Chapitre II : Premières tâches

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- Sortie des cellules. Inspection des cellules. Tâche au choix. Sortie des cellules. Inspection des cellules. Tâche au choix.

Une voix robotique s’était élevée dans la prison. Shino et Tïashu, encore nouveaux en ces lieux, se levèrent, s’époussetèrent et s’adossèrent aux barreaux ouverts de leur cachot. Il devait être une ou deux heures du matin, Tïashu somnolait encore. Un garde vint les chercher tandis qu’un autre fouilla leur cellule. Le premier garde les emmena dans une immense salle circulaire et leur indiqua quelques panneaux, puis s’en alla.

La pièce circulaire était recouverte d’un dôme sur lequel les noms et la photo des prisonniers étaient affichés aux côtés d’un conteur de points ; Shino et Tïashu étaient à zéro. L’heure était affichée au milieu d l’écran : une heure et demie.

Tïashu bailla. Shino l’agrippa par l’épaule et l’entraîna dans un coin, vers un des panneaux pointés par le soldat. Il indiquait « carrière 1h-15h, sauf lundi (1h-23h) ; 15 points par jour, sauf lundi (20 points) ». Shino jeta un coup d’œil à un autre panneau qui affichait « arène, 100 points par victoire, danger de mort ». Le jeune homme déglutit ; Tïashu et lui s’engouffrèrent dans le couloir qui menait à la carrière.

Ils arrivèrent dans une immense cavité au centre de laquelle se trouvait un amas de pierres. Un soldat tendit à Shino et Tïashu deux pioches et leur indiqua le tas de rocs d’un geste désinvolte. Shino entraina Tïashu vers l’endroit désigné.

- Monsieur Shino ? Pourquoi les gens ici ils parlent pas ?

- Cesse de m’appeler ainsi, s’il-te-plaît, ils vont finir par se poser des questions…appel-moi Shino. Je ne sais pas pourquoi ils ne parlent pas.

- D’accord, Shino ! s’exclama Tïashu. Et là on fait quoi ?

- On casse des pierres.

- Pourquoi ?

- J’en sais rien.

- Mais j’ai pas envie !

- On avait dit quoi ? Tu dois me faire confiance et m’écouter, alors tu fais ce que je te dis, d’accord ? Après, cette aprèm’, on fera une pause. C’est promis.

Tïashu bouda encore quelques minutes puis pris sa pioche et donna de grands coups dans le tas de rochers. Shino l’imita. La fillette s’arrêtait quelques fois puis reprenait joyeusement son labeur. A quinze heures, Shino n’en pouvait plus. Tïashu et lui regagnèrent la salle circulaire où se trouvaient les prisonniers. Tous avaient les yeux rivés sur le dôme. Quelques secondes plus tard, l’écran afficha les gains de la journée. Shino et Tïashu avaient tous deux quinze points. Il y eu un cri dans la foule. Un homme qui devait avoir la trentaine pointait son score du doigt en criant :

- Eh ! Il ne me manque que cent points !

- T’as qu’à faire l’arène, demain, ferme-là, maintenant ! pesta une femme aux allures de guerrière.

- Mais y a jamais personne, là-bas !

- J’irais.

- Une femme ?! Mais t’as cru quoi ? Que c’était un concours de cuisine ?! Allez, te fous pas de moi et vas t’occuper de la bouffe, on a faim.

- On verra demain si tu survis.

- Très drôle !

- Retour dans les cellules. Retour dans les cellules. Retour dans les cellules. annonça la voix robotique qui s’était élevée le matin même.

Shino et Tïashu retournèrent dans leur chambre lugubre. On leur servit un bol de soupe, un bout de pain et un verre d’eau chacun. Shino, incapable de manger malgré son appétit, donna sa part à Tïashu. Il le regretta quelques minutes plus tard. Sa protégée s’était endormit contre lui. Le ventre de Shino le faisait souffrir. Il ne parvenait pas à dormir. Il but son verre et mangea les quelques miettes de pain laissées par Tïashu, puis ferma les yeux. Il resta pourtant bien éveillé. Karü lui manquait terriblement. Shino sentait encore son odeur et entendait le son de sa voix de temps à autres.

Le lendemain, même routine : la voix robotique les fit sortir, ils se rendirent à la carrière -c’était le seul endroit que Shino n’avait pas jugé dangereux pour Tïashu- et y restèrent cette fois jusqu’à vingt-trois heures. Lorsqu’ils sortirent, des cris de joie fusèrent. Shino, après avoir pris la main de Tïashu pour ne pas la perdre, se rapprocha de ce qui semblait attirer l’attention de la foule. Il s’agissait de nulle autre que la femme de la veille, les mains en sang, la tête et les bras couverts de cicatrices. Elle avait la tête haute, l’air digne. Elle s’essuya la bouche d’un revers de main et se tourna vers le tableau : elle avait obtenu les 100 points, elle était à 885. Shino suivit son regard et vérifia son propre compteur. Celui de Tïashu et le sien étaient à 35.

