Chapitre 6 Les mauvaises nouvelles s'accumulent
Le vent soufflait. Les feuilles mortes se heurtèrent contre les vitres. Filou, un chat roux, mimait de les attraper. Il gesticulait et mes cerbères nerveux grognaient. Je visionnais une émission de variétés jusqu'au moment de la publicité. J’admirais un spectacle. Les arbres dansaient comme s'ils entendaient ma musique du moins, je les regardais et imaginais d'écouter. Ils se déhanchaient joyeusement en suivant le rythme. Les branches se balançaient. Je déroulai les volets pour calmer ma petite tribu. Anita partit se coucher, je grignotais des amuse-gueules. Les chiens s'agglutinèrent pour avoir leur part. Je me divertissais avec Fibule, mon poisson rouge, convoité par Filibert mon chat qui tournait autour du bocal. Il protesta par un miaulement. Il tenta d'introduire une patte puis la retira aussitôt. La sensation du mouillé n'était pas à son goût. Je le chassai d'un geste de la main. J’entendis un vacarme dehors, du bois se cassait sous l'effet de la force du vent. Je sortis vêtue de mon manteau. Je me sentis poussée. Mon poulailler s'écroulait, mes poules écrasées sous le poids, j'étais catastrophée. Je tentai de soulever les planches pour les dégager. C'était déjà trop tard pour certaines. J’en sauvai quelques-unes qui s'en allèrent, affolées. J'ouvris mon garage et je les appelai en jetant du blé pour les garder à l'intérieur. Je pris une chaîne et un cadenas afin de consolider mon portail. Une ronce pendillait et s'accrocha à une mèche de mes cheveux. J'eus un brin mal. Un arbre volumineux penchait dangereusement sur ma toiture. Je devais avoir recours à un élagueur. Des branches cassées tapissaient mon herbe. Cette vision me démoralisa, ce n'était pas le moment adéquat pour avoir des frais supplémentaires. Le froid s'engouffrait dans mes vêtements, mon pull n'était pas assez épais. Je rentrai et préparai un café. Je m'installai dans mon fauteuil et mis la radio. Les informations révélaient les dégâts de cette bourrasque. J'eus un petit creux, je tartinai de beurre une tranche de pain avec la lame de mon couteau. Quand tout à coup, un intrus, un rongeur s'aventura à se promener dans la cuisine. Aucun besoin de magie pour s'en débarrasser. Mes chats se lancèrent dans une course poursuite. En peu de temps, l'affaire fut conclue. J'adorais la fantaisie et je le montrais à ma façon. Mes propos étaient souvent imagés et on me prenait pour une folle. Je m'en fichais à partir du moment où je me complaisais dans cet état. Sans elle, je serais morne, tout le contraire dans ma personnalité.
Avec toute la pluie de ces derniers jours, l'humidité remontait et donnait une sensation de fraîcheur. Ma maison n'étant pas isolée, le carrelage devenait glissant. De plus, il était sali par les nombreux allers et retours de mes bestioles à l’extérieur. Mon paillage autour de mes fleurs était gratté et défait par mes poules qui cherchaient des vers. Ma roquette était mangée, il ne restait presque plus rien. Mes légumes emperlés par l'averse, la nourriture de mes animaux diminuait, il n'y avait pas de quoi faire une orgie.
Bruno revint vers nous.
— Oh ! Je suis étourdi, j'oubliais mes clés.
Anita et moi, nous le regardâmes avec nos sourires moqueurs. