Chapitre 51 :

12 minutes de lecture

Le trajet fut étrangement calme, peut-être aussi parce que les ennemis avaient retenu la leçon : ne jamais attaquer une Liée super-puissante. Laurène devait avouer trouver terrifiante l’idée de faire autant peur alors qu’elle avait la taille d’un enfant de douze ans. L’herbe avait bien repoussé depuis l’attaque de Fournaise, ce que Laurène n’avait pas vu à son départ. D’aspect rien avait changé, en l’espace de quelques mois, sauf peut-être bien l’ambiance du camp. Laurène la sentait beaucoup moins décontractée avant même d’atterrir. Ils se posèrent près du sanctuaire, et Ignisaqua s’en alla directement.

« Igni, je ne sais pas ce que tu trames, mais je t’assure que nous deux on aura une discussion. J’ai plein de questions à te poser, et tu ne peux pas m’ignorer longtemps. Tu es mon partenaire. Pas mon supérieur ou mon chef, non, mon égal et j’exige d’être un peu mise au courant de tes plans ! »

« Bientôt. », promit Ignisaqua.

Le dragon se sentit impressionné et fier. Sa camarade grandissait, mûrissait et se faisait enfin un peu confiance pour s’affirmer. Il avait besoin que sa partenaire s’affirme.

C’était ses premiers mots en l’espace de deux mois. Et cette constatation irrita la jeune fille qui avait l’impression d’être prise pour une idiote encore une fois. Bientôt quoi ? Bientôt la fin de la prophétie allait se réaliser ? Bientôt il allait enfin se décider à lui parler ? Ne pouvait-il pas être plus clair dans ses foutus propos !

« Je dois régler des choses avant avec les deux Fondateurs des Lignés. »

Génial ! Laurène ne répondit pas, concentrée à rattraper les autres qui prenaient de l’avance sur elle. Elle s’incorpora dans le groupe au côté de Lucas. L’adolescente soupira, relevant la tête en quête de son dragon mais elle n’aperçut que les nuages dans le ciel. Lucas l’attira un peu à l’écart, lui serrant doucement la main. Laurène s’efforçait à accepter les contacts physiques de la part de ses amis. Cependant, peau contre peau… l’adolescente sentit une onde de panique la parcourir. Elle fut au bord des larmes lorsque son frère daigna enfin la lâché puis une déferlante d’honte la doucha. Son frère ! C’était son propre frère et elle ne supportait pas son propre contact… son frère ! Son jumeau. La jeune fille ravala ses larmes.

– Il faut parler à papa et maman, Laurène, je pense qu’on a beaucoup de chose à demander, et je pense qu’ils ont des choses à dire, chuchota-t-il, scrutant sa sœur inquiète, remarquant son comportement étrange.

– Tu ne m’en veux pas si j’attends qu’ils viennent à nous ? Je n’ai vraiment pas envie de me prendre la tête en ce moment.

Lucas hocha la tête, de toute façon, leurs parents n’attendraient pas forcément longtemps. Toute la famille avait conscience qu’il fallait mettre les points sur les i le plus tôt possible. Le Lié hésita avant de renoncer à rattraper la main de Laurène. Il préféra appuya sa main sur son épaule, à travers ses vêtements.

– Est-ce que… toi ça va ?

– Je… je, balbutia Laurène prise de cours. Je crois… je… c’est juste que ça fait longtemps que je n’ai pas été ici. C’est un peu étrange, c’est tout.

Son frère hocha la tête, tout de même septique mais il choisit de ne pas brusquer sa sœur. Si la jeune fille avait besoin de parler, elle se confierait quand elle le voudrait à qui elle le souhaitait.

Les étudiants du campus se retournèrent lorsqu’ils passèrent. L’audience avait été retransmise au média de la communauté, tout le monde fixait Laurène avec un mélange d’admiration et de pitié qu’elle avait bien du mal à accepter. Ce n’était pas parce qu’elle endossait le rôle d’élue pleinement que la Liée appréciait être au centre de l’attention…

La disposition d’intérieur avait changé. Laurène le remarqua directement. Un étau se resserrait autour de sa poitrine, l’oppressait. Pour la première fois, elle comprit que son absence avait été longue… trop longue. L’adolescente encaissa difficilement. Tout avait changé. Ils avaient tous changé. Le lieu. Les personnes. Ses amis. Elle. Lauruène avait manqué des mois avec eux.

Sa chambre, elle, n’avait pas changé. Rien n’avait bougé. Ses affaires étaient encore là, ses vêtements, ses cahiers. Tout. Elle s’avança vers le bureau en attrapant une photo dont elle ne se souvenait plus de l’avoir emmenée. Une photo avec les filles. Laurène était persuadée de ne pas l’avoir ramené. Peut-être que je perds la tête pour de bon, songea-t-elle en la reposant.

