Chapitre 1 (2) - Kozlowski B.

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Son cartable en cuir posé à terre, Paul leva sa manche pour regarder sa montre. 18h13. Son bus était parti. Le prochain, dans sept minutes. Il avait largement le temps de contourner l’université et de rejoindre l’arrêt du bus. Le froid balaya ses cheveux châtains et s'engouffra dans sa chemise à carreaux. Son manteau à grosses côtes fermé, il enroula son épaisse écharpe autour de son cou. Il leva les yeux vers la salle de cours. Réjoui de son échappée, ragaillardi par ce qu’il venait de faire sur un coup de tête. Il plongea les mains dans ses poches pour y trouver sa paire de gants de laine mais n’en sortit qu’un seul. Merde. Dans sa précipitation, il avait dû faire tomber l'autre dans le couloir ou bien dans le hall, ou peut-être tout simplement l’avait-il oublié sur le banc. Il grimaça, s’imagina faire demi-tour. Tant pis pour lui. Il regarda son unique gant, le remit dans sa poche et commença à regagner l’avenue principale.

À peine avait-il effectué quelques pas qu’il regarda l'immeuble d’en face à la recherche de la lucarne éclairée. Celui-ci était plongé dans l’obscurité. A moins que… Au lieu de continuer en direction de l’arrêt de bus, il rebroussa chemin, emprunta une rue parallèle à celle où il se trouvait. Elle débouchait sur un autre immeuble plus haut d’un étage. Il se recula pour mieux entrevoir le toit et perçut enfin la lumière de la lucarne. Il resta un instant fier de sa découverte. Il jeta un coup d’œil rapide à sa montre. Il lui restait encore quelques minutes de marge.

Poussé par la curiosité, il arriva devant la grande porte d’un bâtiment ancien et parcourut les noms des résidents grâce à l’éclairage des sonnettes. Parmi eux, un retint son attention : Kozlowski B. Il lui évoquait un pays d’Europe de l’Est. Paul associa le nom à la jeune femme de la lucarne. Résidant au dernier étage sous les toits, dans un deux pièces à la chaleur douce. Par réflexe, Paul frissonna, réajusta son écharpe et sentit la présence de quelqu’un derrière lui. Il se retourna. Un homme imposant au manteau élimé, muni d’un grand chapeau à larges bords. Planté devant lui pour indiquer qu’il s’apprêtait à entrer.

— Vous attendez quelqu’un ?

Paul fit machinalement un pas de côté, libérant le passage à l’homme qui finalement n’attendit pas de réponse avant de s’engouffrer à l’intérieur. Il eut juste le temps d’apercevoir un sol aux carreaux de ciment ternes, une rangée de boîtes aux lettres vieillissantes dont certaines débordaient de courriers non ramassés et un antique escalier en colimaçon par lequel l’homme s’empressa de monter. La lourde porte en bois se referma brutalement avant de faire entendre son déclic définitif.

Il reprit ses esprits et se sentit bien idiot, seul dans une quasi obscurité. Il remonta immédiatement sa manche pour vérifier qu’il n’avait pas raté son bus. 18h20. Et merde. Il imagina instantanément son bus quitter la chaussée pour rejoindre une file de voitures. Paul ne savait plus à quelle heure passait le prochain. Il fouilla dans son sac afin de consulter son petit carnet où étaient inscrits les horaires des différents bus qu’il avait l'habitude de prendre mais ne le trouva pas. Décidément, pas de chance. Il longea l’immeuble qui faisait toute la rue pour déboucher sur une autre, plus éclairée, proche de l’avenue principale.

Il la reconnaissait. Il suffisait de l’emprunter, de prendre ce raccourci à gauche pour tomber directement sur l’arrêt de bus. Il continua sa marche dans le froid, laissa des traînées de buée blanche derrière lui. Les températures s’étaient sacrément refroidies. Dans une vingtaine de minutes il serait confortablement chez lui au chaud pour le reste de sa dernière soirée en ville.

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