[Partie I - La Providence ] Chapitre 7 : Libère-toi

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Chapitre 7 : Libère-toi


Lony, qui avait lui aussi perdu son combat face à Lioth, sans toutefois que son égo n’en ait été affecté, se dirigea vers sa complice pour la rassurer :

– Super combat. Bravo…

– J’ai perdu !

– Je sais mais ça n’empêche que tu as super bien combattu. Moi aussi j’ai perdu mais ça n’avait pas la même gueule ! Lony laissa échapper un rire forcé comme pour essayer de détendre l’atmosphère.

– Perdre c’est le destin des ratés et des loosers. Je ne suis pas une looser…

– Oui bon il ne faut pas exagérer non plus. Arrête de faire ta diva. Il vaut mieux perdre aujourd’hui dans cette salle que demain dans…la vraie vie !

– La vraie vie ? Et on vit quoi au juste ici ? Une vie factice ? Et puis, tu ne crois pas que cette shlab d’Anna ne va pas se pavaner après cette victoire ? Qu’est-ce que tu peux en dire des conneries…

– Oh tu m’emmerdes Su.

Lony, vexé et à bout, se retira dans les vestiaires afin de se changer et couper court à cette discussion qu’il savait stérile. Alekseï se dirigea vers Sulina afin d’essayer d’apaiser cette dernière et de désamorcer son caractère sulfureux. Il lui expliqua alors les bienfaits de la défaite mais aussi de la force acquise par ceux qui apprenaient à surpasser l’altération de leur égo. Sulina écoutait mais ne parvenait pas à relativiser sa défaite bien que le discours de son maestro ne pouvait paraître que cohérent et fort de sens. Elle prenait conscience, au cours de ces épisodes, de sa fragilité et du problème que soulevait cette peur de l’échec sans pouvoir pour autant en identifier l’origine.

– Tes sens doivent être tout entier tournés vers ta survie. Libère-toi de ces questions ou égarements qui ne feront que te nuire. Et lorsque tu te retrouveras en grande difficulté et que tu gouteras à l’échec, le vrai, n’oublie pas ce que tu auras appris ici. Ceux qui t’auront vaincue une fois se montreront à leurs tours vulnérables. Il faudra libérer ton esprit, te transformer en prédateur pour guetter ce moment et prendre ta revanche, faute de quoi tu seras perdue pour de bon.

Sulina n’oubliera jamais ces quelques mots que lui prononça alors Alekseï qui semblait satisfait de la manière dont s’était déroulé son enseignement. La victoire d’Anna sur sa rivale donnait aux propos du maestro une résonnance particulièrement solennelle et pleine de sens.

A l’issue de cet entretien, elle se rendit dans les vestiaires dans l’espoir notamment de retrouver, en vain, Lony avec lequel elle s’était comportée de manière sinon cruelle au moins immature. Elle revêtit sa tenue sans oublier « la ceinture de survie » comme l’appelait les enfants et adolescents de la Providence. Il s’agissait en fait d’une ceinture noire individualisée en imitation cuire à crans verts fluorescents et phosphorescents à laquelle était accroché le Smartcom de chaque individu. Cet appareil, dont nos tablettes actuelles étaient les cousines éloignées, était délivré par la Direction et son port très vivement conseillé, du levé au couché, dès l’âge de 8 ans afin de permettre une communication en temps réel et individualisé à tout moment de la journée. Des informations générales étaient également diffusées concernant la vie dans l’établissement mais aussi celle au-delà des murailles.

Certaines applications aux fonctions variées étaient installées afin de permettre aux pensionnaires de jouer, se cultiver, écouter de la musique, faire travailler leur esprit d’imagination et même de discuter virtuellement avec leurs partenaires, de manière très contrôlée, uniquement à certains moments de la journée afin de limiter tout abus d’utilisation. La communication avec l’intelligence artificielle développée par le royaume permettait, quant à elle, de répondre aux questions les plus diverses.

Le Smartcom était lié virtuellement et individuellement à la Smartch (diminutif de Smart watch entré dans le langage courant), une petite montre souple et discrète, placée au poignet de chaque individu afin de garantir la communication d’informations mais également une diffusion immédiate des messages dont certains pouvaient s’avérer urgents. Une codification informait les pensionnaires du degré d’importance de l’information communiquée. Le port de la Smartch était obligatoire jour et nuit. Tout enfant ou adolescent découvert sans sa Smartch était directement sanctionné.

La Direction accordait énormément d’importance à toutes ces mesures de sécurité qu’elle avait décrétées, participant ainsi très largement à cette atmosphère de paranoïa ambiante.

Le cliquetis de la ceinture de survie de Sulina résonna dans le vaste vestiaire vide déshumanisé. L’adolescente s’empara de son sac avant de quitter cet endroit lorsque son départ fut interrompu par le bruit sourd d’un objet lourd qui semblait être tombé dans la salle d’enseignement. Sulina se retourna instinctivement vers la source de bruit identifiée et s’approcha de la salle d’entrainement afin de vérifier ce qu’il s’y était passé.

Arrivée à l’embrasure de la porte, elle aperçut alors Alekseï, le maestro, soulever des haltères d’entrainement. Le visage crispé de ce dernier, les gouttes de transpiration qui perlaient sur les parties dénudées de son corps, trahissaient l’effort surhumain auquel l’homme était en train de se livrer. Sulina était admirative, elle qui vouait un culte quasi religieux à la notion de dépassement de soi. Elle semblait comme hypnotisée par l’image de cet homme qui, face à sa propre souffrance, luttait et parvenait à prendre le dessus sur la fatigue. L’esprit de Sulina s’évada dans les confins de son imagination alors que le spectacle du Maestro défiant sa propre souffrance se déroulait en arrière-plan. Etre guerrier, combattre, se surpasser, affronter ses pires craintes et le danger…la vérité se cacherait-elle dans ces comportements ?

Alors que l’attention de Sulina était ailleurs sa Smartch se mit à chanter ce bruit déshumanisé et métallique, hélas familier, qui rompit la sérénité sauvage dans laquelle les deux protagonistes étaient plongés.

La jeune fille sursauta et retira instinctivement sa tête de l’entrebâillement de la porte afin de ne pas être surprise par Alekseï. Ce dernier, distrait lui aussi par le son de la Smartch arrêta ses exercices pour se diriger vers les vestiaires :

– Qui est là ?

La jeune femme, embarrassée, se précipita de manière désorganisée vers la sortie du vestiaire abandonnant dans sa fuite le foulard couleur turquoise qu’elle avait l’habitude de porter. Sulina se mit à courir dans les couloirs pour échapper à celui qu’elle espionnait. Très rapidement elle parvint à rejoindre ses camarades réunis dans la salle de détente et notamment Lony qui s’affairait à démêler les fils du casse-tête à succès, le Ligato.

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