Sous le poids du silence

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Je pris le chemin de la maison. Chaque pas rallumait la douleur, comme si la pagaie continuait de s’abattre sur moi, encore et encore. Une brûlure qui ne s’éteignait pas, profonde, infiltrée dans la chair. Mes muscles se tendaient, mes jambes tremblaient. Je marchais lentement, la tête baissée, les poings serrés dans les poches.

La lumière du soir me semblait lointaine, presque irréelle. Je ne voyais plus les passants ni les voitures, seulement le rythme sourd de la douleur qui battait dans mes reins, comme un second cœur.

Quand j’arrivai à la maison, ma mère était dans le salon. Elle leva immédiatement la tête. Son regard inquiet se posa sur moi. Elle sentait bien que quelque chose n'allait pas depuis lundi. Et ce soir, c'était pire.

— Clément… ça va ?

Je hochai simplement la tête. Ma gorge se serra. Les mots remontèrent mais s’étranglèrent avant d’atteindre ma bouche. Ce n’était pas que je refusais de parler. C’était juste… impossible.

Comme si ce qui s’était passé là-bas appartenait à un autre monde, un monde interdit aux mères. Un monde qui n’avait rien à voir avec ces mains qui remontent un col pour éviter un coup de froid, même à dix-huit ans. Comment lui dire qu'ils m'avaient battu avec une pagaie ? Comment lui avouer la douleur, le hurlement qui avait déchiré le silence ?

J’avais peur que les mots salissent tout, qu’ils déposent une trace que je ne pourrais plus effacer. Si je disais quelque chose, elle saurait. Elle saurait qu’ils m’avaient humilié, qu’ils m’avaient brisé, qu’ils m’avaient fait mal d’une manière que je ne pouvais même pas nommer.

Et je ne voulais pas ça. Je ne voulais pas lire de la pitié dans ses yeux, ni la voir imaginer ce qu’ils m’avaient infligé. Je préférais qu’elle me pense fermé plutôt que détruit. Parce que si elle comprenait vraiment… je ne suis pas sûr que je pourrais encore me regarder.

— Oui, ça va, murmurai-je.

Elle voulut insister, mais je détournai le regard. J'allai dans ma chambre, chaque pas rallumant l’incendie dans mes fesses.

Ce n’était pas ma faute, je le savais. Elle me l’aurait dit, elle me l’aurait répété. Mais j’avais honte quand même. Honte qu’elle découvre ce que j'avais subi.

Je refermai la porte avec une lenteur presque douloureuse. Puis je me laissai tomber sur le lit, à plat ventre. Le drap, rugueux et frais, râpa ma peau meurtrie, et je suffoquai sous la vague de douleur.

Je restai immobile, le visage enfoui dans l’oreiller. Le silence vibrait dans mes oreilles, épais, oppressant, comme un poids qui m’écrasait contre le matelas. J’aurais voulu pleurer, mais aucune larme ne venait. Elles restaient coincées, comme retenues par quelque chose que je n’arrivais pas à déloger.

Il ne restait plus que la brûlure. La douleur persistante, ce feu tapissé sous ma peau. Elle m’empêchait de respirer normalement, d’ordonner mes pensées. Elle se mêlait à la honte, cette boule dans mon ventre que je ne savais pas mettre en mots.

Et puis, au milieu de ce chaos, un éclat de lumière : le sourire de Raph.
Dans le vide, dans le silence, il demeurait.
Suspendu là, entre deux battements de cœur, comme la seule chose qui ne faisait pas mal.

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