditions le séduisaient beaucoup. L’idée d’aider à sauver sa fille le convainquait parfaitement de coopérer. Cet individu ne les avait pas menacé de mort, il n’avait rien tenté. Presque… presque venu en paix.

L’ancien Dresseur soupira. Il allait devoir donner raison à sa mère malheureusement, et il devrait subir les regards des autres… pire, il risquait d’être inculpé pour haute trahison si cela s’apprenait. Le jeu en valait la chandelle. Laurène en valait la chandelle, elle valait plus que tout.

– Est-ce que cela va aller, Christine ? demanda Nicolas après le départ de l’ennemi. Je sais à quel point tu es meurtrie par les reproches de tes amis… les retrouver, regagner leurs confiances…

– C’est dur, concéda la mère des jumeaux. Puis retourner à l’infirmerie du campus, va me rappeler les mois de convalescence après… tu sais quoi.

– Je sais. Et je ne te force à rien, si c’est trop dur. On a eu nos lots de traumatismes, donc je comprends. Ne te force pas à côtoyer Sébastien ou n’importe qui d’autres, si tu ne te sens pas capable. D’accord ?

– Merci, chéri… mais je le surmonterai. Pour Laurène. Notre fille est plus importante que n’importe quoi. Il faut surmonter le passé. On l’a laissé traîner trop longtemps… Puis, tu es avec moi. Tu seras là pour me soutenir. Je serai là aussi pour toi.

Nicolas embrassa tendrement sa femme. Les époux débutait un jeu dangereux qui pouvait se retourner contre eux à tout moment.

Ils n’étaient finalement pas parvenus à se recoucher. Pendant la matinée, ils nettoyèrent toutes traces du passage de l’ennemi et réfléchissaient donc à une raison valable pour expliquer leur retour. Ils devaient se justifier. Ils ne voyaient qu’une seule chose pour se justifier : Laurène. Ce n’était pas jolie d’utiliser leur enfant pour leurs manigances, ils en avaient consciences, mais ils n’avaient pas le choix. Ils ne pouvaient pas rester les bras croisés.

Lorsque le repas passa, ils remirent en ordre la maison avant l’arrivée de Lucas. Sébastien avait convaincu leur fils de revenir pour les vacances d’un mois, celle de Noël et du nouvel an. Cela ne rassurait pas vraiment le jeune homme d’être loin du campus. Heureusement M. Gomez restait chez lui. Lorsqu’on sonna à la porte, le couple imaginait voir seulement leur fils et leur meilleur ami. Ils ne s’attendaient pas à un tel tsunami de personnes. Dans la rue, en plus des deux, se trouvaient le couple Maguy de Dresseurs, Clara et Aaron. Ils ne se laissèrent pas déstabiliser et invitèrent tout le monde à entrer dans la maison. Personne n’osait faire le premier pas… et le malaise atteignait tout le monde sans exception. Laurène se serait peut-être bien estimée heureuse de ne pas à avoir eu à subir ce moment-là.

– Je vous présente Aaron, un Lié. Il est très proche de Laurène et l’a formée quasiment tout seul en finissant sa formation. Il a accepté de venir afin de protéger Lucas en cas de danger. Je me suis dit que vous pourriez le loger.

– Bien-sûr, souffla Christine très étonnée.

La mère de famille avait toujours connu sa fille proche de ses amies. Et elle n’avait jamais eu beaucoup d’amis. Cela la surprenait d’entendre que Laurène avait passé beaucoup de temps avec ce jeune homme, surtout qu’il paraissait assez froid, d’un point de vue extérieur.

– Allez viens ! s’exclama Lucas en tapant dans la main d’Aaron. Par contre je te refile la chambre de Laurène même si le lit est trop petit pour toi. Je tiens trop à la mienne et elle n’est pas là pour m’insulter.

– C’est parti ! lança Aaron.

Les deux adolescents montèrent pendant que les adultes se dirigèrent vers le salon. Lucas lui indiqua la chambre de Laurène et continua son chemin pour poser sa valise dans sa chambre. Aaron hésita avant d’entrer mais se réprimanda : il s’installait juste dans la chambre de Laurène. Néanmoins il avait l’impression de trahir l’intimité de son amie.