– C’est Aaron qui l’a ramené, l’informa Lucas en s’asseyant sur le lit de sa sœur. A Noël il est venu à la maison pour que je sois protégé. Comme il n’y avait pas de place, je l’ai installé dans ta chambre.

– Ma chambre ?

– On n’allait pas le faire dormir sur le canapé.

Logique ! Cela faisait bizarre de savoir que quelqu’un avait pris possession de sa chambre alors qu’elle n’était pas là. Imaginer Aaron chez elle déjà, un endroit qu’elle avait quitté sans se retourner. En se disant qu’elle ne reviendrait jamais. Néanmoins elle se surprit à sourire en imaginant son ami arpenter sa chambre dans l’espoir de mieux la connaître. Celle qu’elle avait été avant de débarquer dans ce monde. Il avait dû avoir du mal avec ses parents aussi…

Laurène se posa au côté de Lucas et posa sa tête sur l’épaule de son frère.

– Je suis désolé, murmura Lucas. Je me sens si coupable, tu sais.

– Arrêtez. Ça ne rend service à personne. C’est fait, c’est tout.

– Je sais. Je ne sais pas comment tu as fais. Je n’aurai pas supporté…

La voix de Lucas se brisa alors qu’il scrutait la moindre émotion sur le visage de sa sœur. La souffrance. Laurène savait que tout son être entier avec souffert. Pas que son corps. Elle ouvrit la bouche dans l’espoir de murmurer une phrase rassurante à son frère, cependant, elle s’y trouva incapable.

Elle hocha furieusement la tête alors que son frère s’écartait un peu pour laisser de l’espace. Les yeux de Lucas brillaient mais il n’oserait jamais avouer à Laurène qu’il avait mal pour elle.

– Bon, papa et maman nous attendent dans ma chambre. Ils voulaient te laisser retrouver la tienne tranquillement. Et Aaron garde un œil sur Luc dans le salon. Il a commencé à se faire harceler par les autres donc Aaron l’a amené au calme…

– Génial, grommela Laurène.

– Tu t’attendais à quoi aussi en le faisant venir ici ? Il n’est pas des nôtres Laurène, et il le sera sans doute jamais. Donc je ne comprends pas pourquoi tu t’entêtes à vouloir le garder avec toi.

L’adolescente ne voulait pas reprendre cette discussion. Pas maintenant, ça l’épuisait. Elle préférait entendre ce que ses parents avaient à dire. Ils passèrent dans le salon, étrange de ne pas y voir Joyce comme à l’accoutumé. Mais Joyce remplissait sa part de la prophétie actuellement, et Laurène espérait qu’elle s’en sortait sans encombre. Elle vérifia bien qu’Aaron et Luc ne s’entre-tuaient pas et fila dans le dortoir des garçons. Lucas ouvrit sa chambre et ils découvrirent leurs parents en plein rangement.

– Ma chambre ! s’écria le jeune homme en accourant vers sa mère pour luis subtiliser un objet qu’elle tenait dans ses mains.

– Mais as-tu vu son état ? Et cette odeur ? J’espère que tu n’as pas proposé à Clara de dormir ici, sinon on y est encore jusqu’à la fin de journée, rétorqua cette dernière en ouvrant la fenêtre pour aérer.

Laurène ricana en voyant le visage cramoisi de Lucas. Pour une fois qu’elle pouvait se moquer de lui et non l’inverse ! Heureusement, leurs parents s’arrêtèrent dans leurs activités pour demander à leurs enfants de s’asseoir face à eux. Le ton sérieux convint facilement les jumeaux de ne pas rechigner. Ils s’assirent au bout du lit, se prenant la main alors que leurs parents mirent à terre les deux oreillers pour gagner de la place. Laurène posa sa tête sur l’épaule de Lucas.

– Je… suppose que vous avez des questions à nous poser. On peut commencer par là.

– En réalité j’en ai qu’une seule, prononça doucement Laurène. Au début j’étais très en colère, et je vous en voulais beaucoup quand j’ai appris que j’étais l’élue. J’ai remis tout sur votre faute parce que c’était plus simple que d’essayer de comprendre. Mais désormais, j’aimerais bien comprendre, pourquoi un tel choix ?

– Oui, c’est tout ce qu’on aimerait savoir.

– Eh bien… au moins cela va permettre d’expliquer notre plus grand secret, soupira Christine en regardant son mari. Et peut-être que notre histoire pourrait aider ton ami Luc.

