Un pas après l'autre
Je marchais lentement vers chez moi, encore englué dans ce qui s’était passé ce matin. Une lourdeur s’était logée dans ma poitrine, un poids dense, muet, impossible à secouer.
Quand j’entrai, ma mère était dans la cuisine. Elle leva les yeux de son livre, son expression indéchiffrable.
— Alors, comment ça s’est passé ?
Je hochai la tête. Un « bien » automatique, presque réflexe. Je n’avais aucune envie d’évoquer l’incident dans le bus, ni les séances de sport obligatoires. Pas aujourd’hui. Pas maintenant.
Elle comprit que quelque chose clochait, elle comprend toujours, mais ne posa pas de question. Elle se contenta de me regarder quelques secondes, comme si elle attendait un mot. Je détournai les yeux, mal à l’aise.
Je montai chercher mes affaires pour aller à la fac : trois heures de cours cet après-midi. J’enfilai des baskets. C’était devenu une évidence, presque une extension de moi maintenant. Un mois à courir ou à marcher vite tous les jours… Ce n’était pas la fin du monde, non. Juste un nouveau morceau de liberté qu’on me grattait sans prévenir.
Je pris quelque chose à manger, vite, puis je ressortis. Je passai devant l’arrêt de la ligne que j’aurais dû prendre, le dépassai et continuai à marcher... Je suis puni.
Pendant ma marche, un bus me dépassa en grondant. J’aperçus des camarades de socio, affalés sur leurs sièges, l’air détendu. Moi, je marchais, mes pas cognant sur le trottoir sous un ciel gris. Une heure de ça. Une heure à cogiter.
Quand j’arrivai enfin sur le campus, j’entendis déjà les discussions. Les garçons parlaient de leurs entretiens avec l’OSD, tous plus nerveux les uns que les autres. Les filles, regroupées en îlots, les écoutaient, certaines un peu trop curieuses, presque voyeuses dans leurs sourires discrets.
Je les entendais, mais sans vraiment écouter. Tout semblait trop loin de moi, comme si je retournais la tête sous l’eau.
Quelqu’un m’appela. Je fis semblant de ne pas entendre. Pas envie. Pas maintenant.
Je filai directement vers l’amphi, montai tout en haut et m’installai là où personne ne viendrait me déranger. Je posai mes affaires, fermai les yeux quelques secondes. Inspirer. Expirer. Faire le vide. Ou essayer.
Le cours commença, et je me raccrochai aux mots du prof comme à une bouée. C’était toujours plus facile de ne pas penser quand on me donnait quelque chose à suivre. Même n’importe quoi.
Trois heures plus tard, mon bloc-note était rempli. J’avais promis de réviser avec Sam, Lucas et Mehdi, mais rien que l’idée de parler me vidait. Je rentrai donc chez moi, en marchant.
Une fois rentré je travaillai seul, enfermé dans ma chambre.
À 19h00, je dinai en vitesse. Je ne voulais pas me coucher tard. Demain, il fallait se lever tôt pour courir jusqu'au stade central. C'était ça, la réalité : devoir partir à 4h15 pour y être un peu avant 5h30. Putain… ça voulait dire me lever à 4h00. Une dinguerie ce truc. Mais il fallait le faire. Il n’y avait pas d’autre choix.

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