Chapitre 34 (3) - Il faudra bien qu'on parle

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Tristan finit par retrouver Marianne, seule, dans une rue faiblement éclairée, non loin du Petit Marcel. Essoufflé, il s’arrêta net devant elle, évitant de justesse une grande flaque d’eau. Elle était hors d’elle, les yeux pleins de larmes. Pourquoi avait-elle l’impression que Paul l’excluait de sa vie? Elle se sentait abandonnée, humiliée. A ce moment précis, elle aurait donné n’importe quoi pour retrouver son ami du lycée. Tristan s’avança dans la flaque pour la prendre dans ses bras mais elle recula d’un pas, par réflexe. Elle se sentait trahie par lui. Le reflet de sa silhouette se brouilla et disparut à la surface de l’eau, laissant de petits halos se former autour des pieds de Tristan. Marianne lui parut alors d’une grande fragilité. Il n’insista pas. Le regard perdu de son amie avait beau l’émouvoir, il s’étonnait de ses sentiments partagés. La personne qu’il avait le plus envie de rassurer était son ami. Pourtant, il l’avait laissé, sonné par ce qu’il lui avait révélé malgré lui.

- Où est Zofia ? demanda-t-il sèchement.

- J’ai été odieuse...elle a préféré partir.

Ils n’échangèrent pas un seul mot dans le bus qui les ramena chez eux. Seule, adossée au fond du bus, Marianne resta les mains dans les poches, la tête boudeuse. Quelques sièges devant elle, les vibrations et les vrombissements du bus bercaient Tristan. Son corps épousait chaque virage. Il regardait les rues défiler devant lui. Paul, amoureux d'un garçon! Il n'en revenait pas. Il s’étonnait lui-même d’avoir tout de suite compris. Leurs regards, leurs attitudes à tous les deux. L’avait-il toujours su inconsciemment? Peut-être. Était-il si étonné que ça finalement? Non pas vraiment. Il était avant tout ravi pour lui. En réagissant comme il l'avait fait, il s'était trouvé plutôt à la hauteur. Pourtant, un sentiment d'étrangeté s'empara de lui. Il essaya de se mettre à la place de Paul un instant. Il n'avait jamais embrassé un garçon de sa vie. Il tentait de se voir dans les bras d'un homme. Après tout, n'était-ce pas plus facile puisqu'on connaissait déjà l'anatomie de l'autre? Il sourit à cette idée qui ne lui était jamais venue à l'esprit. Avant de rencontrer Marianne, il s'était déjà imaginé faire l'amour avec un homme, lorsqu'il s’adonnait à des plaisirs solitaires, comme pour comparer, essayer, tester les multiples possibilités que lui offrait son corps. Il avait gardé ça pour lui et en avait un peu honte. Non, décidément, il était bête de tout rapporter au sexe. Paul était avant tout amoureux, certes d'un garçon mais amoureux avant tout. Allait-il pour autant le considérer différemment à compter d'aujourd'hui? Cette révélation allait-elle tout changer entre eux? Il espérait que non.

Ils arrivèrent à leur appartement, Marianne resta prostrée dans un mutisme toute la soirée. Une fois couché, Tristan essaya de la prendre dans ses bras mais elle le repoussa vivement. Il se retourna et remonta la couverture.

- Il faudra bien qu’on en parle. Tu vas pas faire la gueule éternellement.

Il éteignit sa lampe de chevet. Marianne demeura silencieuse. Tristan restait éveillé à l'affût d’une réaction, aussi minime soit-elle. Il entendait sa respiration. Il savait très bien qu’elle ne dormait pas. Demain serait un jour difficile car il faudrait bien crever l’abcès entre eux.

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