Rencontre avec l'OSD
La porte blindée se referma derrière moi avec un claquement métallique qui résonna longtemps dans mes oreilles. L’air à l’intérieur était sec, plus froid que dehors. Le hall s’étendait devant moi, immense, nu, éclairé par des néons blafards qui faisaient ressortir chaque fissure du carrelage. Mes pas résonnaient, se multipliaient, chaque bruit amplifié par le silence oppressant.
À gauche, une longue rangée de bancs métalliques accueillait des garçons silencieux. Certains avaient les épaules affaissées, d’autres raides et tendues. Tous fixaient le sol ou les murs, évitant de croiser un regard.
Je m’assis sur un banc, ma carte CCSEG serrée dans la main. Mon souffle se fit court, mes mains moites sur le plastique de la carte. Le temps semblait s’étirer, chaque seconde pesante, chaque mouvement des caméras amplifiant le poids dans ma poitrine.
Puis mon numéro apparut sur l’écran : 120‑4811. Le bip retentit, froid et mécanique.
Et l'indication : Salle F.
Je me levai, le cœur battant, et marchai vers la porte F. Je franchis la porte.
Un homme grand, en uniforme gris impeccable, se tenait derrière une table métallique nue, hormis un dossier ouvert. Son regard méthodique me jaugea de la tête aux pieds, notant chaque tension dans ma posture.
— Clément Vidal ?
— Oui, monsieur.
Je restai debout, mains crispées sur mon jean. Aucune chaise ne m’était destinée. Même immobile, chaque seconde semblait peser sur moi. La peur me nouait l’estomac.
— Je suis l'OSD Mendez, c'est moi qui suis chargé de ton encadrement.
Il referma légèrement le dossier et fit un pas vers moi.
— Déshabille-toi.
Un frisson me parcourut. Je sentais le poids de son autorité, glaciale, intransigeante. Mes doigts se crispèrent sur le bas de mon jean.
— Tout ? murmurai-je, la voix tremblante.
— Tout, répondit-il, impassible.
Mon cœur s’accéléra. Chaque mouvement devint une épreuve. Je retirai pull et t-shirt, dévoilant ma poitrine tendue. La lumière crue accentuait chaque tremblement, chaque frisson.
— Dépêche-toi.
Je défais mon pantalon et mes sous-vêtements, conscient de chaque geste, de chaque instant d’exposition. Complètement nu, mon regard se baissa, mes mains se positionnèrent instinctivement pour me protéger le sexe, et je sentis l’humiliation me traverser tout entier.
— Mains le long du corps, dit Mendez, sec.
J'obéis,
Il s'avança, fit tourner mon corps, inspecta mes épaules, mes bras, mes jambes. Ses mains palpèrent mes muscles avec la précision clinique d’un examinateur.
— Première année à l’université… sciences sociales. Pourquoi ?
— Je… j’aime comprendre les comportements humains… répondis-je, hésitant.
Il hocha la tête, griffonnant quelque chose dans le dossier.
— Tes habitudes quotidiennes : heure de lever, alimentation, temps passé à étudier.
Mon malaise grandit. Chaque question était intrusive, mécanique, impossible à esquiver.
— As-tu des amis proches ? Fréquentes-tu des groupes sociaux ?
— Oui… quelques-uns…
Et les questions fusèrent. Plus indiscrètes les unes que les autres.
— Quels sports pratiques-tu ?
— Je vais à la piscine… parfois.
— Parfois ?
— Oui… quand j’ai le temps…
Il fronça les sourcils, notant quelque chose.
— Il faudra remédier à cela. La condition physique c'est important.
Puis il me fit avancer vers la balance, son regard toujours glacial.
— Pieds ici. Respire normalement.
Je montai sur la balance, haletant, chaque chiffre enregistré dans un bip métallique froid. Ensuite il sortit un mètre et prit mes mensurations, mes bras, mes jambes, mon torse. Chaque contact était une piqûre de conscience : je n’étais rien d’autre qu’un corps évalué, jugé, mesuré.
— Pompes. Montre-moi combien tu peux en faire.
Je me mis en position. Chaque mouvement semblait peser une tonne. Les muscles chauffaient, chaque fibre brûlait, chaque seconde semblait durer une éternité. Le néon au-dessus de moi éclairait chaque goutte de sueur perlant sur ma peau, chaque contraction visible.
— Encore, ordonna-t-il.
Vingt, vingt et une, vingt-deux… à la vingt-troisième, mes avant-bras cédèrent. Je m’effondrai lourdement sur le sol, haletant, le visage contre le carrelage froid. Mon corps entier tremblait sous la fatigue, et je sentais le jugement glacé de Mendez peser sur moi, impassible, notant chaque secousse, chaque gémissement étouffé.
— Condition physique insuffisante, dit-il, sec. Tu seras inscrit à un programme obligatoire. Deux heures de sport au stade central, tous les jours, du lundi au vendredi.
Je hochai la tête, incapable de parler, le souffle court, les muscles brûlants. La tension, la gêne et l’exposition totale m’avaient marqué. Chaque geste, chaque contact, chaque inspection glaciale m’avait rendu plus conscient de mon corps que jamais.
— À quelle heure commencent tes cours ? demanda-t-il.
— Aujourd'hui à 14h00, les autres jours à 8h30, monsieur.
— Très bien. Tu te présenteras tous les jours au stade central à 5h30 pour deux heures de sport. Cela te laissera une heure pour te doucher, manger et rejoindre tes cours. Cela commence demain. Pas de retard. Compris ?
— Oui… monsieur.
Il nota quelque chose dans le dossier et fit un signe sec de la main.
— Tu peux te rhabiller. Et que ce soit rapide.
Je me relevai, le corps encore tremblant, le visage rouge, le souffle court. Chaque vêtement enfilé semblait une victoire fragile, mais je savais que ce n’était qu’un répit. La discipline venait de frapper, froide, brutale et inévitable.
Et la première règle venait d’être appliquée : convocations régulières obligatoires.

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