86. Plût au ciel, pet de volcan

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Non, non, rien à voir, vraiment. Évasion d’offrandes en cours. Aucune raison de s’alarmer. Regardez plutôt dehors. Là il y a de quoi.

Ceux parmi la barbaque qui avaient eu la chance de boire le trompe-la-mort contrefait guidaient les faces-de-cire. Chacun sa compagnie de zombies et en route mauvaise troupe ! Jilam orientait Motus, Mú guidait Jilam, et Motus, avec l’aide des lieutenants promus parmi ceux dont la lumière palpitait encore aux étages, dirigeait le troupeau apathique de gens anciens : fées, elfes, lutins – plus quelques trolls, un couple de centaures ; le pégase s’était envolé, certainement boulotté en hors-d’œuvre, mais le minotaure était toujours là pour arpenter le labyrinthe en leur héroïque compagnie.

Les trognes tirées par ces dames et messieurs du château, démons mal-cornus et démonifées décoiffées, lorsque le détachement hétéroclite émergea dans le grand hall embrasé, de ses flamboyants canaux et rutilants lustres en rubis. Aussitôt nos monstres détalèrent vers l’entrelacs de nœuds d’escaliers. L’appétit leur était passée semblait-il. Pas même un dernier repas avant d’y passer. C’est que la peur remue le ventre. Le volcan peut vous le dire. Nul parmi les démonidés béats ou affolés ne chercha à les arrêter quand ils s’attelèrent à ouvrir les énormes portes en bronze forgé. Pétris de leur propres craintes, ils n’en avaient plus pour l’évasion de leurs précieux garde-manger, qui de toute évidence s’en allait au devant d’un autre type de banquet.

Car dehors toutes les formes du trépas étaient à portée. Un seul pas suffisait pour trébucher dans l’au-delà. L’au-delà en question étant l’absolu néant. Néant auquel le trompe-la-mort, bénéfique pour une fois, réduisait le risque de panique chez les esprits trépanés. Sergent Motus gueulait de sorte à insuffler une solide dose de sang-froid à ses aides de camp, aux mines toutes grises quelque fût son espèce.

« C’lui qui détale tout seul d’vant l’griffon finit couillon dans ses griffes. C’est c’qu’on dit de par chez moi. Quand t’as des ailes qui cachent le soleil, tu files avec les autres du clan et tu fais un gros rond bien serré pour pas qu’l’emplumé te chope un marmotton dans sa pluche. »

Il lui fallait dépenser tout le contenu de son coffre de voix pour se faire entendre, entre la terre qui gargouille, le ciel qui mugit, craquètements d’éclairs, tambours de serakils, lacérations de félidés et piaillements de fées et démons. Mais l’impensable spécimen au pelage si atypique, sous ses faux airs de rongeur mal luné, en détenait un sacré, de coffre sonore, assez large et profond pour couvrir les sanglots d’un monde à l’agonie et les vagissements d’une ère nouvelle.

« Putois v’là l’griffon qui radine ! Tous en rond les marmots, allez fissa ficelle ! » Et les offrandes d’obéir sans gémir aux ordres de Motus répétés par ses perruches de sous-fifres. Alors que Jilam quêtait encore le soi-disant griffon au milieu du ciel surchargé, Mú, lui, l’avait senti malgré le bazar d’odeurs. Les griffons, ça le connaissait. Ils gavaient sa mémoire génétique et gravaient son instinct d’espèce. On ne furète pas quand il pleut des plumes : proverbe de mustélidé ! inscrit dans les gênes de tout fauve et fauvette. Dès que ça hume le rapace, on se déniche fissa une crevasse et on s’y tient jusqu’à ce que le soleil mange les ombres.

Mais quid de griffon, ça, ça n’en était pas. Parole de Mú !

Non, prenez plutôt un sphinx !

Le mythe volant se posa dans un tonnerre de vibrations, la terre grogna sous le raclement des énormes griffes, véritables ergots à l’avant et pattes d’ours à l’arrière.

« Quelle belle brochette que voici ! » gronda le poseur d’énigme tout en penchant sa truffe canine sur le cheptel d’offrandes évadées. Sa bouille de chat solennel mélangée à une mine joueuse de chien évoquait chez Jilam un masque mortuaire rieur ; jusqu’aux yeux de gemmes, saphirs sans pupilles, fendues ou rondes. « Le ciel crachote, la terre crapote ! Curée d’ombres, orage de feux et mêlée de rocs ! Petite chair qui gambade, frétille dans l’huile de montagne ! Un festin pour le Sphinx ! »

Ça y’est, c’est la fin. Cette pensée traversa Jilam comme une lame ou un fantôme.

« Mais de prime abord, une énigme ! avant d’entamer Notre repas. » Et le monstre pipelet de poursuivre : « Que les valeurs se perdent en ces temps sauvages ! Mais il demeure encore quelques bonnes manières à perpétuer. C’est là tout le piment de la civilité ! Allons, frêles insignifiances, ouvrez grandes vos esgourdes ! car Nous ne Nous répéterons pas ! » Ronronnement tonitruant mixé au crissement tordu des ongles sur le minéral. « Démons courant ! Démons galopant ! Démons sautillant ! Démons pleurant, des larmes bleues, vertes ou mauves ! Démons geignards ! Bambins centenaires ! Démons suppliant ! Qui ? Eh oui, à qui donc s’adresse la prière du démon ? »

Coup de tonnerre ponctuant sa question sans tête mais queue battant le chronomètre. Moment de latence. Jilam se triturait encore ses méninges lavés, rescapés du déluge quand un lutin malingre s’avança, boitillant d’effroi. Le jeune homme se le rappelait. Un brave vieux, un peu gauche, le bras droit mort et donc manchot. Il s’était présenté quand les autres se taisaient. Foch, Fich ? Froch ? – Jilam se tâtait – osa une réponse maline, que le vacarme mangea. Vermisseau s’adressant au moineau, l’audacieux se larva.

« Qu’oyons-Nous, petit être plus bas que terre, tes drôles d’oreilles remuent mais les Nôtres sont pleines de grésillons, ronronna le sphinx par-dessus le chaos sonore, arrière-train campé sur ses grosses pattes d’ursidé, crinière de lion penchée, ergot de coq en éventail autour de ses oreilles de chaton – ce n’est pas celui que nous avons croisé à l’aller, songea Jilam. Tes grimaces sont amusantes mais ne Nous suffisent pas. Allons, un peu d’effort, imagine que ta vie misérable est en jeu ! » Serres devant la gueule pour étouffer un rot, plutôt un rire. « Oh, mais c’est vrai, elle l’est ! »

Le pauvre lutin martyrisé s’effondra en sanglots, réponse – correcte ou non – brisée dans sa gorge. Jilam, à genoux, saisit Mousse qui se lova dans ses bras, tandis que Motus s’en allait pour consoler la victime éplorée, et tout en la couvant de sa trogne velue et jaune de castor s’adressa à l’orgueil fait chair : « Bibi l’a pô ta réponse, mé l’a une question en échange ! Qué t’en dit machitruc kek’tu es ? J’te la pose ? » Aucune once de trouille dans son trémolo, seulement dû à la colère.

Un collier de crocs nacrés cueillit la bravade. « Amusant ! Nul de Nos éphémères disciples avant toi n’avait jamais osé Nous poser la moindre énigme en retour des Nôtres ! » Cruels saphirs hautains vissés sur Motus. « Eh bien, soit, questionnes-Nous donc ! Nous t’entendons ! »

Les genoux cagneux mais pas tremblants, Motus Bégland, Marmotton de son clan, espèce inconnue de Jilam, trottina, fourrure de poussin gonflée de courage, au devant de son adversaire : cent fois sa taille, mille fois son poids, cent mille fois son âge, un million de fois son ego.