Il ouvrit la porte pour pénétrer dans sa chambre provisoire pendant un mois. Les murs gris clair, sobre, permettaient d’attirer les regards sur la couleur rouge vive de la couette. Le bureau du même rouge bien rangé attisait la curiosité d’Aaron. Ce dernier n’aurait pas imaginé que son amie puisse être organisée… étrangement, il ne la percevait pas comme telle. Il s’approcha doucement et se rendit compte qu’il n’avait jamais lu auparavant l’écriture de Laurène. Il aimait bien son écriture même si elle ne se catégorisait sûrement pas dans les belles écritures. Puis, il se posa sur le lit. Aaron comprenait parfaitement pourquoi il se sentait mal à l’aise : tout lui rappelait Laurène. Tout lui rappelait qu’avant elle avait une vie normale et qu’elle ne la retrouverait jamais. Tout lui faisait penser qu’il n’avait été assez fort pour la sauver.

Lucas toqua doucement à la porte avant de la refermer derrière lui. Lui offrant un petit sourire, il s’installa à ses côtés, lorgnant une photo d’école de Laurène et lui quand ils étaient en primaire. Aaron ne put s’empêcher de s’imaginer ce qui aurait pu se passer s’ils s’étaient rencontrés avant… avant même de savoir qu’ils seraient toujours en danger.

– C’est gentil à toi d’accepter de me protéger au lieu de passer les fêtes avec Sara, déclara Lucas.

– Entre nous, je préfère passer mes fêtes avec les Gomez plutôt qu’avec elle.

– Tu ne supportes pas qu’elle jubile presque de l’absence de Laurène, remarqua Lucas.

– Totalement. Ce n’est pas quelque chose de drôle. C’est grave. Je n’ose même pas imaginer ce que ta sœur doit vivre. Cela doit être horrible… Cela me met hors de moi que des gens ne trouvent pas ça injuste.

– C’est aussi parce que tu connais Laurène comme moi je la connais. On est proche d’elle donc forcément ça nous touche plus. Et… c’est elle qui t’a demandé de veiller sur moi ?

– Oui elle me l’a demandé, avoua Aaron. Mais je ne fais pas ça que parce que je veux tenir ma parole. Tu es mon ami aussi. Donc je ne veux pas te voir blesser par quelqu’un, c’est normal.

– J’aimerai être plus fort…

– Tu arrives déjà à contrôler lorsque tes émotions te submergent. Tu deviendras plus fort au fil des années Lucas, mais tu es loin d’être impuissant, tu peux en être sûr. Le partage, c’est quelque chose d’extrêmement compliqué à gérer. J’en parle en connaissance de cause.

Il aurait bien rajouté l’exemple de la sœur de Lucas mais il n’osa pas. Lucas et lui n’acceptaient toujours pas que Laurène puisse être aussi loin d’eux.

– Merci d’être là pour ma sœur.

– Si j’avais vraiment été là pour elle, et bah elle serait avec nous, déclara sèchement Aaron en baissant les yeux.

– Ne dis pas cela. Ce n’est pas parce que tu penses que c’est un échec que cela l’est. Je suis autant coupable que toi alors, c’est ma faute, c’est pour me sauver qu’elle est avec eux. Tu n’aurais rien pu faire.

– Je dois la sortir de là…

– On la sortira de là, affirma Lucas. Ou alors elle s’en libérera toute seule. Elle serait capable de faire ce coup ma sœur.

Aaron laissa échapper un petit rire. Aaron la croyait tout à fait capable de se sauver elle-même. Laurène était la personne la plus fort qu’il connaissait. Cependant, il ne pouvait rester sans agir. Il devait l’aider, la sortir de là.

– Tu devrais songer à parler Sara un jour.

– Comment ça ?

– Tu aimes ma sœur, affirma Lucas. Je le vois dans tes yeux quand tu parles d’elle, et je saurais te dire exactement à quel moment tu es en train de penser à elle. Et je connais ma jumelle.

Lucas ne développa pas plus. Alors Aaron soupira avant de le regarder sortir. Le Lié savait bien qu’il n’aurait jamais dû démarrer quelque chose avec la Dresseuse. Il s’était pris à son propre piège, et il allait se retrouver coincé si jamais il n’éclaircissait pas la situation.

Lucas avait totalement raison.

***

En présence de ses parents, Nicolas surmontait la pire étape de son plan. Les revoir constituaient en soit une épreuve. Chaque adulte se posa sur un divan. Ce fut cette fois Christine qui brisa le silence :

– Cet Aaron… il nous lançait des regards assez haineux…

– Il est très proche de Laurène, répéta M. Gomez, un regard compatissant pour son amie. Et il sait que vous êtes en mauvaise relation avec elle. Donc forcément il prend son parti.

– Laurène… proche, murmura Sébastien.

– Ils ne sont pas en couple, et cela ne regarde personne, trancha Clara sans gêne pour finir le sujet.

– Je me soucie de ma fille. C’est tout. J’ai le droit de connaître un peu sa vie, je ne m’immisce pas dedans.

Clara décida de rejoindre Aaron pour ne pas entraîner un scandale. Cela laissa les adultes seuls entre eux. Odette se leva pour trouver la cuisine et se servir un verre sans demander. Bien évidemment que sa mère ne ferait aucun effort pour ménager ses nerfs. Elle ne savait faire que ça : tester son fils, même avant que leur relation se dégrade. Nicolas ignora la provocation et fixa son meilleur ami. Au moins, Sébastien ne s’était jamais montré hostile envers lui. L’ancien Dresseur attrapa la main de sa femme pour se donner du courage avant de déclarer :

– Penses-tu que l’on pourrait vous accompagner pour le retour et rester au campus ?

– Pour quoi faire ? répliqua sèchement Odette fusillant du regard sa belle-fille alors même que Christine n’avait pas parlé.

– Parce que l’on veut aider à récupérer notre fille et soutenir notre fils. Nous sommes leurs parents.

– Enfin, murmura M. Gomez plein d’espoir. Je désespérais de ne pas te voir faire le premier pas vers tes enfants et surtout vers Laurène. Je sais que ta fille est sacrément bornée, mais tu es

– Je ne pense pas que cela va réparer les pots cassés, mais j’ai entendu l’annonce du premier ministre. Donc si je peux être d’une quelconque aide…

– Un déserteur être une aide ? s’étonna Odette sous un ton de reproche. Je ne t’ai jamais connu aussi optimiste.

– Odette, souffla son mari. Mets un peu d’eau dans ton vin, je t’en prie.

– Ce vin est déjà délicieux, affirma Odette en brandissant son verre. Désolé mais j’ai été élevée à la dure. Nicolas doit faire ses preuves pour retrouver notre confiance.

– Ta confiance, rectifia Jean. Mon fils, on se fera un plaisir de vous accueillir. Mais il faut que tu comprennes que beaucoup seront septiques. Le ministère viendra automatiquement vous poser des questions sur vos motivations. Personne n’a jamais changé d’avis comme cela.

– Oui, mais personne n’avait jamais eu comme enfant l’élue de la grande prophétie, rétorqua Nicolas. Nos motivations ne sont pas mauvaises. Nous n’avons pas à nous inquiéter pour cela. Tout ira bien.

Aucun Dresseur ne se douta de quelque chose. Le mensonge passa comme une lettre à la poste. Ce qui étonna le couple qui s’attendait à devoir se montrer un peu plus persuasif… Suite à cette discussion, M. Gomez alla saluer les deux adolescents puis le père et la fille s’en allèrent pour regagner leur maison. Par gentillesse, Christine proposa à ses beaux-parents de rester pour le dîner. Ils ne déclinèrent pas. Et le repas fut très étrange avec toutes ses tensions.

Puis, les deux adultes tentaient de briser la glace avec Aaron. Lucas lui avait conseillé de faire un effort donc il tentait de répondre gentiment même s’il n’avait guère envie de paraître sympathique. Le Lié s’efforça donc de raconter quelques anecdotes sur ses entraînements avec Laurène, ou encore la fois où elle avait tenu tête à Mme. Amaro ce qui fit rire Lucas. Il passa sous silence sa blessure durant les duels et son comportement héroïque durant la bataille de Pâques. Ces détails là… le faisait sentir plus proche de Laurène. Rien d’intime, mais il préférait garder pour lui.

Lorsque le repas fut achevé, les grands-parents des jumeaux rentrèrent à l’hôtel puisque leur fils ne pouvait pas les héberger. Puis, éviter de se retrouver avec sa mère arrangeait Nicolas comme Christine. Jamais leur relation s’améliorerait.

***

Les parents des jumeaux attendirent que les deux garçons semblaient s’être endormis pour sortir dans leur jardin. Ils guettèrent l’arrivé de l’étrange individu, dans le froid. Heureusement pour eux, l’inconnu ne tarda pas à débarquer. Toujours le visage et sa peau soigneusement dissimulés. Nicolas se surprit à se sentir convaincu que cette personne devait être importante pour ne pas prendre le risque d’être découvert.

Avant qu’il n’ait pu demander si tout c’était bien passé, un poignard se logea dans sa cuisse. L’homme ne hurla pas de douleur. Il leva les yeux vers une fenêtre. Au vue de la direction de son regard, Nicolas et Christine devinèrent que cela provenait de la chambre de Laurène. Les deux époux s’échangèrent un regard, se demandant comme ils allaient pouvoir poursuivre leur plan.

– Laisse Aaron, intervient M. Maguy sur un ton confiant. On en reparlera plus tard. Je te le promets.

