Chapitre 3 L'horreur

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Je me réveillai dans un lit à baldaquin, mon chemisier tâché de sang, avec un couteau dans la main et un mal de crâne atroce. Nauséeuse, mon attention s'attarda sur le canif en ma possession. Que s’était-il passé. Pourquoi avais-je du sang sur mon chemisier et un couteau dans la main ? Mon oreiller était dans le même état que mes vêtements. Où étais-je ? Les murs étaient tapissés d’un papier au ton jaune recouverts de motifs, des voilages rouges pendaient aux fenêtres, un tapis bleu était posé devant la porte, une commode en acajou avec les cadres sous-verre des parents de Michel était adossée sur un mur et une pendule égrenait son tic-tac à côté de moi. Une armoire en merisier se trouvait en face moi et une applique m'éclairait. Je n’étais pas chez moi. Un souvenir remonta à la surface : l'entrevue entre Michel et moi. Puis un visage apparut : Nadia ! Je me levai et j'aperçus son van. Je compris qu'un drame avait eu lieu dans la maison. Je sortis de la chambre en marchant sur la pointe des pieds, je m'avançai jusqu'au salon. Du bruit se produisait dans la cuisine. Des traces de pas ensanglantées se dirigeaient vers le vestibule. Terrifiée, mon cœur s'emballa, mon ventre se contracta et un spasme me paralysa. Michel surgit devant moi et s’immobilisa Je restai muette. Je n'avais pas la force de lui parler, la peur se reflétait dans mes yeux. Il portait une barre de fer entourée d'un adhésif et un aérosol d'eau de javel dans la main, il cherchait à retirer tout empreinte d'ADN. Torse nu, ses pectoraux ne me procuraient pas de fantasme particulier. Malgré moi, un gémissement émit de ma bouche, Nadia était sûrement morte. Si nous étions unies auparavant, nos relations s’étaient étiolées avec le temps.

Je courus et aperçus son corps. En voyant son crâne défoncé, la cervelle éclatée et éparpillée, le choc fut terrible. J'eus envie de posséder des pouvoirs surnaturels pour la ramener à la vie.

Un sachet de nems piétiné, des aromates, s’étalaient autour d’elle. Le plan de travail était encombré par des plats, des couverts, le lave-vaisselle était ouvert et prêt à être rempli d’ustensiles de cuisine. Un tiroir entrebâillé montrait de la ficelle, des ciseaux et les cartouches d’une arme. Nadia, mon amie, une jolie femme élancée portait un corset depuis une opération. Les tirs au niveau du foie provoquèrent une hémorragie. Une douille traînait à l'opposé de la pièce. Des projections de sang maculaient la cuisine : sur la façade, les placards et le sol. Pauvre femme ! Je détournai du cadavre tant sa vue m'était abominable. L'assassin debout en face de moi, me jeta un regard glacial. Une animosité naquit en moi. Nadia était la seule personne à me soutenir depuis juin de l’année précédente, au début de mes problèmes. J’eus le pressentiment que je ne resterais pas longtemps vivante en compagnie de Michel. Je compris que j’allais être sa prochaine victime.

—Eh ben voilà le résultat d'hier soir, tu m'as mis en rage ! C'est Nadia qui a morflé par ta faute ! La logique voudrait que je te tue à ton tour. Mais, je suis prêt à passer outre et à te proposer une offre, une dernière chance pour toi. Tu m’aides à me débarrasser du macchabée et j'éponge tes dettes tout en filant du blé. Bref, j’achète ton silence avec l’assurance d'une vie paisible. Je t'enlève une épine du pied, ce n'est pas négligeable.

—Je ne comprends pas, ça n’a pas de sens. Je me suis endormie avant même d’avaler quoi que ce soit. J'ai vaguement aperçu Nadia, c'est trop flou dans mon esprit. C'est toi qui la tuée ! Pas moi.

—Même si tu n’as pas porté les coups, nous l'avons fait à deux, tu es complice de meurtre, tu ne l'as pas défendu, vu ton état d'ébriété.

Qu'importe sa réponse, le froid m'envahit une impression d'avoir de la glace dans tous mes membres, je devins blême. Je ne pouvais croire sa version, il cherchait à m'embrouiller.