Sa voix de tonnerre perça le brouillard de vacarme : « D’abord l’Motus y s’présente ! Comme t’a dit faut faire dans la civilichose. Bibi c’est Motus Bégland ! Bibi meilleur flair d’la fratrie et presque quasi meilleur du clan, çui d’clan giga-fier mais pô trop heureux des Marmottons. Du mont des Marmottons, près du rus aux saumons, qu’est aux Marmottons ! Koiki marmonnent les aut’Fauchetons du Val-de-Noxagerbille ! Lors donc, crotte de bouquetin, t’aimes jouer y paraît ! Eh ben saute mouton !

— Oui, oui, allons !

— Hé ! tu fais pleurer mes potes, j’te dépote !

— Ventre et peste, pose, pose ! pose ton énigme boule de suif jauni d’urine ! » s’impatienta l’éternité, coiffée d’un tombereau de tissu coloré, rutilant et imperméable aux caprice du vent.

Et Motus de tambouriner sur sa poitrine, œil crâneur, timbre braillard : « Question, question ! Parole de Motus, chat gras, t’en feras tes choux alors chouine pô ! Ma question la voilou : comment tu fais pour chier sans t’tâcher la queue, hein ? Elle sait encore viser droit ta vieille carcasse ? Allez tire-pas cette bouille ! Vraie question quoi ! Perso, moi j’y sais pô faire ! »

La rage empourpra aussitôt le museau noir de charbon et dont la truffe se mit à brasiller.

Jilam, tétanisé, les piquants de Mousse titillant sa tunique, contemplait bouche-bée l’espèce de castor à queue de belette et pelage sable. Qui saurait concevoir tant de bravoure, de force, de bonté, d’idiotie et de folie ensemble condensées dans un corps aussi tassé de base ?

Par un dernier clin d’œil, Motus alpagua Jilam, sourire jusqu’aux oreilles, quenottes blanches comme le lait, strabisme pétillant de malice : « Hé te bile pô puceron ! lui lança-t-il. C’est pô pire qu’une dent d’tique ! » Alors qu’une patte de coq s’abattait sur sa petite silhouette pataude mais pas penaude, puis de son ergot pressa la pauvre carcasse comme un vulgaire citron plein de jus. Cœur, gorge et pensées de Jilam se serrèrent, comme il serra contre lui la fourrure frissonnante de Mousse, piquants râpant la soie, larmes brûlantes, pas assez pour détacher la crasse des joues.

Le monstre fait mythe avala goulûment, comme on gobe une noisette, broyant les os de ses infatigables mâchoires, avant de régurgiter la fourrure, pelote souillée de sang et de bave. La chaos s’était estompé, le tohu-bohu s’était tu. L’univers tout entier avait ravalé sa langue. N’en restait plus que cette pelote de pelage. Et Jilam, et Mousse. Et le sphinx ! Qui se penchait dorénavant sur eux. Poussa un rot nauséabond. Le musc de Motus. L’haleine ardente évapora les larmes. Puis aspira toute la saveur de vie.

Mort, rapplique et vite !

Truffe retroussée, l’affreux glapit : « Peuh ! Tu empestes la sorcière ! »

Oui, c’est que j’en connais deux. Et de chacune je suis le jouet favori.

« Une question pour toi moucheron », ronronna l’engeance gobeuse d’amitié.

Non, pas de question. Juste croque !

La figure mutante grimaça. De la pointe d’une serre, il délogea quelque chose d’entre ses canines. La chose rebondit sur le sol à deux doigts de Jilam : un osselet. Vestige de Motus.

Pourquoi faut-il que je parte toujours après ? En retard même pour mourir.

Le sphinx s’adressa à la foule d’offrandes ; tétanisée que ce fut par la terreur ou par le trompe-la-mort : « Ne vous leurrez-pas, humbles nigauds ! Nous n’avons pas trahi Notre serment. Une question a été posée, et une réponse sera sous peu donnée. Un peu de patience ! Le temps que Nos organes digestifs fassent leurs offices. Et votre petit ami poilu obtiendra son juste dû. »

Abruti ! Les trois quarts sont trop à l’ouest pour piger tes conneries ! Jilam fulminait. Comme une sorcière de sa connaissance. Était-elle fondue à présent ? Avait-elle au moins pu manger Nazukahi avant que les vers ne la mangent elle ? D’autres questions, auxquelles il n’aurait jamais les réponses. Toujours dans le noir, Jilam. À la ramasse.

