Entre deux bips

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La course du stade vers la fac était difficile. J'étais épuisé. Les muscles en feu, le souffle court. Putain, est-ce que je devais simplement marcher ? Laisser tomber la course et arriver en retard au TD ? Un peu de retard, ça passerait, non ?

Mais… non. J'avais bossé, j’avais révisé. Le TD était important. Il fallait que je sois là, à l’heure.

Alors, je continuai à courir, les pieds frappant le pavé à un rythme trop rapide pour mes jambes épuisées.

C’était un TD de socio sur l’École de Chicago. Ça me parlait. L'analyse critique, l’écologie humaine, la désorganisation sociale. J’avais bossé ce truc, je le connaissais sur le bout des doigts. Il fallait que j’y sois. À l’heure.

Je bifurquai sur la dernière rue avant la fac. Finalement, j'arrivai juste à temps dans la salle de TD. La cloche avait à peine sonné. Je trouvai une place au fond, au coin, comme d’habitude. Je posai mon sac et m’assis, à bout de souffle, mais là. J’étais là.

Quelques minutes plus tard, l'enseignante entra dans la salle. Elle distribua un article de 1925 de Burgess et McKenzie. Mon cœur fit un petit bond. Ce texte-là, je l’avais déjà bossé. Je savais exactement ce qu’il fallait repérer, les concepts clés. J’avais tout ça en tête. Je commençai à lire, une légère pression disparut, je me sentis prêt.

Je m’apprêtais à lever le stylo quand, soudain, on tapa à la porte. L'enseignante ouvrit. Deux hommes habillés en gris lui parlèrent quelques instants. Des contrôleurs du CCSEG. Ils entrèrent. Mon regard se figea. Putain, mais qu’est-ce qu’ils foutaient là, ceux-là ?

L'enseignante, sans se laisser perturber, nous regarda et nous dit d’une voix calme :
— Ces deux personnes travaillent pour le CCSEG, comme vous le savez, c'est un nouveau dispositif mis en place hier. Ils sont là pour un contrôle aléatoire. Ils vont scanner les cartes des garçons présents pour identifier ceux qui ont séché le TD. On va faire ça vite, pour ne pas perturber le TD. Alors, les garçons, sortez vos cartes.

Il y eut un silence lourd dans la salle. Les contrôleurs se déplacèrent lentement dans les rangs, et on entendit un bip après l’autre. Je serrai les dents. Putain, heureusement que j'avais couru pour être à l'heure.

Alors que les contrôleurs avaient presque fini de scanner les cartes, un groupe de cinq étudiants arriva en retard. Deux garçons et trois filles. Ils entrèrent précipitamment, jetant des regards surpris dans la salle. Les contrôleurs se tournèrent immédiatement vers les deux garçons.

— Retard ou absence, peu importe. Le tarif est le même. C’est une infraction de niveau 1. Alors, pas besoin de scanner vos cartes. Vous serez convoqués par votre OSD pour une sanction.

Les contrôleurs se contentèrent de tourner les talons, leur travail fait, et quittèrent la salle sans un mot. La porte se ferma avec un claquement sec. Le groupe de retardataires s’assit. Les deux garçons étaient sidérés, leurs visages rouges. L'un des deux garçons était Sam, un pote.

La troisième règle venait d'être appliquée : les contrôles.

La tension dans la salle retomba et l'enseignante reprit, comme si rien ne s'était passé. Elle distribua un autre extrait et commença à expliquer :
— La ville est un laboratoire où l’on peut observer les processus de compétition et d’adaptation qui régissent la vie sociale, tout comme les lois de la nature régissent le monde animal.

Elle marqua une pause, puis regarda la salle, attendant une réponse.
— Comment les auteurs comparent-ils la ville à un écosystème ?

Je me concentrai sur le texte. Les mots s'enchaînaient devant moi, je les lus avec attention, je m'efforçais de les comprendre. Le contrôle du CCSEG, les sanctions, tout ça, j’essayai de ne pas y penser.

Mais Raph, c’était plus difficile de ne pas y penser. Je ne savais pas pourquoi il me hantait autant. Je regardai mon cahier, je relis une phrase une fois, deux fois. J’essayai de suivre le raisonnement des sociologues de l’École de Chicago, mais ma concentration partit en lambeaux. C'était son visage qui m'apparaissait chaque fois que je fermais les yeux. Son regard bleu, son torse sculpté, sa verge, chaque muscle qui semblait avoir été façonné dans une perfection sans effort.

Mon cœur s’emballa. C’était con, mais c’était comme ça. Chaque fois que je pensais à lui, je sentais cette chaleur monter dans ma poitrine, une chaleur gênante, presque intime. Comme si cette attraction devenait plus réelle, plus envahissante.

Je me forçai à respirer, je tournai une page du texte. Je devais vraiment me concentrer sur les cercles concentriques de Burgess, sur la manière dont il décrivait les dynamiques de pouvoir et les tensions sociales dans les villes. C’était important. Le TD était important. J’avais bossé ce cours. Mais il y avait toujours cette distraction, ce poids dans ma poitrine. Mes pensées s’égaraient, et tout ce que je voyais, tout ce que je ressentais, c’était lui.

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