– Non, je ne débarrasserai pas du corps de Nadia avec toi. J’en ai assez de tes attaques vicieuses et de tes salades, j'ai toléré beaucoup de choses de ta part, mais là, c’est trop ! Occupe-toi tout seul de Nadia. Nous sommes d'accord sur un point, nous ne pouvons pas la laisser actuellement ainsi. Elle mérite mieux que cela. Je ne participe pas en tout cas.

—Comment ? Elle savait pour ta venue ici ?

— Oui, c'est mon amie. Il n'y a rien de mal dans cela.

La vue du sang et du corps de Nadia me révulsa. Je n’avais plus la force de discuter, je vacillai et m’appuyais au mur. Je répétais dans ma tête : J'ai fait une bêtise, elle devait juste me faciliter à partir de cette maison, rien de plus.

Il revint vers moi :

—Si tu ne m’as aidé à la tuer, comment expliques-tu l'état de tes habits ?

Je fouillais dans ma mémoire, cherchais un souvenir, un mot, un bruit, une détonation, rien ne vint.

Persuadée d'être encore en vie pour quelques heures uniquement, l'ébranlement m'empêchait de raisonner et de trouver une façon de sauver ma vie. Michel se mit à laver le vestibule et j’en profitais pour récupérer mon sac à main suspendu au portemanteau de l'entrée. Je fouillai à l'intérieur, ma tablette fonctionnait et le mail tellement attendu de mon avocate m'annonça une bonne nouvelle : les huissiers levaient provisoirement la saisie de mes biens. J’attrapais une plaquette de cinq comprimés de diazépam et la rangeai dans ma poche. Je reposais discrètement mon sac, Michel continuait son nettoyage avec les projections.

—J’ai bien réfléchi, je suis prête à accepter ta proposition, nous scellerons notre pacte ce soir et nous trinquerons. Nous ferons la fête, j'ai bien étudié la question et l’ai tourné dans tous les sens. Finalement, pour Nadia, je vais te donner un coup de main à l'enterrer dans un bois.

Michel se redressa et un sourire apparut sur sa face remplie de gouttes de sang séchées.

—Tu changes. Comme quoi, je suis un satisfaisant dresseur, tu deviens docile.

Michel tenta une nouvelle fois de m'embrasser, je tournais la tête.

—Ne sois pas gourmand et pressé, nous avons toute la nuit pour rouler sous la couette. Ce serait inconvenant devant Nadia.

—Tu as raison Marlène, tu vas m’épauler à la transporter, nous passerons par le perron.

—Je vais t'accompagner jusqu’au bois et nous fêterons notre pacte là-bas.

Je jubilais dès le dos tourné de Michel. Je l'aidai à la soulever par ses aisselles, heureusement, elle n’était pas trop lourde ni trop grande bien qu’elle pesât son poids tout même. Tout le sang dégoulinait et traçait notre parcours, Michel décida de la mettre dans son van, les clés étaient restées sur le tableau de bord, l’un des pneus était légèrement dégonflé. Je déposai le sac contenant le vin et les mugs. Cassée, je m'assis sur le siège, Michel partit prendre une pelle et revint s’installer au volant de la voiture.

Nous roulâmes sur une petite route étroite jusqu'à la direction de la forêt de Chantilly située à Lamorlaye. Un bois constitué de sentiers bordés d’arbres : hêtres, chênes et pins sylvestres, avec un mélange de taillis-futaie et d’un étang assez étendu.

S'éloigner un peu de Luzarches s'avéra bénéfique pour moi. Michel se gara sur le côté boueux du fait de toute la pluie tombée ces derniers jours. Je demeurais oisive comme un émeu et le laissais creuser dans cette terre de bruyère. Un hibou hululait, le vent gémissait, les criquets stridulaient. Les feux de la voiture éclairaient les bois. La tâche n'était pas facile, je profitais du moment pour remplir nos tasses de vin, j'attrapais les comprimés de Diazépam, les réduisit en poudre et les versais dans la tasse destinée à Michel. Une fois le trou creusé, Michel me rejoignit et nous sortîmes le corps de Nadia de son van. Nos pas s’enfonçaient dans le sol meuble et humide. Une branche craqua lors de mon passage à côté d’elle. La brise agitait les feuilles. Nous la jetâmes dans la cavité et Michel recouvrit son corps de terre et de fagots. Satisfait et épuisé, il transpirait à grosses gouttes et il attrapa la tasse que je lui tendais et la bus d’un trait.

