Chapitre V : Différence

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Hângä ne semblait pas se souvenir de ces évènements. Nuo, lui, s’en rappelant parfaitement, n’était pourtant pas distant avec elle, au contraire, on avait l’impression qu’il tentait de s’approcher d’elle. Quant à Karü, il n’était au courant de rien, si ce n’est que sa sœur avait vidé cinq bouteilles et que Nuo en avait bu une.

Tous trois marchaient en direction de la prison où se trouvaient Shino et Tïashu.

- Quand est-ce qu’on arrive ? demanda Karü pour la millième fois.

- A cette allure, on y sera d’ici ce soir. assura Hângä.

- Et demain matin, Shino et moi serons à nouveau réunis… murmura Karü.

- Pas tout à fait…il faudra qu’on mette un plan en place, histoire d’éviter le drame.

Karü ne semblait pas avoir entendu la remarque de Nuo. Il soupira et continua d’avancer. Hângä et Nuo se regardèrent un instant puis Nuo baissa les yeux.

Karü jeta un regard dégoûté à sa sœur. Il n’avait pas confiance en Nuo, et ne voulais pas voire à nouveau sa sœur brisée.

Lorsqu’ils s’arrêtèrent au beau milieu d’une forêt enneigée, Karü insista pour que Nuo aille chercher des vivres. Après qu’il soit partit, le jeune Saîovôuntï d’Ohfsha se tourna vers sa sœur :

- Qu’est-ce que tu lui trouves ? demanda-t-il sèchement.

- A qui ? murmura Hângä d’un ton faussement innocent.

- A Nuo.

- Ce que je…lui trouve ? Mais rien…je ne vois pas de quoi tu parles…

- Tu mens.

- Ça ne te regarde pas !

- On ne sait rien de lui ! Je ne veux pas que tu revives la même chose qu’avec…l’autre imbécile !

- Nuo est différent.

- Mais tu ne sais rien de lui !

- Il est aimable, attentionné…

- Haîpé l’était tout autant avant !

- Je t’interdis de parler de lui !

- Je ne veux pas que tu te détruises à cause de ce genre de personnes ! Regarde où ça t’a mené !

- Karü, c’était une erreur ! Haîpé n’était qu’un menteur, un connard, un…

- Mais au début il te promettait la lune !

- Nuo est différent !

- Nuo est un inconnu venu de nulle part dont on ne connaît pas l’histoire !

- Il t’a sauvé la vie !

- Ce n’est pas pour cela que tu dois t’en amouracher !

- Tu n’as aucun droit sur mes sentiments ! Tu n’es pas moi ! Toi, c’est facile ! Toi, tu as Shino ! Et si je te demandais, si j’exigeais que tu le quittes ? Tu ne le ferais pas, je me trompe ? Alors fiches-moi la paix !

Karü dû s’avouer vaincu. Sa sœur avait raison, il le savait, mais si Nuo lui faisait du mal, alors Karü ne pourrait pas le supporter.

Nuo revint les bras ballants, courant vers ses deux coéquipiers.

- Une…une troupe…vingt mille soldats…l…l’Empereur d’Ohfsha ! s’exclama-t-il, essoufflé.

- Le dictateur ?! s’exclamèrent les deux autres.

- Qu’est-ce qu’il fiche ici ?! demanda Karü.

- Il faut partir ! S’il nous trouve, on peut faire une croix sur Shino et Tïashu ! s’exclama Hângä.

Karü lança un regard noir à Nuo puis ils se pressèrent en direction du nord. Derrière eux, la fanfare du dictateur résonnait avec force.

- Pourquoi vous appelez votre père « le dictateur » ?

- Ce n’est pas notre père ! pesta Karü.

Une flèche siffla près de lui et s’écrasa à ses pieds :

- Merde ! On s’est fait repérer ! pesta le jeune Saîovôuntï.

Dix autres flèches s’abattirent sur eux et Nuo fut touché à la jambe. Karü vint le soutenir à contre cœur et ils avancèrent difficilement dans la neige.

- Merci… marmonna Nuo.

- Ne t’y habitue pas ! pesta Karü.

Hângä, Nuo et Karü fuirent vers le nord, s’arrêtèrent lorsque le soleil se coucha et qu’ils étaient sûrs que leurs ennemis étaient loin. Hângä arracha la flèche qui s’était logée dans la jambe de Nuo. Ce dernier marmonna un juron puis sera les dents en tentant de se lever pour marcher seul.

