Chapitre 3 : le départ

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J’arrive vers six heures à l’aéroport. Les contrôles de sécurité passés, je tombe dans les bras d’un siège en cuir. Je n’ai pas dormi de la nuit. Je sommeille tout à fait quand j’entends une voix à demi douce et qui réveille et surprend. Une femme, plutôt grande, est debout devant moi. Elle pose des questions aux voyageurs à côté, une famille nombreuse et bruyante. Mes yeux sont entrouverts, elle le voit, se permet de me poser une question.

- Pardon, j’ai dû vous réveiller…vous savez où est la porte 24 ?

Je n’en ai aucune idée. J’ai peur de la décevoir. Elle a un regard magnétique et fuyant, visiblement timide elle a eu le courage de venir me parler. Je bredouille une réponse.

- T’es sûre d’être dans le bon terminal ?

- Oui je crois… le A, oui, c’est ici. Je ne comprends rien… j’ai cherché partout. Il me reste vingt minutes… je vais rater mon avion…

Son visage délicat est ravagé par l’anxiété. Ses mains entrelacées et rapprochées du corps rappellent une prière secrète. Elle aussi s’échappe. Son trajet est fondé sur le rejet plutôt que l’espérance.

- Si tu veux, on peut aller voir une carte de l’aéroport.

- J’en ai vu nulle part…Ne t’inquiète pas, je t’ai assez dérangé. Je vais me débrouiller autrement.

- Il y en a une juste là. Attends, je vais aller voir.

Je cours vers les toilettes, la carte des terminaux et des portes est à droite. Je trouve facilement la sienne, elle est toute proche d’ici.

Je me retourne, elle n’est plus là. Je scrute rapidement les environs. Elle a disparu. Je marche cinq minutes puis abandonne.

« Le vol AF123 à destination de X est maintenant prêt pour l'embarquement. Les passagers sont invités à se présenter à la porte d'embarquement numéro 42. »

Je me dépêche d’embarquer, les places ne sont pas nominatives. J’en obtiens une à la fenêtre, personne ne se met à côté de moi, quel bonheur ! Deux minutes après le décollage, le passager devant moi tente de baisser son siège, je remonte mes genoux, pousse de toutes mes forces, lui fait comprendre qu’il n’y arrivera pas. Une fois à ma place, je ne fais plus rien. Je ne me lève pas, ne mange pas, ne bois pas et ne dors pas. L’ennui me convient. Je garde seulement le volet ouvert pour profiter du paysage. La première image m’éblouit, on passe au-dessus d’une mer de glace, inhabitée et sauvage. Ma langue est gelée, mes mains deviennent violettes et se cachent dans mes poches. J’hésite…mon corps frêle ne tiendrait pas deux semaines. Personne n’appuie sur le bouton, on continue notre route.

Arrive une ville, grande, magnifique, une forêt d’immeubles. L’un d’eux manque de peu de toucher l’aile de l’avion, le pilote manœuvre habilement, se fraie un passage à travers les blocs de béton. Mon voisin se roule en boule et vomit dans un sac en papier. …Thomas va-t-il mieux ? Est-il sorti de l’hôpital…ou plongé dans un coma profond ? Au fil de mes interrogations, la ville s’éloigne, bientôt, le bouton pour atterrir s’éteint, je vais devoir aller ailleurs.

Dehors, tout est sombre, je m’endors.

Je me réveille quelques heures plus tard, nous avons dépassé deux destinations de plus. Le ciel est d’un bleu turquoise, reflet de la mer. J’aperçois une jungle enlaçant l’étendue d’eau, la protégeant du climat et des vents. Une baie immense se dessine peu à peu, jalonnée de monts et de vallées, décorée de larges et raides falaises d’une roche claire. L’avion se rapproche, je commence à distinguer des habitations sur les collines, de petites maisons embrassent la pente. La ville, cachée dans la Nature, se révèle soudain au grand jour. Ce panorama singulier m’attire, me semble être une nouvelle façon d’envisager l’espace, le rapport entre populations animales et végétales. Rapidement, j’appuie sur le bouton. J’entends, à travers les rangées, un murmure de désapprobation… je suis le seul à vouloir descendre ici. Tant mieux !

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