— Une belle femme comme toi, si attirante ne devrait pas finir seule. Moi aussi, je suis seul depuis un moment.

— Tu vas d’autant plus savourer les prochains.

J’observais que ses yeux papillonnaient déjà. Il me regarda avec un certain étonnement avant de glisser doucement sur le côté. Ma potion magique accomplissait son rôle, Michel eut une syncope.

S’il avait présumé obtenir mes faveurs, il n’avait récolté qu’un tapis de gadoue. Je le laissai là comme un déchet. J’étais rompue de fatigue, mais soulagée d’être débarrassée de ces renégats.

Si Nadia avait un temps mon amie, elle s’était détournée de moi en acceptant de rejoindre Michel au Conseil municipal. Tous deux visaient de me démunir de ma maison pour la transformer en résidence de personnes âgées.

***

Je ne perdis pas une minute, Michel était tombé dans une sorte de coma et dormait d'un profond sommeil au milieu des châtaignes. Guidée par mon instinct de survie, je fuyai mon bourreau pour rentrer au plus vite chez moi. Encore toute chose d’avoir préméditée cet acte presque meurtrier. La dose de médicament ingurgitée était-elle trop importante ou non pour être létale ? Se réanimera-t-il ? Plus vraiment moi-même, je fixais mes rétroviseurs sans les lâcher du regard comme si j’allais voir surgir Michel tel un démon, mes mains se cramponnaient au volant, mon dos se tendait et des douleurs se réveillèrent. Mes émotions me submergèrent.

— Marlène, tiens le coup ! criais-je toute seule dans la voiture. Mon Dieu ! Qu'ai-je fait ? Nadia, maintenant Michel ? Et si Michel revient à lui ? Et s'il meurt ? Punaise ! Je ne sais plus où j'en suis ! Que vais-je devenir ? J'aurai peut-être dû accepter la proposition de Michel ? Pourquoi ai-je procédé de cette manière ? Et si je ne réussis pas à obtenir le reste de l'argent ? Mes animaux et moi, nous finirons dans la rue ? J'ai cinquante-huit mille euros à verser encore. Reviens à la raison, Michel aurait-il tenu la promesse ? Tu sais ce qu'il voulait ! Ne sois pas naïve ! Tu as gagné la moitié de la partie, ce n'est pas le moment de flancher. Si tu dois écraser sur ton passage pour remporter la victoire, n'hésite pas !

Il faisait noir, les phares des autres voitures m'aveuglaient pendant le trajet.

J’évitais un fossé de justesse.

— Concentre-toi sur ta conduite au lieu de délirer ! Ne craque pas.

Le téléphone sonna.

— Qui peut me biper à cette heure-ci ? Ce n'est pas le moment !

Un nom me vint à l'esprit : Michel.

— Non, ce n'est pas possible, cela ne peut pas être LUI. Non, pas maintenant ! Je ne peux pas…

Je cherchais un endroit pour m'arrêter et balayais des yeux les alentours. J'étais en pleine campagne, les routes étroites ne permettaient pas d'effectuer une pause. Rester sans savoir qui m’appeler demeurait un calvaire. J'eus chaud tout d'un coup, une crise d'angoisse s'ensuivit. J'appuyai sur l'accélérateur et ne croisait aucune voiture, je finis par décélérer. Rejoindre mes petits et grands compagnons à quatre pattes me serait d'un immense secours. Je ne souhaitais qu’oublier cette soirée, Nadia gisait sous terre en compagnie de Michel qui somnolait. J'approchai de ma maison, je ralentis. Soulagée, je me garai devant chez moi. Ma tablette tactile sonnait pour un appel vidéo sur Instagram, je redoutai de voir la personne qui m’avait téléphoné pendant mon trajet. Le nom de ma fille Anita apparut. Elle s’inquiétait et m’attendait sur le pas de la porte. Elle se précipita sur moi. Je n'hésitai pas à lui déposer un baiser.