Wouf ! Ruée de vent, soufflée par d’autres ailes géantes. Un spasme saisit la montagne fiévreuse. Jilam plissa les yeux et se plaqua au sol, frissonnant, Mú et Mousse sous le ventre. Quand il releva la tête, deux silhouettes de monstres se faisaient face. L’autre sphinx, tel qu’il apparaissait dans les souvenirs du jeune homme : ailes sombres de corbeau, buste léonin, museau de panthère, serres d’aigle derrière et pattes de tigre devant, collerette de cobra, queue de lézard, mais fourchue, canines d’onyx, émeraudes plutôt que saphirs en guise d’yeux, le tout coiffé d’une tiare démesurée elle-même chapotée d’une ribambelle de gemmes, face au splendide turban de soieries n’ayant pas à rougir de royauté.

Les deux impérieux appétits se jaugèrent de leur joyaux respectifs. Puis Saphir de gronder : « Voulez-Vous encore écoper de Votre rouste, Très Cher ? Sinon allez fagoter ailleurs ! Nous sommes occupées ! »

Et Émeraude de rétorquer : « Mais Nous voyons ici assez de viande à partager ! Que pouvons-Nous Nous arranger, Vous et Nous. Moitié-moitié ? »

De l’ergot, Spahir désigna Jilam. « Gobez donc ce ver de sorcière et allez promptement ! Avant que Votre disgracieuse stupidité ne Nous gâte définitivement Notre palais.

— Parle l’idiotie ! railla Émeraude. Allons ! Un peu de galanterie Mamie ! »

Feulement contre moquerie. Les deux monstres hérissèrent leurs poils et plumes, queues brandies à la Mú, lézard contre paon, collerette contre crinière, tiare contre turban, crocs d’onyx contre canines de nacre, serres et griffes avides d’entailles. Duel de légendes ! Non. Rien que de vieux chats jaloux se disputant la même arête tels des chatons encore au panier.

Nouvelle paire d’ailes à l’horizon ténébreux, surgie entre deux zébrures d’éclairs. Troisième larron bouffi d’énigmes ? Non pas, trop petit ! Démonifée ? Non plus ! Plumage d’espoir ! Chouette, chouette ! Gifle de déception. Rien de plus qu’un griffon. Attends ! Un griffon ? Qu’est-ce qu’un griffon fiche ici !?

L’importun volatile fila sans gêne entre les deux museaux de sphinx qui se détournèrent aussitôt de leur querelle pour suivre l’atterrissage du malotru. Trois silhouettes sur son dos sautèrent à terre, l’une d’elle trébucha. D’un soufflet Jilam oublia les derniers instants, son vide se remplit d’une traite devant l’apparition de ces trois figures inespérées.

« Hé le p’tiot Jil ! Encore à te morfondre ? le héla Reyn.

— Parle pour toi, princesse des pôles, Dame Bipolaire ! » la tança Tête-de-Pie, ajoutant à l’encontre de Jilam : « Salut petit d’homme ! »

Tant de gaieté brusque que le jeune homme manqua s’en étouffer, de ses sanglots et rires entortillés, pendant que Mousse et Mú sautillaient en direction des trois anges apparus. Mais déjà les nouvelles arrivantes se détournaient face aux mines perplexes des sphinx interrompus dans leurs affaires.

« Là je suis pas sûre », affirma Reyn en lorgnant son unique javelot, tête d’épingle face aux deux titans. Et Tête-de-Pie de l’interroger : « Parce qu’avant oui ? » Ricanement complice.

« C’est de Nous dont vous vous moquez ?! s’offensa Saphir du ton de l’ego fragile.

— Pauvres miettes gavant les interstices ! » ajouta, noir de fureur, Émeraude, frappant le sol déjà tremblant.

