Chapitre IX : Première fois

8 minutes de lecture

- Déjà à cette époque…tu… ?

- Oui…

- Je suis désolé, pour Blue…je ne voulais pas…

- Tu n’y es pour rien, toi ! Hângä a peur que je m’ôte la vie par amour de ton joli minois… plaisanta Karü.

- Je t’interdis de mourir tant que je ne t’ai pas donné mon accord ! répliqua Shino.

- Alors je vivrais éternellement !

Shino se blottit contre Karü et l’observa, avant de l’embrasser.

- Shino, je suis désolé…j’aurais dû t’en parler…mais j’avais…peur.

- Désolé d’avoir rouvert une plaie en toi…

Karü se leva et prit son soupirant dans ses bras. Ce dernier s’agita :

- Repose moii !

- Arrête de bouger ! Tu vas te faire mal !

Karü le reposa à contre cœur mais ne lâcha pas sa main. Il l’entraîna d’abord dans la pièce qu’ils avaient quitté quelques minutes plus tôt mais Nuo et Hângä s’y embrassaient goulument. Souriant, Karü leur piqua furtivement une bouteille d’alcool et les tourteaux quittèrent la pièce. Tïashu s’était endormit dans le couloir, épuisée. Karü et Shino s’installèrent dans une véranda à l’étage.

- Pourquoi as-tu pris une bouteille, Karü ?

- T’as jamais bu, si ?

- Non…

- Moi non plus. Mais j’ai envie d’essayer ! expliqua Karü avec un sourire.

- Je ne suis pas sûr…

- Tu n’es pas obligé de boire, tu sais…

Karü semblait tout de même espérer que son soupirant boive. Shino lui sourit et, assit en tailleur, l’attira contre lui.

- Et je fais quoi si t’es bourré et que tu me dis des trucs que tu voudrais garder pour toi ?

- Comme quoi ?

- Je ne sais pas.

- T’auras qu’à écouter.

Karü empoigna la bouteille. Shino soupira et relâcha un peu son étreinte.

- Ne me lâche pas ! s’il-te-plaît ! Je…je ne veux pas te faire du mal… s’exclama Karü, soudain tendu.

- Pourquoi me ferais-tu du mal ?

- On ne sait jamais. Je ne veux pas te blesser ! Et je…je veux sentir un contact entre toi et moi, ça me rassure de te savoir à mes côtés…gardes tes mains autour de ma taille. J’ai…peur…

- Toi non plus, tu n’es pas obligé de boire…

- Continue juste de te tenir à moi ; je veux essayer.

- Je suis là, promis je ne te lâcherais pas.

- Quoi que je te dise ?

- Promis.

- Je t’aime.

- Tu vas juste boire, tu sais ? Tu ne vas pas mourir. De quoi as-tu si peur ?

- De te faire mal.

- Abruti.

- Non : amoureux…

- C’est la même chose, Karü…

- Alors toi aussi, tu es un abruti ? demanda bêtement Karü.

- Non, moi, je suis un con.

- T’es pas un con. T’es le mien.

- Si tu as peur, tu ne dois pas boire.

- Je veux goûter.

- Alors bois.

- Tiens, tu veux que je sois ivre ?

- Non !

Shino sourit, mal à l’aise, et colla sa tête à la nuque de son soupirant. Karü frissonna, puis porta le goulot à ses lèvres. Il but.

- Berk c’est amer ! s’exclama-t-il, dégoûté.

- Tu peux reposer la bouteille, tu sais ?

Il but un quart du litre et reposa la bouteille.

- C’est pas bon !

Il s’effondra sur Shino qui tomba sur le dos dans un bruit sourd. Il voulut se dégager mais il n’y parvint pas.

- Euh…Karü ? S’il-te-plaît…tu peux…

- Shi…no…

- Tu pues l’alcool, Karü.

- Tu es…triste…

- Hein ?

- A cause…de moi ? Karü pleurait.

- Mais pas du tout !

- Je suis…nul…

- N’importe quoi !

Karü se leva à moitié, s’appuyant sur les côtes de Shino qui le repoussa doucement, gardant sa main dans la sienne. Le Saîovôuntï d’Ohfsha but encore un quart de la bouteille.

- Arrête, Karü ! Tu es déjà bourré !

- Tu…ne m’aimes plus ?

Karü ne tenais plus, il tomba une nouvelle fois sur Shino et embrassa son cou en pleurnichant.

- Je ne veux pas…je ne veux pas te tuer…

- Qu’est-ce que tu racontes ?!