— Maman, conduis-tu le van de Nadia ? Et c’est quoi ce sang sur toi ?

La réalité me frappa à nouveau. Déboussolée, plus aucune pensée ne venait dans ma tête. Comment avouer ou cacher la vérité sans passer par une explication farfelue ?

Mais où avais-je la tête ? Pourquoi étais-je rentrée chez moi avec le van de Nadia ? Comment vais-je me dépatouiller ? Anita va-t-elle… ?

— Maman ! Réponds-moi ! Tu m'inquiètes ! Est-ce le sang de Nadia ? Où est-elle ? Est-elle blessée ?

J’étais dans de beaux draps ! Je n'ai rien qui me venait en tête ! Essaie de contourner la question, je sais faire d'habitude. Non, je ne dirais rien, je devais rectifier mon tir et me débarrasser du véhicule. Rassurer Anita, ôter ce fardeau qui m'empêchait de respirer.

— Maman, pourquoi te mets-tu dans un tel état ?

Je cachai mon visage pour pleurer, c'était trop de ressentir toute cette pression sur mes épaules depuis des mois.

—Nous avons réussi, la maison est sauvée pour l'instant, mais nous devons trouver le reste de l’argent qui nous manque. L'avocate me l'a annoncé. C'est une bonne nouvelle ! Cela vaut le coup de se battre dans la vie.

Anita me sourit. Mais je vis qu’elle n’était pas satisfaite de mes réponses.

— Maman, tu me fais peur, tu me caches quelque chose.

— Rentrons, j'ai froid.

Le visage d'Anita était marqué par l'inquiétude comme le montraient ses joues écarlates, il y avait de quoi. Le sang s'étalait à partir de ma poitrine jusqu'au bas du chemisier qui débordait de mon pantalon. Me rappeler de Nadia me peina. Lorsque la glace de l'entrée renvoya mon image, mes larmes ruisselèrent. Anita insistait lourdement. Je devais me confronter à mes propres actes. Au fond de moi, aucun souvenir ne me suggérait que j’avais assassinée Nadia. Je ne pourrais pas avouer un meurtre sans savoir si je l'avais vraiment commis. J'entr'aperçus dans la salle de séjour, une bouteille de champagne.

— Oh ma chérie, tu avais…

—Oui maman…

— Je ne peux pas rester comme cela. Je me tournais vers elle, rassure-toi, je n'ai pas tué Nadia, je ne comprends pas pourquoi j‘ai tout ce sang sur moi, tu dois me croire. Je n'ai pas d'explications, laisse-moi tranquille pour l’instant. Je me change et nous boirons cette bouteille.

Je me précipitai dans ma chambre et me déshabillai pour remplacer mes vêtements souillés par une nouvelle tenue. Je m'assis sur le bord de mon lit et l'image de Nadia vint me hanter comme si son fantôme avait voulu me poursuivre. Je ne l’avais pas défendue, cela ne quittait pas mon esprit.

C'est ta faute si elle est morte. C'était pour le distraire quelques minutes et pouvoir partir. Mais rien ne s'est produit comme prévu. J'ai eu un coup de pompe, je me suis endormie, donc, cela ne peut pas être moi… Alors, arrête d'apparaître dans ma tête, fiche-moi la paix. Pourquoi ne me souviens-je pas du tout de ce qui s’est passé ?

Rappel… Rappel… Ce mot m'obsédait sans savoir pourquoi. Nadia communiquait-elle avec moi ? Cherchait-elle à me dire plutôt rappelle-toi ?

Cette supposition me glaça. Mes poils sur mes bras s'hérissèrent jusqu'aux pointes de mes cheveux. Je sentis le froid parcourir tout le long de mon corps soudainement.

Je ne dormirai pas ce soir certainement. Quelque chose me travaillait, et je devais faire cesser cette peur qui s'amplifiait. C'était indéniable que Nadia était morte presque sous mes yeux. Je ne souhaitais pas parler d’elle avec Anita. J'ouvris le robinet pour remplir la baignoire.

— Je prends un bain chaud, Anita !