Aux deux, Reyn répondit par une parodie de révérence que nul, pas même l’orgueil le plus bouffi, n’aurait pu méprendre pour sincère : « Toutes nos excuses, nobles seigneurs, il n’est ici pas question de se méprendre sur nos intentions. Nous sommes venus en ce lieu saint que d’aucun nomme nid de vermine afin de semer la pagaille, car c’est bien là, hélas, tout ce que nos pauvres cerveaux mités savent encore accomplir ! »

Et la fée-lutin de lui emboîter la voix : « Mais peut-être nous aiderez-vous à allumer un tant soit peu nos lanternes troués ! »

Derrière elle, Silène et Jilam s’enlaçaient, probablement pour la première fois depuis qu’ils se connaissaient. Le jeune homme recula à la vue du griffon, Mú et Mousse campant derrière chacun de ses talons. La chamane s’employa à le rasséréner. « C’est Garlik, Jilam, elle est venue nous aider !

— Non mais je rêve ! s’exclama-t-il, paupières papillonnantes.

— Pas toi, elle oui ! »

Vicieuse comme toujours, la réalité se rappela à son bon souvenir. Quo. Motus. Nellis. Nellis. Toujours absente. Nellis. Quelque part dans le ventre d’un volcan sur le point d’éructer. Des saloperies de larves plein le sien. Nellis. Seule face au pire monstre qu’un dieu sadique ait jamais pu concevoir.

« Il a eu Motus », lâcha-t-il simplement, tête ballante, trop lourde pour porter toute cette culpabilité, celle de l’éternel survivant. Ironie quand on songeait qu’il était seul ici à qui la vie était comptée sur une horloge, montre ancrée au poignet depuis sa naissance ; une autre à gousset dans la poche.

Quo et maintenant Motus. Peut-être Nellis, qui sait ?

Silène, voyant dans Jilam un Dayl réincarné, champion de l’auto-apitoiement, secoua un bon coup le fagot d’humain, histoire de l’épousseter un tantinet de ses fardeaux. « Nellis ? demanda-t-elle simplement.

— Avec Nazukahi.

— Bien. » Franchement ? « Et le Chasseur, tu l’as vu ?

— Non, pas depuis… »

Hurlement à fendre le ciel ! Terre vibrante de douleur !

Jilam vit Saphir ruer tel un étalon fou, des gémissements à vous fondre les os. Une épine s’était plantée dans son œil gauche. La patte d’arachnodon de Reyn !

Cette dernière bondissait déjà sur le dos du mythe jactant en usant de l’ergot comme escabeau. Le saphir éjecté de son orbite et rattrapé par la gravité tinta en heurtant le sol. Jilam vit Tête-de-Pie le chiper en pleine course, puis continuer de filer vers eux, Silène et lui, plus Mú, Mousse et le griffon Garlik, et la troupe d’offrandes mimant les ombres des rochers. « Arrêtez de bailler aux harpies et décanillez ! » glapit-elle sans s’arrêter.

Jilam, tout en détalant, ne pouvait détacher son regard de l’improbable scène : après celle de Motus face au sphinx, celle de Reyn contre deux, s’agitant telle une mouche autour d’une vache. Hop ! disparue sous l’énorme patte de tigre d’Émeraude qui claqua sec. Les gémissement de Saphir redoublèrent de beuglements. Le souffle de Jilam se coupa net.

