Chapitre 5 (3) - La cabine téléphonique

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Le froid était glacial et si sec que rares étaient les personnes qui avaient préféré sortir fumer une cigarette. Paul se hâta de fermer son manteau jusqu’au col. Il se dirigea vers la cabine téléphonique située au fond d’une petite place peu éclairée et dut attendre quelques minutes avant que celle-ci se libère. Il se frotta les mains et souffla dessus pour tenter de les réchauffer.

Le froid l’avait pleinement réveillé. Deux jeunes filles qui gloussaient de concert libérèrent enfin la cabine et retournèrent d’un pas rapide dans le café. Paul s’y engouffra, glissa quelques pièces de monnaie dans la fente avant de composer le numéro de téléphone de ses parents. Il attendit plusieurs sonneries. Mais personne ne répondait. Il vérifia les aiguilles de sa montre. Vingt heures déjà. Il essaya de nouveau en vain. Mais que faisaient-ils? Étaient-ils restés dîner à l’improviste chez leurs voisins avec qui ils passaient régulièrement leurs soirées?

Paul n’eut pas le temps de raccrocher qu'il reçut un violent coup de poing dans les côtes. Il lâcha le combiné avant de s’effondrer au sol. Il reçut deux autres coups de pieds dans le ventre. Recroquevillé sur lui-même au fond de la cabine, il se tenait prêt à en recevoir d’autres. Les yeux brouillés de larmes, il ne put s'empêcher de pousser un cri. Jamais il n’avait ressenti une telle douleur. Son agresseur s’agenouilla, lui plaqua une main sur la bouche avant qu’il puisse crier à nouveau et appeler à l’aide :

— Tu diras à ton petit ami qu’il devrait arrêter de m'ignorer comme ça et me prendre de haut comme il le fait depuis des mois. Il a tort de se foutre de ma gueule. Sale pédé va.

L’homme se releva et lui envoya un dernier coup de poing qui propulsa sa tête contre la vitre dans un bruit lourd. La douleur irradia son nez sur lequel il plaqua ses deux mains. Du sang se mit à couler aussitôt. L’homme dont il n’avait pas eu le temps de voir le visage sortit précipitamment de la cabine. Paul mit la tête en arrière pour arrêter le saignement. Il se sentit défaillir. Sa vue se brouilla encore davantage. Il avait de la peine à respirer normalement. Il se mit à pleurer sans retenue. Ses paupières étaient brûlantes. Des frissons incontrôlables parcouraient son corps qui se mit à trembler. Au bout de quelques minutes transi de froid, il essaya maladroitement de se relever, tiraillé par ses côtes qui le faisaient souffrir. Il se hissa difficilement avec sa main droite qui avait réussi à agripper le rebord de la vitre, ses doigts laissant des traînées de sang qui effaçaient la buée. Il réussit à se remettre debout, le dos contre la vitre pour ne pas perdre l’équilibre. Sa main gauche, toute rouge à présent, continuait de trembler autour de son nez qu’il ne ressentait plus du tout. Il essaya maladroitement de tirer les portes battantes de la cabine vers lui avec sa main libre. Mais il n’avait pas assez de force pour les ouvrir complètement. Il voulut s’y reprendre une seconde fois, quand les portes s’ouvrirent d’elles-mêmes. Paul cligna des yeux à cause du vent froid qui s’engouffrait dans la cabine et se laissa tomber dans les bras de la personne qui se tenait face à lui.

— Paul, qu’est ce qui s’est passé ?

Tom le réceptionna dans ses bras. Il le soutint tant bien que mal pour ne pas tomber à la renverse avec lui. Il réussit à lui faire faire quelques pas et à l’asseoir sur un banc qui se trouvait à côté de la cabine. Paul eut la sensation de s’évanouir et sans qu’il comprenne très bien ce qui se passait autour de lui, il finit par réaliser qu’on l’avait allongé sur le banc glacé, la tête rehaussée par un manteau de cuir sorti de nulle part. Il voulut parler mais il fut incapable d’articuler la moindre parole. Plusieurs visages inconnus l’encerclaient. Les dernières images qu’il réussit à voir furent le visage d’un homme blond avec une queue de cheval et le regard apeuré de Tom. Les yeux humides, qui le réconfortaient, une main posée sur son front pour arrêter ses tremblements et l’autre qui essuyait son nez à l’aide d’un mouchoir en tissu. Tom, qui lui demandait de ne pas essayer de parler. Qui lui répétait qu’il était désolé. Qu’il n’avait plus à s’inquiéter.

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