– Quoi ?! s’exclama Laurène en se redressant. Je ne comprends pas, quel est le rapport ?

– Ce n’est qu’une supposition pour lui, mais cette hypothèse nous paraît logique, souffla Nicolas. Par où commencer ? C’était il y a quasiment vingt-deux ans maintenant, mais c’est toujours douloureux pour nous, et si ce qui nous a poussés à partir. Je…

Laurène et Lucas n’avaient jamais vu leur père aussi accablé, aussi chagriné, sauf lorsqu’ils leur avaient avoué des années plus tard que leur mère avait fait une fausse-couche quelques années après les avoir eu. Mais ce n’était pas la même tristesse. Nicolas ne parvenait pas à cacher l’émotion dans sa voix. Jamais il n’aurait penser devoir raconter cette partie de son passé à ses enfants et jamais il n’aurait pensé devoir s’y replonger. Il enfouit ses mains dans la couette pour la serrer.

– Il y a vingt-deux ans, j’avais une grande sœur, une demi-sœur, annonça Christine. Elle s’appelait Clothilde. C’était une Liée comme vous. Elle était très puissante, pas autant que toi chérie, mais pour une Liée, c’était déjà beaucoup. Ton père, Sébastien, elle et moi, on formait un quatuor. On était tous très soudé. Et un jour, nous sommes partis en direction du ministère… mais nous ne l’avons jamais atteint.

– C’est pour ça que nos sangs fonctionnaient, murmura Lucas les larmes aux yeux. Les ennemis vous ont attrapés puis torturés.

Leur mère acquiesça en silence en pleurant. Laurène comprenait ce qu’ils ressentaient, elle était la seule qui le pouvait dans cette pièce. Elle serra sa mère dans ses bras, sanglotant. La jeune fille comprit enfin toutes les cicatrices qu’elle apercevait sur les bras de Christine… l’adolescente avait pensé que sa mère n’avait pas été bien mentalement durant une période. Sauf que les marques ne venaient pas de là. Laurène sentit la main de son père sur son épaule. Lucas rejoint son père, lui-aussi.

– On a été séparée, poursuivit Christine d’une voix enrouée. J’ai vu le papa de Clara se faire grièvement blessée pour me protéger et… et j’ai cru… j’ai cru qu’il ne survivrait pas. Il… je suis restée tellement longtemps avec lui, inconscient… Et Clothilde… ma sœur n’a pas survécu.

Sa mère explosa en larme. Nicolas l’attira à lui par les épaules, caressant doucement le dos de sa femme. Des larmes aussi longeaient ses joues. Jamais les jumeaux n’avaient vu leur père pleurer auparavant. Jamais !

– Mais je ne comprends pas le rapport avec Luc, déclara doucement Lucas.

– Je… A l’époque, Clothilde et moi on sortait ensemble, expliqua le père des jumeaux gêné.

– Attend quoi ? Tu es sorti avec la sœur de maman ?

– Il est sorti avec Clothilde avant, le défendit Christine. A l’époque j’étais avec Sébastien.

– Le père de Clara…

Les jumeaux se sentirent très embarrassés. Jamais ils n’avaient pu songer que leurs parents avaient pu être avec des personnes différentes avant de se mettre ensemble… Laurène chercha un moyen de changer de sujet pour rendre la conversation moins gênante !

– Quel est le rapport avec Luc ?

– Avant de partir, Clothilde m’a avoué qu’elle venait tout juste d’apprendre qu’elle avait fait un déni de grossesse. Elle a accouché quand on a été emprisonné chez les ennemis avant de… de nous quitter. C’était vers l’automne, et j’ai calculé des dizaines et des dizaines de fois, sûrement début octobre. Puis…

– Puis ?

– Ils lui ont laissé le choix de la première lettre du prénom. Elle avait choisi un L.

Les deux adolescents restèrent abasourdis. Laurène n’aurait pas pensé que ce serait la réponse qu’ils trouveraient, que ce soit si simple, que ce soit correct. La jeune fille peinait à y croire, cependant elle ne devait pas écarter la piste. Luc ne pouvait se permettre de négliger chaque piste.

– Tu es en train de dire, que Luc pourrait être notre demi-frère, lâcha Lucas incrédule. Ça n’a pas de sens. Tu ne peux pas être sûr.

– On ne peut pas être sûr mais c’est possible, argua Laurène hésitante. Il y avait un cimetière chez les ennemis. Et il y avait une Clothilde avec le nom de jeune fille de maman. Je ne peux pas croire à une simple coïncidence. Je ne peux pas.

