5
Sibérie, nuit du 10 au 11 août 2019
Laboratoire, deuxième sous-sol
Centre d'observation et de contrôle de la lune
— Eurêka... murmura Oleg, un sourire émerveillé fleurissant sur son visage.
Sans détourner les yeux de son écran, ses doigts courant à toute vitesse sur le clavier, il s'humecta les lèvres, se sentant si proche de venir enfin à bout de l'objectif qu'il poursuivait depuis des années dans le plus grand secret.
— On y est, on y est, on y e... eh merde !
Le système d'alimentation mit fin à ses espoirs les plus fous : les panneaux de contrôle et les écrans s'affolèrent, clignotant de toutes parts, avant que le compteur ne fasse tout disjoncter.
Quelques secondes, le jeune codeur fut plongé dans le noir complet. Puis le générateur de secours prit la relève et il entendit de nouveau le son, rassurant pour lui, des routeurs.
Contrarié et épuisé par ses échecs constants, il se frotta les yeux puis l'arête du nez de son pouce et index droits, lança un regard rageur aux panneaux de contrôle, claviers et écrans, remit l'alimentation principale en route et quitta le deuxième sous-sol.
Sibérie, 13 juillet 2003
Laboratoire, troisième sous-sol
Salle de torture
Asta, haletante, resplendissante, la jouissance déformant ses traits, sentit le membre long et épais de Vladimir aller en venir profondément en elle.
Celui-ci lui sourit, moqueur, l'air de dire « Tu vois, tu prends si bien ma queue, salope ! ».
Le sourire qu'elle lui offrit en retour dans une tentative d'adoucir sa punition n'atteignit pas son regard. Malgré de longs mois d'efforts pour le satisfaire et survivre, elle ne parvint pas à cacher le désespoir et la douleur lovés au fond de ses yeux comme devant un feu de cheminée.
Dans un grognement inhumain, il éjacula abondamment en elle. Il se retira d'elle en la dévisageant avec dégoût, lui cracha sur le visage puis rangea son sexe.
Il l'observa fixement durant quelques secondes qui semblèrent s'étirer indéfiniment dans l'esprit torturé de la jeune femme. Il soupira, comme résigné, et elle pensa un instant qu'il jugeait l'avoir assez punie.
Il le lut dans son regard et un rictus sadique déforma ses traits.
— Passez-lui tous dessus, quartier libre mais sans prendre aucun risque pour le potentiel bébé.
Sibérie, 8 février 2019
Laboratoire, rez-de-chaussée
Hall d'entrée
— Bonjour, Aukje Bulk. Je suis l...
— La petite protégée d'Angus, compléta Vsevolod dans son dos.
Aukje se retourna vivement. Elle analysa l'homme qui lui faisait face de la tête aux pieds et, lorsqu'elle réalisa qu'il faisait de même avec elle, elle piqua un fard et passa ses longs doigts fins et raffinés aux ongles vernis de bleu cyan métallisé dans ses cheveux blonds.
— Vsevolod Voronoff, pour vous servir, se présentaVsevolod en lui faisant un baise-main qui la fit s'empourprer encore davantage.
— Vsevolod, n'importune pas la nouvelle recrue. Elle est intouchable, surtout sous la surveillance d'Angus, en plus c'est le bébé de la bande...
Le nouveau venu, copie conforme de Vsevolod, la jaugea de haut en bas, l'air supérieur. Aukje se sentit alors minuscule. Pourtant, un frémissement de désir lui traversa le corps tandis que les yeux de l'homme la sondaient.
Vsevolod lui fit un clin d'œil, et elle battit des cils pour se remettre les idées en place.
— Le rabat-joie, c'est Oleg, mon frère jumeau. Il ne sait pas différencier un bébé d'une magnifique jeune femme, mais moi si...
Les paroles de Vsevolod étaient gorgées de sous-entendus : Aukje lui avait tapé dans l'œil. Il lui proposa de la conduire jusqu'à Angus. Elle accepta. Elle frémit quand la main du jeune homme se posa dans le bas de son dos. Vraiment, vraiment bas. Elle le laissa faire. Il savoura l'instant avec délices, interprétant le frisson d'Aukje et le fait qu'elle n'éloigne pas sa main de son sublime corps comme un encouragement.
Il ignorait que dans sa tête à elle ne tournait qu'un seul nom. Et ce n'était pas le sien à lui.
Oleg Voronoff... Oleg Voronoff... Oleg Voronoff... Le sublime Oleg Voronoff...
Sibérie, 11 août 2003
Quelque part au cœur de la forêt
Asta, transie de froid et repue de fatigue, se laissa glisser contre l'écorce d'un arbre, sans se soucier de se râper le dos au passage. Les longues heures de marche, si ce n'étaient les jours, eurent raison d'elle.
Une fois de plus depuis qu'elle s'était réveillée seule, perdue au cœur d'une forêt inconnue, la panique la gagna. Elle replia ses jambes contre sa poitrine et les entoura de ses bras puis posa sa tête sur ses genoux avant de commencer à se balancer.
Les larmes ravageaient ses joues alors qu'elle tentait vainement de réchauffer son corps nu. Malgré ses efforts, elle sentait l'humidité s'infiltrer au plus profond d'elle, jusque dans ses os.
Le craquement d'une brindille la fit sursauter et elle sauta sur ses pieds, alarmée.
Un groupe d'individus là fixaient étrangement. Tremblante de peur, elle le dévisagea en essayant de reculer. Son dos heurta l'arbre et elle grimaça de douleur.
Un homme s'approcha d'elle en parlant. Elle ne comprit pas le moindre mot. Après quelques secondes, il la saisit par le bras.
Un frisson d'horreur la traversa alors qu'un terrible souvenir surgissait à la surface de sa mémoire défaillante.
Elle, en pleurs et grimaçant de douleur. Un homme au-dessus d'elle. En elle. Et un rire, moqueur et dément.
Elle hurla, l'obscurité l'enveloppa et elle s'écroula.
Annotations
Versions