Au rythme de l'effort
Jeudi 4h00.
Je me levai en sursaut, le corps engourdi, avec des courbatures partout. Je m’étirai, pris une inspiration profonde, et me préparai à partir.
Je courus vers le stade central.
J’arrivai à 5h15, un peu plus tôt que d’habitude. Peut-être que j’avais gagné en vitesse. Tant mieux.
Pas question d’être en retard, de toute façon.
Je tendis ma carte à l’homme à l’entrée. Il la scanna, sans un mot.
Bip.
Il m’indiqua qu’aujourd'hui, on devait aller en salle de muscu au sous-sol, pas sur le stade. Je partis dans les escaliers.
Lorsque j’arrivai en bas, la salle était presque vide. Je fus le deuxième à arriver. Le premier était Raph. Il était déjà en tenue, assis sur un rameur, à attendre, immobile.
Le coach me donna un short et un t-shirt et me dit :
— Mets-toi en tenue et vas te mettre sur un rameur.
Je me changeai rapidement, puis je m’avançai vers les rameurs. Raph était sur l’un d’eux. Les neuf autres étaient libres.
Je me demandai un instant : Est-ce que c’est bizarre de me mettre à côté de lui ?
Putain, mais j’avais trop envie. Pourquoi ce serait bizarre, après tout ?
Je décidai de le faire.
Je m’approchai, le cœur battant un peu plus fort.
— Salut Raph, ça va ?
— Salut Clément, oui.
Je souris et je m’installai à côté de lui, le regard glissant sur son corps.
Les autres garçons arriverèrent et se changèrent en silence. Ils n’avaient pas plus envie que moi d’être là, mais tout comme moi, ils n’avaient pas le choix. Chacun prit sa place sur un rameur.
5h30. Le coach donna l’ordre de sélectionner le programme 4, une durée de 120 minutes d'entrainement, et de commencer.
Nous commençâmes à ramer.
Raph bougeait avec une facilité déconcertante. Ses bras, impeccablement sculptés, se couvraient d’une légère brume de sueur sous les néons blafards. Il était d’une précision presque hypnotique.
— J’ai pas l'impression que tu aies vraiment besoin de renforcer ta forme physique. Qu’est-ce que tu fous là ? lui dis-je en riant.
Il tourna brièvement la tête vers moi, un sourire en coin sur les lèvres.
— Lors de l'entretien avec l'OSD le premier jour, j’ai voulu faire de l’humour et ça ne m’a pas réussi.
Je fronçai les sourcils, sans comprendre. Il poursuivit :
— L’OSD m’a demandé si je faisais du sport. J’ai répondu : « Juste un petit peu… Je suis en deuxième année de STAPS. » En STAPS, tu passes ton temps à en faire, tu vois. « Juste un petit peu », c’était une façon de parler, une vanne. J’ai pas voulu lui manquer de respect, mais il l’a mal pris. Il m’a balancé que « juste un petit peu », c’était pas suffisant, et que je devrais me pointer au sport tous les matins à 5h30.
— Putain… je lâchai, à court de mots.
— Le sport, ça ne me dérange pas, j'aime ça... mais me lever tôt, ça me fait chier. Alors la prochaine fois, je répondrai sans faire d'humour. Oui, monsieur. Non, monsieur. C’est comme ça qu’il faut faire si on veut pas avoir d'ennuis.
Je souris, un peu gêné.
Puis Raph continua, plus calme :
— Et toi, tu es à la fac ?
— Oui, en première année de sciences sociales.
— Ça te plait ?
— Oui. Franchement, ça me plaît bien. J’y suis allé un peu au feeling… Je voulais un truc qui me parle, qui ouvre un peu l’esprit. Et toi, STAPS, c’est comment ?
— J’adore, répondit-il sans hésiter.
— Tu veux faire quoi ?
— J’hésite… prof de sport, peut-être. Ou coach en club.
Je ris légèrement.
— Sinon, j’ai entendu dire que le CCSEG cherche des coachs pour faire chier les jeunes à 5h30 le matin.
Raph éclata de rire.
À ce moment-là, le coach hurla :.
— Eh 120-4811 et 120-2733, vous la fermez et vous vous concentrez sur le rameur, pigé ?
Un silence passa, juste un instant, avant que Raph ne réponde avec un clin d’œil.
— Oui, coach.
Il se remit à ramer avec une intensité nouvelle, presque délibérée. Et moi, je ne pouvais détacher mes yeux de lui, admirant les muscles de son dos qui se dessinaient sous son t-shirt, chaque mouvement accentuant leur relief.

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