La solution

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Je me souviens du moment exact où j’ai entendu le discours du chef de l'état à la télévision. C'était il y a un mois. J'étais dans un café.

« Les statistiques sont sans appel : 89 % des actes de délinquance, de rébellion et d’atteinte à l’ordre public sont commis par des sujets masculins âgés de 18 à 25 ans. Le coût social, économique et sécuritaire de cette épidémie ne peut plus être supporté. Il est temps d’agir. Il est temps de guérir. »

Le silence qui a suivi dans le café où je me trouvais m’a glacé.
Les gens écoutaient comme si c’était une condamnation, un verdict médical.
Certains semblaient soulagés : enfin, on mettait un mot sur ce problème.
D’autres détournaient le regard, crispés, notamment les garçons de 18 à 25 ans.

Le gouvernement avait trouvé un nom simple, presque élégant : la Crise des Garçons.
Et une solution tout aussi nette : les CCSEG.

C'était il y a un mois.

Pendant ce mois, on en parlait tous à la fac, on cherchait des informations, imaginait ce qui allait nous tomber dessus. Chaque conversation, chaque silence, chaque regard croisait la peur de ce qui allait commencer aujourd’hui même.

Les filles, elles, pouvaient respirer sans crainte, observer tout cela de loin, à l’abri. Même si, parmi elles, certaines se demandaient si tout ça n’irait pas trop loin, notamment celles qui avaient un frère ou un petit ami concerné. Nous, en revanche, savions que notre vie allait basculer. Et ce n’était pas seulement les fauteurs de trouble, ni ceux qui se rebellaient ou commettaient des erreurs. Non. C’était tout le monde. Chaque garçon, sans exception.

Un Centre de Contrôle, Sanction et Encadrement des Garçons, un CCSEG, avait été implanté dans chaque district. Deux objectifs annoncés, presque fièrement : la prévention, en encadrant chaque garçon pour l’empêcher de faire la moindre « bêtise » ; et la répression, avec une réponse disciplinaire immédiate au moindre écart.

Le CCSEG n’était pas un établissement scolaire. Non, c’était une sorte de police spéciale, réservée aux garçons. Chaque garçon se verrait assigner un Officier de Suivi et de Discipline, un OSD. Un tuteur imposé, chargé de nous surveiller. Et surtout, de ce qu'on avait compris, cet homme aurait tous les droits pour nous punir.

On n’avait pas encore tous les détails.
Et c’était peut-être ce flou-là, cette menace suspendue, qui nous terrorisait le plus.

Nous avons tous reçu une carte attribuée par le CCSEG. J'ai reçu la mienne la semaine dernière.
Un petit rectangle plastifié avec ma photo, le logo du CCSEG et quelques informations :

Nom : Vidal
Prénom : Clément
Numéro : 120‑4811.
OSD : K. Mendez.

Un morceau de plastique qui annonçait un changement dans ma vie.

Trois règles étaient maintenant gravées partout sur des panneaux métalliques :

Convocations régulières obligatoires.
À l’aube, les files devant les CCSEG s’étireraient.
Des garçons debout, immobiles, cartes en main, crispés par l’angoisse.

Tolérance zéro.
Une erreur, une sanction.
Plus d’avertissement. Chaque geste pouvait être noté, corrigé, puni.

Contrôles.
Rapports, agents d'inspection, visites surprises…
On ne savait jamais ce qui serait évalué.
Mais le système savait tout.

Les affiches recouvraient les façades :
LES CCSEG : POUR VOTRE SÉCURITÉ. POUR LEUR STABILITÉ.

Elles claquaient au vent comme un avertissement métallique.
Et dans chaque regard que je croisais, je voyais la peur et la tension.
Nous ne craignions plus ce que nous avions fait.
Nous tremblions pour ce que nous allions devenir.

Je savais que la discipline allait s’abattre sur nous, impitoyable, stricte, totale.
Et pour les filles, rien. Rien que la liberté de regarder, de sourire, de respirer.
Nous, les garçons, allions apprendre à nous tenir droits.

Les CCSEG entraient en vigueur ce matin.

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