La femme s’avança parmi la foule. Elle fut suivie du cadavre de son adversaire. Shino mis ses mains devant les yeux de Tïashu qui n’y réagit d’aucune façon. Le corps sans vie de l’homme était traîné par son assassin, une lame fine et brillante logée dans son torse. Son sang s’échappait et coulait sur le sol. Sa bouche était entre ouverte, et un liquide pâle en sortait ; ses yeux étaient clos, son torse nu était tracé de deux grandes entailles rouges. Ses mains raclaient le sol, s’écorchant au moindre obstacle. Ses chaussures étaient déchirées, en sang. Lorsque le cadavre et la femme eurent quitté la pièce, Shino enleva sa main et, entraînant Tïashu, il entra dans leur cellule.

- Sortie des cellules. Inspection des cellules. Tâche au choix. Sortie des cellules. Inspection des cellules. Tâche au choix.

Comme tous les jours, le lendemain fut monotone. Shino et Tïashu se rendirent une fois de plus à la carrière, et, à quinze heures, rejoignirent leur cellule. Le jour suivant, Tïashu ne voulut pas le suivre.

- J’en ai marre ! Il est pas drôle ton jeu ! Je veux arrêter !

- Tïashu…tu ne peux pas choisir.

- Un jeu ça s’arrête ! Alors moi je joue plus ! Un deux trois je joue plus c’est les méchants qu’y ont perdus !

- Tu ne comprends pas, Tïashu…ce…ce n’est pas un jeu…

- Tu m’as mentit ? couina la petite fille.

- Je…je suis désolé, Tïashu…ce n’est pas un jeu ; si on ne le fait pas…alors nous ne pourrons pas sortir…

- J’veux faire l’arène.

- Pardon ?

- Si tu veux que je continue le jeu, alors on fait l’arène !

- Jamais ! C’est trop dangereux !

- Alors je boude !

- Tu ne peux pas rester là à rien faire ! Sinon…sinon ils viendront te tuer, Tïashu !

- Je m’en fiche ! Moi je voulais pas être là, d’abord !

- Bon, bon…va pour l’arène, mais je te préviens : tu fais exactement ce que je te dis, c’est très important, compris ?

- Oui, monsieur Shino ! s’exclama joyeusement Tïashu en se mettant au garde à vous.

- Promis ?

- Promis.

Shino déglutit. Tïashu, elle se leva d’un bond et, alors que l’appel retentissait encore, tira Shino vers le hall. Ils étaient à 50 points chacun.

Les deux prisonniers entrèrent dans l’arène. On leur donna le choix entre trois objets ; Shino pris une épée, Tïashu un cure-dent. Ils entrèrent ensuite dans un immense amphithéâtre au sol poussiéreux. Les gradins étaient remplis de milliers de personnes masquées portant l’insigne du clan des Vengeurs. Lorsqu’ils virent Tïashu, ils se levèrent puis ricanèrent. La jeune fille, du haut de ses six ans, leur sourit joyeusement puis leur montra fièrement son cure-dent. Le public rit de plus belle. Tïashu jeta un regard à Shino qui lui murmura :

- Tu restes derrière-moi, compris ?

Tïashu approuva. Leurs adversaires arrivèrent. Lorsqu’ils virent le duo contre lequel ils allaient devoir se battre, ils s’exclamèrent :

- Allez, cent points faciles !

Celui qui n’avait pas parlé jeta à Shino un regard d’excuse ; les duos se figèrent. Le publique était retenu par le silence. Le bruit d’une cloche retenti. Shino ne bougea pas, Tïashu derrière-lui. Le duo adverse semblait détendu.

- Faisons connaissance. Je me nomme Eric. Et je vous tuerai ! ricana l’un des deux en passant sa langue sur son arme qui n’était autre qu’un couteau.

- Moi, c’est Tahajir…je ne voulais pas venir ici…

Tahajir semblait sincère. Il avait pour arme un fouet. Ses yeux brillaient faiblement. Il n’avait pas bougé, contrairement à son ami.

L’homme nommé Eric s’était en effet déplacé vers Shino. Il l’attrapa et tenta de l’assassiner. L’ancien Saîovôuntï de Caski l’avait esquivé au dernier moment. Il y eu quelques cris dans la foule. Tahajir n’avait pas bougé. Il attendait. Tïashu, suivant les ordres de Shino, ne fit rien non plus.

Eric se jeta sur Tïashu mais Shino lui barra la route et, avec son arme, lui entailla la main gauche.

- Ne la touche pas ! Ce n’est qu’une enfant ! pesta Shino.

- Je veux quitter ces lieux par tous les moyens ! Je ne m’inclinerais pas ! Pas devant un enfant !

Eric repartit à la charge et, après avoir envoyé Shino sur le sol, planta avec lenteur le bout de sa lame dans son œil droit. Shino hurla de douleur, tenant d’une main le visage, de l’autre son arme. Il chancelait, voyait trouble. Il ferma son œil ensanglanté, et se précipita sur son adversaire pour lui asséner un coup qui lui fut fatal. Après ça, Tïashu hurla à son tour. En se retournant pour tenter de voir pourquoi elle avait crié ainsi, Shino la vie, son cure-dent pointé sur Tahajir. Ce dernier regarda vaguement Shino, puis pris le fouet qu’il n’avait pas utilisé et s’étrangla avec :

- Je ne peux pas m’en prendre à…des enfants… murmura-t-il.

Shino avait la tête qui tournait à toute vitesse. Je ne partirais pas…pas avant de l’avoir vu… pensa-t-il. Puis le jeune homme s’évanouit. Il sentait son sang circuler dans ce qui restait de son œil droit. Il entendit Tïashu pleurer, le public rire, puis plus rien.

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