- Je crois qu’on peut t’en parler. Après tout, seul le dictateur nous a imposé ce silence… murmura Karü.

- C’est un peu compliqué… commença sa sœur.

- En bref, l’Empereur actuel d’Ohfsha est notre oncle, il a tué notre père biologique et veut s’en prendre à tout ce qui bouge. Temps gagné : une heure d’explications.

- Mais Hângä, tu es la Saîovôuntï à la base, non ? demanda Nuo.

- Oui, mais non…en fait, le dictateur m’a renié sous prétexte que je corrompais je ne sais quoi tout simplement parce que je sais ce qui est arrivé à mon véritable père. Alors c’est Karü qui est censé prendre sa suite…

- La seule chose pour laquelle je voudrais bien devenir son Saîovôuntï, c’est pour changer les lois qu’il a mises en place ! C’est entièrement de sa faute si les couples comme Shino et moi ne peuvent pas vivre librement ! C’est lui qui a instauré cela, c’est lui qui a corrompu l’Alliance avec son régime à la noix ! Mais, pour le moment, je refuse de prendre le risque que Shino se fasse tuer. Il doit vivre, sinon, je n’ai plus aucune raison de résister au dictateur…je n’ai plus aucune raison de vouloir changer les lois, et je n’ai plus aucune raison de vivre.

- Ça fait beaucoup là, non ? répliqua Nuo, amusé.

- Tu ne peux pas savoir ce que ça fait ! pesta Karü.

- Ne recommence pas ! s’exclama Hângä, en se plaçant entre Nuo et son frère.

Karü se retint d’en dire plus et alla s’assoir à quelques dizaines de mètres d’Hângä et Nuo. Hângä s’excusa poliment du comportement de son frère, ce à quoi Nuo répondit qu’il commençait à s’habituer, et que c’était « normal qu’il s’inquiète pour son Valentin ». Karü s’endormit, allongé sur un roc, les bras balans.

Nuo s’approcha un peu plus d’Hângä et, sans un regard, marmonna :

- Je crois qu’il est temps de t’avouer quelque chose…ça fait longtemps que je voulais t’en parler…

- Oui ? demanda Hângä, inquiète.

- Tout d’abord, il semblerait que, sous emprise de l’alcool, nous nous soyons embrassés…

- Je sais ; six bouteilles ne m’ont pas assommée.

- Ah bon…

- Et donc ? Où veux-tu en venir ?

- Te souviens-tu de ce que tu as dit après cela ?

- Non. Pourquoi ?

- Bon, euh…alors voilà…je…je…je t’aime…

- Ah bon ? marmonna Hângä, ne sachant que dire.

- Oui… bredouilla Nuo.

- Il se pourrait que cela soit réciproque… fit la sœur de Karü avec un sourire.

- …ah…ah bon ? Ça ne te dérange pas ? Tu…tu n’as pas peur des conséquences ? demanda Nuo, fasciné.

- Des conséquences ? De quoi tu parles ? répliqua Hângä, comme s’il s’agissait d’une blague.

- Bah…on est deux filles…tu n’as pas peur que…

- Attends, attends attends…qu’…quoi ? Deux filles ? Je crois que j’ai mal compris là…

- Bah quoi ?

- Tu peux répéter ta phrase, s’il te plait ?

- C’est…c’est juste que, puisqu’on est deux filles, je me demandais…si cette différence allait…

- J’ai dû louper quelque chose là…t’es pas un mec ?

- Bah non. Pourquoi ? Tu…tu pensais que…que j’étais un mec ?

- Bah…oui ?

- J’ai toujours été une fille…

- Pourquoi tu ne l’as pas dit plus tôt ?

- Je pensais que tu le savais…je ne l’ai jamais caché…

- Mais tu ne l’as jamais dit.

- A quoi cela aurait-il servit ? Karü est au courant, non ?

- Non. Personne ne le savait.

- Bah, je suis désolée, je pensais…je pensais sincèrement que vous le saviez…est-ce que…est-ce que cela change quelque chose…à ta réponse ?

- Es-tu bien Nuo ?

- Bah oui, quelle question !

- Alors ça ne change rien. Que tu sois une femme ou un homme, je m’en fiche. C’est Nuo que j’aime.

- Je suis vraiment désolée, je pensais que tu le savais…bon, c’est vrai que je n’ai rien d’une femme, je n’ai pas de formes, mais…je pensais que…attends…t’as dit quoi ???

- C’est Nuo que j’aime. Je t’aime.

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