Perdu

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Tout autour de vous, des murs de brume, tout autant de colonnes intangibles. Elles roulent, elles ondoient, se recomposent en arcs et en flèches, dévoilent de soudains espaces pour mieux les dérober presque avant qu’ils apparaissent. à tel point qu’il est impossible d’y trouver une issue. À moins de plonger dedans. Cela semble si simple. Pourtant, vous hésitez. Entre les chatoiements, les reflets d’une lumière absente, vous percevez comme une opacité, une forme au milieu de tout ce rien. À vos oreilles parviennent des appels lointains. Etouffés. Les mots ne traversent pas la cathédrale d’eau autour de vous, les émotions qu’ils transportent si. D’infimes gouttelettes de froid les amènent à votre peau, et à travers cette dernière, à votre être tout entier. Votre coeur bat désespérément. Il tente de couvrir vos oreilles, de vous protéger. Trop tard. Il a toujours été trop tard. Dès les premières gouttes, celles que vous n’avez pas vues, car qui remarque les premiers élans de la pluie ?

Vous perdez pied. Le sol vous a trahi. Vous lui faisiez tant confiance, pourtant. Il paraissait si solide, tout comme les murs, les objets qui vous entouraient. Disparus, eux aussi, effacés. Il n’y a plus que la brume, partout. La brume et ses échos. Des bruits de couleurs, des restes de sons presque oubliés jonchant les parois intangibles.

Elle se resserre autour de vous. Elle vous écrase de son poids. Comment des particules d’eau en suspension peuvent-elles accabler autant ? Vous voudriez la chasser. Vous voudriez fuir, vous glisser dans un interstice et disparaître. Pourtant, vous ne bougez pas. Votre corps se referme sur lui-même. Il est trop lourd, trop plein d’eau, de certitude froide. La brume vous possède, et vous ne pouvez rien y faire. Le temps s’arrête. Que pourrait-il y faire ? La brume vous suspend. Le passé qu’elle vous offre brûle tant il est froid et acéré. Le futur a disparu quelque part derrière un nuage de menace. Le froid est dans vos poumons, dans chacune de vos alvéoles.

Vous n’existez plus.

Puis quelque chose effleure votre jambe, vos cheveux. Un son, un souffle. Vous clignez des yeux. L’air vous revient. Lorsque vous tournez la tête, la brume n’est plus là. Ou plus lointaine, agrippée aux encoignures. Oh, vous la sentez toujours là, lovée au creux de votre diaphragme, mais avec un petit effort, vous parvenez à bouger, au moins un peu. Vous vous levez, vous tâtez les murs, les coussins du canapé. Ils sont là où vous les aviez laissés, égaux à eux-mêmes. Indifférents. Cela vous fait douter. Avez-vous vraiment traversé ce moment ? La brume vous a-t-elle prise ? En êtes-vous si sûre ? Lorsque vous tournez la tête, elle s’estompe, elle n’est qu’une impression au bord de vos yeux. La voilà bien inoffensive. Vous avez dû vous tromper. Regardez. De l’autre côté de vos fenêtres, le monde s’agite comme à son habitude. Vous entendez le bourdonnement des conversations quotidiennes, aussi banales que rassurantes. Si vraiment vous aviez sombré, quelqu’un l’aurait remarqué, non ? La question vous a certes déjà effleuré, mais vous l’avez repoussée. Comme vous le faites maintenant. Vous avez eu un moment de faiblesse. Vous avez exagéré. Peut-être est-ce votre côté un peu dramatique ? Une brume qui saisit les gens comme ça, ça se saurait, si ça existait. Et oui, vous ressentez toujours un peu ce froid, sous votre diaphragme, et votre respiration est un peu courte. Maintenant que vous y pensez, vous êtes trempé.

Vous avez transpiré. C’est la seule explication. Selon vos habitudes, vous secouez la tête, ou vous soufflez un peu. Il est même possible que vous haussiez les épaules. Sans prêter davantage attention à cette minuscule fêlure au creux de votre être. Elle aussi, vous l’expliquez. Les derniers mois ont été un peu difficiles, un peu pesants. Et puis elle a probablement toujours été là. Vous ne l’aviez pas remarquée, c’est tout. Vous ferez un peu attention à ne pas trop appuyer dessus et elle se refermera toute seule. Voilà. Un peu de repos vous fera du bien. Est-ce que ce n’est pas ce que tout le monde dit ? Du sport, il paraît que c’est bon, et puis aussi quelque chose pour vous changer les idées.

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