Je versai un liquide moussant, puis je pénétrai dans l'eau. La vapeur réchauffait la pièce et formait de la buée sur la glace. Je frottai toutes les parties de mon corps avec du savon. J'espérai qu'Anita n'ira pas prospecter le van, sinon, ce serait la fin des haricots. J'entendais ses talons aiguilles monter les escaliers pour rejoindre sa chambre. Cependant, elle redescendit aussitôt. Puis, il y eut un bruit de casseroles, elle préparait notre dîner. Pendant une demi-heure, je jouais avec l'eau et formait des vagues avec mes mains, je fermais les yeux. Je m’assoupis et rêvait de Michel qui débarqua et interrompit un Conseil municipal, avec une phrase qui m'horrifia :

— Aujourd'hui à l'ordre du jour, nous devons régler un problème de toute urgence ! Cette femme doit payer pour l'assassinat de Nadia Bolcho. J'ai été témoin du meurtre, nous pourrons l’exproprier de sa maison et nous ferons euthanasier ses animaux. Ils ne sont pas adoptables, ils sont trop vieux, soyons lucides ! Sa fille a confirmé avoir vu du sang dans le van.

Il montra une photo de moi aux gens du conseil. J'émergeai de mes songeries.

—Le van ! Oui je dois m'en occuper avant de me coucher. Je le désinfecte puis j'appellerai Monique pour me raccompagner chez Michel et reprendre ma voiture.

Je sortis de l'eau, enfilai mon peignoir pour me sécher, je rebondissais enfin. Je devais agir vite.

Je me rhabillai. Anita, vêtue de son tablier, cuisinait.

— Je dois récupérer ma voiture.

—Où est-elle ?

— Je n'ai pas le temps de t'expliquer, je rentre juste après.

— As-tu prévenu Monique au moins ?

—Je vais l'appeler en chemin.

– Je vais venir avec toi.

— Lâche-moi un peu Anita ! Punaise ! Tu ne peux pas t'absenter de la cuisine !

— Tu es bien pressée !

— Je le suis évidemment, tu crois que c'est le moment de palabrer. Ma gorge est sèche. Je stresse. J'ai fait une bêtise ! Michel, je ne sais pas si tu es vivant ou mort. Je perds la tête.

— Je voudrais surtout…

— Ce cauchemar cesse. Je dois trouver un moyen de la sortir de cette pièce.

— Oui ? Désirais-tu me dire quelque chose ?

— Cela m'a échappé !

— Tu es bizarre ce soir !

Marlène, dépêche-toi ! N'éternise pas !

—C'est une journée éprouvante !

—Oui, je vois ça !

—Pourrais-tu me prendre une bouteille à la cave ?

—D'accord maman, veux-tu boire un verre de vin avant ?

—Non, à mon retour !

Anita me laissa le champ libre. Je me hâtai à me procurer ce qu'il me manquait. Une éponge et le bidon d'eau de javel ! Si elle me voyait avec ça, elle risquait de me poser des questions.

Marlène, tu es trop forte !

Aveugle et sourd, ce vieux chat Fistule me suivit dehors. Je le pris dans mes bras et le ramenai dans la maison. Anita n'était pas encore remontée de la cave. Puis, je démarrai. Je me dirigeai chez Michel pour récupérer ma voiture.

Bien, tu désinfectes. Michel c'est toi qui porteras le chapeau ! Pas moi ! Je n'ai rien à voir avec ce meurtre, j'étais vaseuse !

Je m'accroupis sur mes genoux à l'intérieur du van et lavais avec mon éponge. Tous les recoins furent nettoyés. L'odeur me remonta les narines et m'incommoda au bout d'un moment. Je mis la dose, mais j'étais gênée. Je toussai et sortis pour respirer de l'air frais. Mes poumons se gonflèrent d'oxygène.

