chapitre 16

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« Si tu ne veux pas être plus qu’un objet, je t’utiliserais comme ça. »

Nashran avala un cocktail et sentit avec joie l’alcool se répandre dans ses veines. Derrière lui, une scène ultra bruyante était remplie de danseurs tout aussi peu sobres que lui. Ils dansaient sur le rythme d’une musique endiablée. Never n’avait pas accepté de venir, il détestait ce genre d’endroits, mais Visu était au milieu de la piste en train de s’amuser comme un petit fou alors que des dizaines de réceptacles se régalaient à venir le frôler, espérant attirer son attention. Zeyn et Date devaient être dans un coin, occupés à se bécoter sans aucun doute.

« Ne bouges pas ! Si tu n’as pas envie d’être un véritable compagnon, je te l’ai dis, ne bouges plus ! »

Il avala un autre verre, cul sec, et savoura la brûlure dans sa gorge et la manière dont elle se répandit dans son ventre. C’était parfait. Avec un peu de boulot, d’ici une heure, il vomirait de partout dans les quartiers d’Ogma et ça, ce serait une jolie putain de réponse se disait-il en riant à moitié. Peut-être même qu’il pourrait le lui dire ? « Je te vomis à la gueule, très cher reproducteur de mes deux ». Il pouffa, saisit le verre suivant et l’avala tout aussi sec.

Au plus il sortait, au pire Ogma était. Il avait fini par admettre qu’il n’arriverait pas à lui faire éprouver un réel plaisir, même le faire jouir après des heures de manipulations était difficile. C’était parce que Nashran connaissait parfaitement son propre corps, qu’il savait bouger pour lutter contre la jouissance, qu’il savait contrôler un minimum ce qu’il se passait et également parce qu’il savait manipuler le reproducteur en lançant quelques piques blessantes lorsqu’il avait besoin d’un changement de rythme. Pour le moment, Ogma n’avait pas compris son manège et c’était tant mieux. Nashran avait cru qu’il allait devenir fou, mais ce n’était pas lui qui partait en vrille. C’était Ogma. Il devenait de plus en plus perturbé, violent et abusif. Rien qui n’aurait pu le mettre en danger physiquement et une certaine rigueur dans le sexe était parfaitement tolérée par les protocoles de surveillances visiblement. Par moment, il allait si loin que Nashran se demandait si sortir en valait toujours la peine, mais c’était sa seule chance alors au lieu de boire le verre suivant il alla danser. Il se fit charmant, il se fit amical et ouvert à toute proposition. Trouver un reproducteur assez fou pour se lancer dans une guerre de vœux, c’était comme chercher l’âme sœur. Difficile. Impossible se disait une partie de lui-même avant de voir comment Zeyn regardait Date. Ce n’était donc pas un mythe… juste un sommet horriblement difficile à atteindre.

L’heure était presque écoulée, il suait et s’amusait avec un certain Drani mais c’était fini par cette fois. Alors il retourna au bar, avala deux verres de plus. Drani le suivit et en avala tout autant avant de lui demander :

- C’est toi hein ? Le réceptacle qui a provoqué tout en remue-ménage ?

Nashran avala un verre de plus.

- Tout les réceptacles, assis au même endroit, devant le quartier d’un reproducteur qui en retenait un.

Nashran se mordilla la lèvre, pensif, avala encore un verre et demanda avec un sourire mutin.

- Et si c’était moi ?
- Alors il vaudrait mieux que je me sauve avant que tu n’arrives à convaincre tous les réceptacles de me détester !
- Oh chéri… Il faut faire quelque chose de vraiment mal pour être détesté. Tu es le seul à pouvoir faire ça. Moi… Moi, je ne peux strictement rien faire, même pas rester ici à bavarder tu vois ?

Le dernier verre qu’il prit pour la route la rendit assez difficile. Il tanguait plus qu’autre chose et il arriva en retard. Ogma faisait les cents pas devant sa porte à peine le vit-il qu’il le saisit par le bras pour le jeter à l’intérieur. Le mouvement brusque souleva l’estomac de Nashran qui vomit dans l’entrée.

- Ah ! Putain ! Mais tu es complètement bourré !?

Nashran éclata d’un rire hystérique qui n’arrivait plus à se calmer, mais entre deux éclats de rires fous, il lança :

- C’est pour mieux te supporter, mon enfant.

Et puis, il se remit à rire, encore et encore, sans même savoir exactement pourquoi. Il riait comme on pleure. Sans maîtrise, simplement submergé par une émotion trop forte. Il riait encore lorsque Ogma le déshabilla et le mit sous une douche un peu trop fraiche « pour lui éclaircir les idées » et il riait toujours lorsqu’il le baisa « pour lui montrer à qui il appartenait ». Son rire ne s’éteint que lorsque le sommeil le faucha et au réveil, il sut qu’il était réellement en train de se briser. Comme ça. Sans rien pouvoir faire de plus. Il se brisait.