Ce dernier ne répondit rien mais cessa d’attaquer. La personne retira l’arme et saigna. Il jeta la lame à son propriétaire. Aaron la saisit au vol avant de se retourner pour descendre. Il n’était pas tombé sur l’individu masqué lors du kidnapping de Laurène mais Clara lui en avait vaguement parlé. Il s’inquiétait de son intérêt pour les parents de ses amis et se demandait ce que cette réunion signifiait. Que comptait faire les parents de Lucas ?

– Je suppose qu’il voudra des explications… arrangez-vous avec lui pour qu’il ne parle pas de moi à ses supérieurs, je vous prie. Si vous m’attendiez, je suppose que vous acceptez mon marché ?

– Effectivement, murmura Christine. Nous retournerons bientôt au campus.

– Parfait. Parfait, commenta l’inconnu. Une fois au campus, notre espion ou moi-même saurons vous trouver ainsi que vous transmettre des messages pour des réunions régulières.

L’individu allait s’en aller, cependant Nicolas le retint en empoignant son poignet. Il avait fait attention à ne pas exercer trop de force : cette alliance serait toujours fragile, il le sentait.

– Quant à votre proposition d’entrer dans votre… organisation. Je dois bien avouer qu’elle m’intrigue. Après cette guerre, je voudrais bien rencontrer les autres membres afin de me forger mon propre avis.

Sa femme hocha légèrement la tête. C’était à cause des traditions et des restrictions de la communauté qu’ils avaient décidé de fuir. L’idée de pouvoir peut-être aider à changer les fondements les intéressaient. Surtout alors que leurs enfants paraissaient enclins à y rester. L’individu accepta puis s’en alla aussi discrètement qu’il était apparu.

Ils retournèrent dans le salon, dans lequel Aaron attendait patiemment, assit sur le canapé. Il jouait avec son poignard qu’il rangea à la vue des adultes.

– Je crois qu’une explication est de mise, déclara-t-il.

– Je te l’accorde.

Christine partit faire du thé alors que Nicolas s’installa en face de son interlocuteur. Ils ne prononcèrent pas un mot jusqu’au retour de Christine qui proposa une tasse à Aaron. Le jeune homme la saisit mais n’osa pas y tremper ses lèvres pour le moment.

– Puis-savoir ce que vous fichiez avec ce… type ? Non, parce que je ne l’ai jamais rencontré mais au dernière nouvelle, il a incité Laurène à se rendre. Complotez avec ce genre de personne ne me semble pas être une idée judicieuse.

– Nous faisons ça pour aider Laurène.

– Aidez Laurène ! Bien voyons ! Ce type n’aidera jamais Laurène! S’agaça Aaron. Cet ennemi va vous menez en bateau. En avez-vous conscience au moins ?

– Déjà, ce n’est pas un ennemi, mais un homme libre et solitaire, commença calmement Nicolas. Il œuvre pour changer la société. Je suppose que tu as pu constater par toi même l’hypocrisie de la société. N’as-tu pas envie de la chambouler aussi ? Cet homme souhaite faire ça, et nous allons l’aider en contrepartie qu’il aide à libérer notre fille.

Aaron soupira. Évidemment qu’il avait pu voir ça de lui-même. Évidemment que certains points ne lui plaisaient pas… mais au point de le changer ? Pourtant il croisa le regard déterminé de Nicolas. Cet homme le pensait vraiment. Et en même temps… cet individu avait laissé Laurène se livrer. Pourtant il aurait pu l’attaquer mais ne l’avait pas blessé.

– Vous ne revenez pas pour vos enfants, commenta durement Aaron. Il vous a demandé de revenir pour obtenir des informations.

– C’est le marché, expliqua Christine. Des informations en échange de la liberté de Laurène.

La liberté de Laurène. Pour le moment, le gouvernement n’avait pas de plan afin de secourir l’adolescente. Pourtant, en quelques jours, ses parents avaient déjà quelque chose de concret ! Aaron se fichait bien de la société, il avait été le premier à s’énerver contre le premier ministre. Il se leva, tenant toujours la tasse de thé à la main.

– Je ne dirais rien sur ce que je viens de voir ce soir.

– Vraiment ?

– Si votre tentative réussie, alors Laurène sera de retour parmi nous, expliqua Aaron. Je ferme les yeux sur ce soir mais je ne m’engage pas à vous couvrir non plus. Mais, tenez-moi au courant de vos avancées.

Cet homme l’intriguait. Il devait en savoir plus, estimé s’il était réellement un potentiel allié. De toute façon, allié ou non, si quelqu’un ramenait Laurène, Aaron l’accepterait de n’importe qui.

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