9.

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La peur de perdre un enfant anime chaque être censé sur cette terre. Elle peut vous attraper sans prévenir au moment de vous coucher, lorsque vous êtes au volant, en écoutant une histoire abominable touchant des enfants ou même au beau milieu d’une banale discussion entre amis. Mais lorsque vous vous levez pour constater que votre progéniture dort en toute plénitude, que vous arrivez chez vous et qu’elle vous saute dans les bras, toute votre énergie se focalise sur l’amour que vous leur portez et vous ressentez un tel soulagement que plus rien n’a de sens autour de vous.

Au fond de la rue, des gyrophares dansaient. Je marchais vers eux, sentant derrière moi la présence et les pas des villageois qui me suivaient à distance, curieux pour la plupart, mais aussi hantés par cette peur qui semblait s’abattre sur un autre.

Je tenais toujours mon téléphone à la main. Je n’avais pas prononcé un seul mot. Il me semblait avoir entendu l’interlocuteur plusieurs fois mais plus rien ne m’atteignait. J’avançais vers ces lumières, vers chez moi.

C’était une estafette de la gendarmerie de type Peugeot Boxer. Il n’y en avait qu’une. Je remarquai un peu de mouvement devant ma porte d’entrée. Je tentai de presser le pas mais une vague glacée avait recouvert mon corps au point de me couper les jambes. Elles pesaient une tonne. Mon cerveau n’arrêtait pas de me projeter la dernière image de mon garçon, me demandant d’aller avec les grands. Tout était clair à présent. Il s’était fait copain avec une bande durant la soirée. Probablement les mêmes qui l’avaient invité à jouer au foot l’après-midi, pendant que je montais l’armature de la tonnelle. Ils avaient voulu aller chercher ce que tout gosse aime chercher : l’aventure. Jérémie était simplement venu me demander s’il pouvait aller avec le groupe près d’un tunnel. D’un ancien tunnel. Et moi, complètement éméché, j’avais répondu oui. Maintenant, je n’étais plus saoul et je cavalais dans ma propre rue pour prendre ma sanction auprès des gendarmes. Une sanction qui ressemblerait à un appel à se rendre quelque part un peu plus loin, où je trouverai un petit drap blanc au milieu des herbes hautes. On le soulèverait et on me demanderait de l’identifier. Les choses seraient factuelles, dénuées d’émotions. « Est-ce bien votre fils, Monsieur Jobard ? Est-ce bien l’enfant que vous avez autorisé à venir ici ? »

Arrivé à hauteur de ma maison, j’étais livide.

Ils étaient deux. L’un se tenait près du véhicule tandis que l’autre sonnait inlassablement à ma porte. Le plus proche de moi se retourna après avoir rangé son téléphone dans sa poche intérieure.

— Monsieur Jobard ? fit-il d’une voix que je perçus solennelle.

Ma bouche était tordue, déformée par ma langue qui prenait toute la place. J’étais incapable de prononcer quoi que ce soit. C’est alors que je sentis mon téléphone vibrer dans ma main.

Hélène.

Des étoiles apparurent dans mon champ de vision. L’air manqua. Je décrochai et l’entendit hurler si fort que le haut-parleur satura. Puis je sentis des bras glisser sous mes aisselles. Christophe ? Thomas ? Je n’avais même plus la force de tourner la tête pour vérifier.

Le second gendarme vint à ma rencontre tandis que son collègue débloquait la porte de la camionnette. C’est alors que Jérémie bondit hors de l’habitacle et se jeta dans mes bras.

J’étais vidé.

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