Comme un zombie, totalement nu, il se leva, marcha jusqu’à la porte, arracha le panneau de contrôle comme il l’avait fait tant de fois auparavant. Il tenta de nouveau de lui demander de s’ouvrir, même s’il savait que le mécanisme était protégé à présent. Rien qu’essayait lui donnait l’impression de ne pas être en train de « rien faire » et c’était mieux. C’était beaucoup mieux. Et puis, la porte s’ouvrit dans un bruit qui lui sembla assourdissant. Ogma dormait toujours. La porte était ouverte. Il l’ignorait, mais cela faisait plus d’un mois maintenant que le reproducteur avait négocié et il avait perdu son droit à une porte au protocole de sécurité renforcé depuis un petit moment déjà.

Nashran la franchit et courut, il court jusqu’aux quartiers des réceptacles et se cacha dans un coin, le cœur battant la chamade. Il ne voulait pas y retourner. Il ne voulait plus jamais y retourner, mais il n’aurait pas le choix. Zeyn, Date et Visu étaient réellement devenu ses amis. Il ne savait pas quoi dire de Never pour autant. Toujours était-il que ce serait les premiers lieux où Ogma allait le chercher.

- Nashran ?

Il sursauta et leva les yeux vers Graan.

- Est-ce que tout va bien ?

Il fit « non » du visage avant de lâcher doucement comme un secret honteux.

- Je ne trouverais jamais personne pour s’opposer à lui… Jamais. Il me rendra complètement taré avant.
- Comment es-tu sorti ?
- Tu n’entends pas ce que je te dis ? Je vais devenir fou.

Graan se pencha vers lui et saisit ses mains qui remuaient et tremblaient tout autant.

- J’entends. Je veux seulement savoir comment tu es sorti, c’est important.
- J’ai ouvert la porte.
- D’accord, c’est vraiment très bien, c’est une très bonne nouvelle. Ca veut dire qu’à partir de maintenant, il ne devrait plus pouvoir t’en empêcher. Il avait dû obtenir un vœu temporaire, ça arrive parfois au début. C’est une bonne chose Nashran. Plus de liberté.
- Mais aucun échappatoire… Et il va me trouver.
- Oh non. Il va te chercher, mais te trouver, non. Viens, je t’amène aux quartiers d’Isia pour aujourd’hui. Nous allons te cacher. Il faudra néanmoins y retourner, régulièrement, pour les ponctions mais dès que tu t’enfuiras, on te cachera et tu auras toujours ton heure tant que tu rentres après. Ca va s’améliorer.

Graan resta avec lui, à le bercer, durant près de deux heures avant de faire appeler ses amis. Il ne pensait pas que la situation s’était dégradée à ce point, mais le jeune homme semblait pratiquement brisé. Date n’eut tristement pas l’air surpris de son état et le prit simplement dans ses bras pour le bercer à son tour.

- Les quartiers d’Isia sont libres mais il finira par fouiller tous nos quartiers…
- Ce n’est pas beaucoup mieux chez nous, on doit être en tête de liste. Répondit Zeyn.
- De toute façon, il ne faut pas que tu te caches. Tu le sais hein Nashran ?

Doucement, le réceptacle acquiesça entre les bras de son ami. Se cacher ne ferait que ralentir Ogma. Non, ce qu’il fallait, c’était de trouver un moyen de le contrer. Il déglutit, harasser par l’idée qu’il n’y arriverait jamais, puis soudain, il se rendit compte qu’il ne fallait pas qu’il trouve une personne prête à rentrer dans une guerre de vœux. Il pourrait s’y escrimer toute sa vie en vain. Non, il fallait qu’il trouve cent moyens différents de déranger Ogma, cent moyens différents de le faire lâcher prise, cent moyens différents de lui donner envie d’aller ailleurs.

- Graan ? Est-ce qu’il y a un moyen de faire un échange de service avec un autre réceptacle ?
- Oui… Oui, tu penses à quoi ?
- Peut-être que certains pourraient plaire à Ogma ?
- … Je ne suis pas sûr qu’ils soient nombreux à en avoir envie, mais oui.
- Est-ce que tu pourrais m’aider à trouver ce que je peux faire pour eux ? Je dois… Je dois trouver quelque chose.

Date le serra un peu plus fort contre lui et jeta un coup d’œil au plus âgé. Le désespoir rendait Nashran fébrile et pour le moment il avait surtout besoin d’un endroit où se sentir en sécurité et où dormir. Graan semblait du même avis parce qu’il se fit très rassurant.

- Je vais voir qui pourrait être intéressé par ton offre, Nashran. Je vais trouver des réceptacles, mais pour le moment, il faut que tu te reposes. Tu ne crains rien ici.

Rien, jusqu’à demain… ou peut-être le jour suivant ? Nashran accepta, toujours entouré par son ami et de toute manière trop épuisé pour simplement réfléchir davantage. Ogma aimait le prendre dans son sommeil. Ogma aimait le pousser toujours plus loin. Ogma aimait tout maîtriser de sa vie. Ogma semblait aimer le contrôle de chaque instant. La certitude qu’il pouvait dormir sans que l’homme n’arrive soudain suffit à le rassurer et à le faire tomber dans le plus doux des sommeils.

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