– Pour être certain, il faudrait faire un test ADN…

Sans attendre la fin de la phrase de sa mère, Laurène bondit pour se précipiter vers le salon. Avant même de penser aux analyses, il fallait prévenir Luc. La Liée n’avait étrangement pas peur de lui faire un faux espoir : la version de son père, la tombe de Clothilde, l’âge de Luc qui correspondait à la période ainsi qu’à l’année. L’adolescente ne pouvait pas croire à une coïncidence aussi grande. Lorsqu’elle débarqua dans le salon, elle vit Aaron et Luc en plein crêpage de chignon. Comment avait-elle pu espérer qu’ils se tiennent bien ensemble ? Elle s’était trop crue dans le monde des Bisounours malheureusement. Mais il fallait qu’ils s’entendent. Pour la prophétie.

– Tu es peut-être mon demi-frère !

Au moins, cette annonce calma les deux qui se tournèrent vers elle comme si elle venait de faire imploser la Terre. Ce qu’elle espérait justement ne pas réaliser dans sa vie. Luc s’approcha d’elle et lui étira les joues pour regarder ses yeux. La Liée se débattit mais il ne la lâcha pas. Laurène aurait voulu qu’il la lâche, elle ne voulait pu sentir le contact de sa peau contre la sienne. Pourtant la jeune fille fit de gros effort afin de ne pas le repousser.

– Mais t’as pris quoi comme drogue pour sortir ça ?

– Le passé de mes parents.

Luc soupira avant de s’asseoir sur le canapé. Il demanda à Laurène de lui expliquer mais cette dernière préféra attendre que son père le fasse. C’était à lui de le faire. Ses parents et Lucas débarquèrent dans la pièce. Lucas disputa Laurène pour ne pas les avoir laissés discuter afin de prendre la bonne décision, mais son père s’asseyait déjà au côté de Luc. Il ne savait pas trop par où commencer, ni même comment s’adresser à lui. Il ne lui parla pas des détails. Juste de Clothilde, de lui, d’eux, de la naissance du bébé et du fait qu’elle était morte. Que les dates correspondaient. Luc avait les mêmes yeux que les jumeaux, que Nicolas, et les cheveux de Clothilde.

Plus Nicolas l’observait, plus il était persuadé qu’il était vraiment ce fils pris par les ennemis il y a des années. Il fit de son mieux pour ne pas se laisser dominer par les émotions, mais il ne pouvait taire en lui l’espoir de retrouver son enfant. Ils laissèrent quelques temps à Luc pour assimiler. Le Dresseur sentait ses mains tremblées et l’air lui manquer. Il tenta de prendre une grande inspiration alors qu’une douleur se propagea dans sa poitrine. Il paniquait. Il avait peur. Mais il avait aussi de l’espoir. Peut-être même trop.

Aaron s’éclipsa, se sachant pas du tout à sa place. Laurène s’assit de l’autre côté de Luc. Elle lut dans ses yeux tous ses doutes mais aussi son espoir. L’adolescente aurait voulu lui prendre la main pour le réconforter, mais l’idée d’avoir un contact physique lui donnait la nausée. La Liée se contenta juste d’attraper la manche lâche de son ami.

– Comment on peut savoir ? demanda-t-il. Je veux dire vraiment savoir, pas seulement une supposition, avec certitude.

– On peut procéder à un test ADN, déclara doucement Christine. Si on le fait maintenant, nous aurons les résultats d’ici vingt-quatre à quarante-huit heures.

– Luc, souffla Laurène. Pour ça, il faut que tu sois prêt, OK ? On ne te forcera pas. Si tu le veux, on fait. Si tu n’as pas envie pour le moment, on ne le fait pas.

– Laurène, j’ai attendu trop longtemps pour attendre. Je ne veux pas espérer longtemps d’avoir en faites un père, un frère, une sœur pour qu’on me dise qu’en faites non. Si ce n’est pas le cas ça fera mal, mais plus j’attends, plus j’espère, plus ça fera mal.

Le ton du jeune Dresseur se faisait presque suppliant. Il était venu dans l’optique de connaître son histoire, de faire le deuil de parent qu’il avait pu avoir. Il avait besoin de savoir pour continuer.

– Quand veux-tu le faire ? demanda doucement Nicolas.

– Maintenant.

Christine et Nicolas se regardèrent avant d’hocher la tête. Ils partirent avec Luc vers l’infirmerie pour permettre à Christine de procéder d’abord au prélèvement. Les jumeaux les regardèrent partir. Laurène croisait les doigts pour que Luc est un semblant de réponse.

Annotations

Versions

Ce chapitre compte 3 versions.

Vous aimez lire Starry Sky ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0