Marlène, tu as un cadavre dans ton armoire dorénavant. Il pèsera lourd sur ta conscience, j'étais la complice ou une criminelle…

Je récupérai une torche dans ma voiture. Je l'allumai et éclairai les marches. De nouveau avec mon matériel, je m'accroupis pour les frotter. Je voulais effacer cette atrocité, j'étais obnubilée. C'était ancré dans ma mémoire, Nadia sera en moi désormais. Traumatisée, mes efforts restèrent vains. Le sang avait déjà trop séché et avait été absorbé par le sol poreux, c’était pâle, mais les taches ne disparaissaient pas. C'était un signe. Je désespérai, je cédai à la colère et aux sanglots. Je pestai contre moi-même, contre mes soucis qui me mettaient en péril. Allai-je pouvoir assurer la deuxième partie de ma dette ? Monique me secondait brillamment. Dynamique, elle ne manquait pas d'idée pour mon association. Elle m'était d'un grand secours. Elle m’organisait des tombolas et intervenait auprès du Maire. Cette femme m’influençait dans mes prises de décisions.

— Je devais appeler Monique ! Je l'ai dit à Anita. Monique savait pour mon rendez-vous avec Michel. Elle va me demander comment cela s'est-il passé ? Que vais-je lui déclarer ?????

Les lampadaires étaient éteints depuis une bonne heure. Je levai les yeux au ciel. C'était la pleine lune. Anita devait m‘attendre.

Tout s'explique pourquoi je me sens électrique sans le moindre besoin de dormir. Il est deux heures du matin, Monique aura mon compte rendu demain.

Enfin, je me décidai retourner chez moi, j'avais un petit creux. C'était sans doute une réaction de stress. Je ne m'aventurerai pas à revenir à l'intérieur de la maison de Michel. J'avais eu assez d'émotions comme cela. Je laissai la clé sur le tableau de bord. Je repris ma voiture. Je filai sur Luzarches rejoindre Anita.

— T’en a mis du temps, je m’inquiétais. Nadia devait être contente que tu lui ramènes son van… Tu ne m'as toujours pas expliqué pour ta chemise…

— Écoute, on en reparle plus tard, pour l’instant, j'ai une petite faim, je mange et j'irai me coucher après. Ne papotons pas de sujet qui fâche, j'ai besoin de me détendre. C'est loin d'être gagné. J'ai eu une soirée éprouvante.

— Maman, ta vie, c’est n’importe quoi ? D'abord, ta maison, ensuite, ce sang. À qui appartient-il ? Et Nadia, tu ne réponds pas à propos d'elle, c'est un mystère pour moi. LUI as-tu fait du mal ou pire ?

— Anita, ça suffit !

Effondrée, je m'assis sur la chaise, la réalité me frappa.

— Je voulais être aidée par Michel même si c’était un supplice de passer par lui. J'ai dû supporter ses paroles douteuses. Mais il n'y avait rien à en tirer de lui. C'est un homme sans scrupule.

Le chat Félix sauta sur mes genoux. Mes yeux étaient rouges. Anita éteignit la lampe à côté de moi.

— Maman, je la sens mal cette histoire. Tu files un mauvais coton. Bientôt, il ne te restera plus rien ! Elle poussa un profond soupir. Je vais réchauffer ta soupe.

Je rentrai dans la salle à manger, des citrouilles en guise de décoration dans toute la pièce. Elles avaient des sourires diaboliques avec des yeux.

— Tu reviens en enfance, ma chérie.

Anita ne m'entendit pas. Je m'assis sur une chaise et attendis mon repas. Mes pensées se tournaient vers Michel.

Si seulement je n'étais pas dans cette situation avec cette dette. J'ai une épée de Damoclès au-dessus de moi, je peux encore tout perdre. Dommage que mon avocate ne m’ait pas envoyé le message plus tôt. Je n'aurai pas eu besoin d'aller le voir. J'aurais dû attendre pour Michel. Pourquoi n'ai-je pas eu la ou les jambes dans le plâtre ? Je ne serai pas là à me culpabiliser… Nadia ne serait pas venue, elle serait encore vivante.

Anita m'apporta la casserole de potage chaude et me servit.

— Maman, je vais me coucher.

— Je ne vais pas tarder non plus, je mange juste ma soupe. Je n'ai pas très faim finalement.

L'émotion me coupa l'appétit. Anita se rapprocha de moi et m'entoura de ses bras. Elle m'embrassa.

—Sois forte maman, nous n'avons pas fini.

Anita me quitta. Au bout de la table, une carte postale attira mon attention.

Il était déjà trois heures du matin et je sommeillai.

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