Dans la bulle d’écume, les sons des souffles de Narra et du Volant sont décuplés.
Leur écho font frémir la membrane. La jeune femme a arrêté de gigoter pour regarder l’ambre vibrer à leur approche.
Le Volant, proie toujours coincée dans son bec, s’engage dans la faille qui ouvre l’enchevêtrement minéral. Lorsqu’il a fini de se glisser dans l’interstice qui lui permet à peine de passer, les yeux de Narra s’écarquille.
Une caverne d’une vingtaine de mètres de larges s’étend devant elle. Les parois sont d’un ambre froid. Comme s’ils étaient rentrés dans la souche d’un arbre dont le cœur serait mort, mais l’écorce encore bien vivante.
On raconte que les Volants se cachent dans les eaux pour se reposer et pondre.
C’est… un nid de Grand-Volant.
Et s’il y a bien des amas de plumages au sol, prêts à accueillir des œufs, ils sont tous désespérément vides.
Le Volant ouvre son bec et dépose négligemment Narra sur un couchage de plumes. Elle atterrit la tête première et lorsqu’elle se redresse, elle souffle les poils de plumes qui se sont coincés entre ses dents.
La créature s’assoit, sa tête abaissée pour qu’elle ne touche pas l’ambre froid et terne de la voûte minérale.
Là, dans cet endroit sous-marin, où rien ni personne ne pourra les déranger, elle désigne d’un coup de tête les parois de la caverne.
Narra regarde dans la direction indiquée, et plisse les yeux en repérant des irrégularités dans les aspérités du minéral.
Il y a comme des traces d’entailles. On dirait presque que le Volant a utilisé ses serres pour faire ses griffes. Mais il y a autre chose.
Les entailles sont cohérentes.
Elle croit reconnaître le dessin. Les représentations sont grossières, mais parfaitement lisible. Des dizaines de volants rouges, verts et bleus, s’occupent de leurs petits, certains couvent des œufs. Mais il y a un Grand-Volant en particulier, à l’écart des autres.
Lui, est seul, avec un nid vide.
Les parois, sont couvertes de représentations de nids vides. Partout autour de ce dessin, il n’y a que ça. Et tous les tas de plumes, sont désespérément vides.
« Tu... »
Narra s’interrompt, se rendant compte qu’elle est sur le point de parler à un Volant. Elle se tourne vers la créature, et voit bien qu’elle est pendue à ses lèvres.
« Tu as été rejeté, c’est ça ? »
Le Volant ne réagit pas pendant plusieurs secondes, puis jappe en montrant à nouveau les dessins. Narra étudie encore les nids vides, et réfléchis.
Elle pense comprendre :
« Tu ne peux pas avoir d’enfant ? »
La créature baisse sa tête. Ses plumes sont basses.
Son silence a un poids différent, que Narra sent jusque dans ses entrailles.
Une boule au fond de la gorge, la jeune femme ne sait pas quoi faire pour appaiser la peine du Volant.
Sinon…
Narra n’a plus son ocarina, mais la créature réagit à sa voix. Elle n’est pas bonne chanteuse mais elle peut essayer.
Alors elle fredonne.
Les notes ne sont pas exactement les bonnes. Mais l’air, le rythme des notes, est respecté.
Les plumes autour des canaux auditifs du Volant se redresse, avant que la créature ne la regarde.
Son souffle ralentit.
Le rubis de ses yeux, devient plus brillant encore. Ses paupières s’humidifient.
Il se dégage de son bec un sifflement qui épouse le rythme du fredonnement.
Et ensemble, ils se mettent à jouer. Jouer l’air du Salut des hommes.
Les sifflements et les chants de Narra, rebondissent sur le nœud d’ambre et grimpent jusqu’à la surface.
Lorsque le silence retombe, le Grand-Volant pousse un piaillement doux et aigu.
Narra sourit. On lui a toujours dit que le premier mot que l’on adresse à son Volant deviendrait son nom.
Et elle le prononce distinctement :
« Zéphyr. »