1- MOUSTACHE
Je pense à mon père. Je me demande ce qu'il penserait de ma vie et de ce que je suis devenue. Sur la carte d'anniversaire de mes dix-huit ans, il avait écrit :
"... Garde ton côté cool de prendre la vie ..."
Ah papa, si tu voyais combien je n'ai pas suivi ton conseil ! Je suis devenue quelqu'un de tellement stressée que même ne plus avoir de café ce matin m'a fait monter les larmes aux yeux. A l'époque, j'avais pris ton conseil comme quelque chose d'inutile: évidemment que je serai toujours cool face à la vie et ses aléas ! Je ne savais pas encore combien la vie peut vous mordre comme un renard enragé ; j'avais eu une enfance et adolescence trop douces grâce à toi et maman.
Je suis assise dans cette rame de métro et je regarde du coin de l'oeil cet homme avec ses grandes lunettes et sa moustache. Ce n'est pas la même que celle de mon père. La sienne était fournie mais fine ; blonde de surcroît. Mais je n'y peux rien ; chaque moustachu d'une soixante d'années me fait penser à lui. Cela me rappelle comme j'aurais aimé ne pas le perdre si tôt. Cela me rappelle aussi les bons souvenirs et son courage dans le quotidien. C'est sur cet exemple que je veux me concentrer ce matin. Ce courage du quotidien qui me fait désormais défaut.
Mon père ne prenait pas la vie de façon cool. Il gardait simplement enfoui au fond de lui toutes ses contrariétés et continuait jour après jour. C'est pour cette raison qu'il m'avait écrit ce mot pour mon anniversaire, pour cette date symbolique où l'on devient majeur, "adulte". Il savait que cette qualité était précieuse. Il ne voulait pas que je devienne comme lui parce que finalement, quoiqu'en disent les médecins, nous savons, mon frère, ma mère et moi, que ce qui l'a tué ce sont toutes ses colères, tous ces ratés, toutes ces injustices. A petits feux jusqu'à ce que son corps se retourne contre lui.
Je suis en train de suivre le même chemin. Sauf que contrairement à lui, la solution est entre mes mains.
Bah alors Magali, qu'est-ce que tu attends?
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