Lorgnant ses luisantes griffes bleutées, la légende à la tiare cherchait la charpie d’elfe. Mais ce n’était que du sang vert, couleur du jade, le même qui s’écoulait des entailles dans le plumage de Saphir. Qui en représailles balança ses serres au museau d’Émeraude, qui hoqueta. Grogna. Et renvoya la lettre à l’émissaire, flan ! Flagellation de queues dans une gerbe de plumes et d’écailles. Une mâchoires s’abîma dans une collerette. Une oreille de chat vola dans les airs, gobée par la bise d’opéra. Le couple battant de l’aile, oublieux de la tique elfique, entreprit de se déchirer dans une furieuse lutte, leurs deux gigantissimes carcasses se heurtant dans un fracas de marbre brisé. Sous le pelage de l’un et le plumage de l’autre, le cuir noir et roide pissait le jade liquide. Turban décoiffé, lambeaux déchirés contre tiare fendue aux joyaux manquants. Crocs, griffes et serres, déjà aiguisés par leur récent duel aérien – ou violent accouplement –, rapidement élimées par la brutalité de leur combat, ce coup-ci certain. Baisers de morsures, caresses de griffes. Queue de lézard entortillée autour de la queue de paon.

Reyn bataillait surtout pour survivre, garder les pieds sur sphinx, éviter les coups de griffes folles ou de finir broyée entre les deux mastodontes d’égotisme. S’extirper au plus vite avant que la versatile Fée Chance ne lui tourne de nouveau le dos. Fichtre de trognon ! Pourquoi fallait-il que ce soit toujours elle l’appât ? D’abord les molosses, maintenant les sphinx. Foutus dieux ! elle n’avait jamais signé pour ça ! Elle n’avait d’ailleurs pas signé du tout ! Sûrement aurait-elle dû. Dès qu’elle rentrerait – si jamais elle rentrait – et si le bois était encore là – si jamais de si jamais ! ça en fait beaucoup ! … Allons va, pense donc pas à ça. Pense pas tout court. Ça vaut pas le cou de se le rompre !

Au lieu de cou, plutôt la cheville : tordue au mauvais endroit, mauvais moment. L’elfe se sentit basculer, emportée par son élan, puis propulsée dans les airs au moment où le sphinx qu’elle chevauchait se faisait plaquer au sol par son rival.

Vive secousse et cœurs qui s’interrompent dans une étreinte de serres. Le griffon Garlik venait de la harponner en plein vol, la sauvant d’une chute assurément fatale. Requiem des tambours de poitrine. Trop pressés, beaucoup trop pressés. Le souffle court, à la limite de l’hyperoxie, Reyn se pencha en contrebas, jaugeant de haut le duel des légendes. La tique jugea les deux mythes. Pathétique !

De son poste aérien, les yeux du bois aperçurent la meute et le troupeau, foule hétéroclite rappliquer de concert vers la scène mythique. Bien la veine ! Toute cette fâcheuse agitation avait attiré l’attention des serakils et panthérèbes.

Garlik déposa son bagage auprès de ses camarades, qui en compagnie des offrandes mimaient le pied de grue au pied de la falaise. Fadaises ! hurlaient les cœurs enragés. La silhouette pimbêche d’Ashari les couvant par-delà la crête de sa moqueuse mièvrerie.

Littéralement au fond du gouffre, des rochers de toute part, droit comme des remparts, aucune brèche, et une paire d’ailes seulement pour toute une troupe de piétons. Va donc résoudre cette énigme tiens !

Réponse

      CRIIIIISH !!!?!

         du vent à la tempête

                     BRAAAHOUUUUUM !!!!!!!!!!

            du ciel aux éclairs

     FIUUUUUUSSSSSSSSSH !???!!!!!!!!!!????

               des nuées au volcan

                            CrrRRRAaaaKÂVADAAAAAAM !!!!! ! !! ! ! ! !

De la terre aux astres !

Et puis,

Gargouillement.

Répercuté dans tous les estomacs.

Plomba l’air.

Silence brutal.

Comme si une main divine venait de claquer des doigts.

La tempête ravala ses vents. La terre étouffa ses remugles.

… .. ; ; ; :: ,,, ?…. ????? ??? ? ???? ! ?? !?, ??…

Coup de tonnerre si fort qu’il se rendit sourd à lui-même.

Et la vilaine Ashari de voler soudain en éclats !

Non pas de sanglots mais de scories.

Larmes de lave, battant aussi bien le tambour que la pluie.

Sifflement interminable

dans toutes les oreilles percées

chevauchant les crânes battus

… . . .. ….

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