- Tu ne m’aimes plus…

- Mais si ! Je t’aime, Karü ! Je t’aime…

- M…menteur ! Tu n’es pas Shino ! Shino me hait ! J’vais mourir…il me…hait…

- Calme-toi, Karü ! Je t’en supplie ! Je suis Shino, et je t’aime, Karü ! Je t’aime.

Karü s’endormit.

- Il ne faut plus qu’il boive, lui…plus jamais…ça le fait devenir fou…il me fait peur, parfois…Karü ? Tu m’écrase…

Shino se dégagea doucement et caressa le crâne de son amant, descendit sa main sur son cou, puis sur son dos. Karü fut alors secoué e spasmes violents ; ne sachant que faire, Shino descendit quatre à quatre les escaliers et attrapa Hângä par le bras, la trainant vers Karü.

- Que s’est-il passé ?

- Il a bu la moitié d’une bouteille…je ne sais pas quoi faire ! gémit Shino, paniqué.

- Ne t’en fais pas, l’alcool ne va pas le tuer. Par contre, il va surement se mettre à vomir. Et ce avant même son réveil. Il risque d’être très fatigué les jours qui vont suivre…

- Il a dit…que je n’étais pas moi, que je ne l’aimais pas, qu’il voulait mourir.

- C’est normal. Ce sont ses peurs et ses mauvais souvenirs. Ne t’en fais pas, ça ira. C’était pareil pour moi, la première fois. Avec…l’autre abruti. Haîpéa… soupira la jeune fille, amère.

- Il commence à vomir ! s’exclama Tïashu en regardant avidement la scène.

- Nuo ! Va me chercher un récipient et de quoi essuyer ! Vite !

- J’y vais !

Elle revint presque tout de suite et posa la bassine sous la bouche entrouverte de Karü, donnant les linges à sa compagne qui essuya les dégâts. Shino, pétrifié, s’était allongé aux côtés de Karü, tenant ses longs cheveux bruns en arrière. Tïashu, elle, sautillait bêtement à côté de Nuo qui discutait avec Hângä.

- Il n’avait jamais bu avant ? Avec toi en tant que sœur ? s’exclama Nuo.

- C’est moi qui lui ai interdit. Il ne fallait pas qu’il devienne comme moi.

- Je rigolais ! Et toi, tu es parfaite ! Tu me conviens ! s’écria son amante en bombant son torse plat.

- Question con, hein, mais…

- Mais ?

- Nan, rien, oublie, c’est gênant…

- Viens par-là, toi !

Nuo tira Hângä par la manche dans une autre pièce et en ferma la porte.

- C’est quoi ta question ?

- Euh…nan mais t’inquiète…

- C’est quoi, ta question ?

- Je…je voulais savoir pourquoi…pourquoi tu ressembles physiquement à un mec… marmonna Hângä, détournant la tête, honteuse.

- Hein ? C’est ça ta question ? J’ai eu peur !

- …Donc ?

- Bah je sais pas, moi ! Je suis une fille.

- Physiquement ou…mentalement ?

- Les deux. Tu veux vérifier ? ricana Nuo.

- Non ! Non ! Merci ! C’est bon !

- Espèce d’idiote…

- Eh ! Je te permets pas !

Nuo l’embrassa et retourna dans la pièce où Karü, Shino et Tïashu venaient de s’endormir, blottit les uns contre les autres.

- Ils sont mignons… soupira Hângä.

- Une magnifique petite famille ! s’exclama Nuo.

- Famille ? Tïashu n’est pas leur fille, tu sais ?

- Ils peuvent toujours l’adopter.

- C’est vrai.

- Et nous aussi…

- Euh…on en reparlera plus tard. J’ai…d’autres projets…

- C’est quoi tes projets ?

- Survivre, déjà…et après on verra…

- Vivement que Pauyô soit libérée, comme ça, je pourrais te demander en mariage !

- Pardon ?!

- Non, rien… susurra Nuo, sachant pertinemment qu’Hângä avait compris.

Le lendemain, Karü se réveilla à la clarté matinale du soleil qui perçait la forêt. Il mit ses mains devant ses yeux et s’écria :

- Il tape fort, le soleil !

- Karü ! s’exclama Shino en se jetant sur lui. Je t’interdis de recommencer ! Plus jamais tu ne touches à l’alcool !

- Pourquoi donc ?

- Tu m’as fait une de ces peurs, hier ! T’as vomi toute la nuit, tu me disais que je ne t’aimais pas, que tu devais mourir…

- Doucement, Shino…j’ai mal au crâne…

Mais le jeune homme n’en teint pas compte et se laissa choir sur son amant qui se mit à rougir.

- Je suis fatigué, Shino…laisse-moi dormir…

- Je t’aime.

- Je t’aime aussi, Shino.

- Je t’aimerais toujours, quoi qu’il arrive. Et si venait un moment où tu penses le contraire, c’est que ce n’est pas moi que tu as en face de toi.

- Même si je suis laid ? Ou violent ?

- J’ai un œil en moins, pourtant, tu continue de m’aimer…si tu deviens violent, c’est pour me protéger. Dors maintenant, dors Karü, je veille.

Karü ferma les yeux, entourant Shino de ses deux bras. Tïashu se leva et rejoignit Nuo et Hângä dans une pièce voisine.

- Maman Nuo ?

- Euh…ouais ?

- Papa Karü s’est réveillé mais il refait dodo ; il a fait un câlin à grand frère Shino.

- D’accord.

- Je peux goûter moi aussi le alcool ?

- Quand t’auras quinze ans, on verra. répliqua Hângä.

- Pourquoi ?

- Tu es encore une enfant en pleine croissance, c’est dangereux pour toi… expliqua Nuo, amusée.

Tïashu se blottit contre Hângä qui jeta un regard complice à sa compagne.

Karü fut de nouveau réveillé, le soir même, à cheval sur Shino qui, lui aussi sursauta. Et pour cause, après des jours de calme, le champ de bataille s’élargissait et une bombe venait de se cracher dans une montagne qui bordait la forêt, non loin du manoir. Karü et Shino regardèrent à travers les carreaux de la véranda : le bois brûlait.

- Merde ! s’exclama Karü.

Hângä, Nuo et Tïashu alertés par le bruit, accoururent.

- La forêt est en feu ! s’exclama Tïashu en regardant à son tour. Les dragons ils sont où ?

- On doit partir ! Maintenant ! pesta Karü en prenant Shino par la main.

Nuo prit Tïashu sur ses épaules et entraîna Hângä à la suite des deux tourtereaux qui quittaient les lieux. Une fois dehors, alors que la bâtisse prenait feu à son tour, le groupe s’arrêta : impossible d’avancer, ils étaient piégés entre la forêt et le manoir, tous deux enflammés. Tïashu fixait le ciel, sans doute à la recherche d’un dragon, et ne semblait pas inquiète de la situation.

- On fait quoi ?! cria Nuo alors que la bâtisse s’écroulait peu à peu.

- J’en sais rien, moi ! pesta Shino.

- Vous pouvez éteindre le feu, avec la magie, non ? répliqua Hângä.

- On a dû partir avant ! répondit Karü.

- On peut utiliser les bagues fluos… murmura Tïashu d’un ton rêveur.

- Qu’est-ce que tu racontes ? insista Shino.

- On va cramer !

- Sur la bague y a l’urne du vent, c’est ce que maman disait.

- L’urne ?

- La rune !

- Et ? repris Karü.

- Grâce au vent, on peut se créer un passage à travers la forêt !

- Mais on fait comment pour les actionner ?

- Attention !

Hângä avait poussé Shino juste à temps : un arbre s’écrasa à l’endroit où il s’était trouvé quelques secondes plus tôt.

- On n’a plus le temps !

- La langue machin chose ! Tïashu ! Envoie ta bague à Shino ! s’exclama Nuo.

La jeune fille s’exécuta et Shino récupéra la bague qu’il passa à son index gauche.

- Je fais quoi, du coup ?

- Dis vent ou un truc du genre !

- D…d’accord…vôântï ! Ça marche pas !

- Essaye autre chose ! Vite ! s’écria Hângä tandis qu’elle esquivait de peu une poutre enflammée.

- Quôîâ lïâ vôântï saèotï u maèo ! (que le vent soit à moi) Quôîâ lïâ vôântï saèotï maoân ! (que le vent soit mien)

Une lueur verte sorti de la bague et un sifflement retentit. Le vent se leva, les arbres flanchèrent et le feu s’éteignit en ligne droite, laissant un passage au groupe qui traversa rapidement la forêt. Une fois en lieu sûr, Shino s’effondra, épuisé. Son nez s’était mis à saigner. Nuo reposa Tïashu sur le sol.

- Y avait pas de dragon ! s’exclama la jeune fille, déçue.

Hângä la consola en lui contant une histoire.

Annotations

Vous aimez lire Narce_Aether67 ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0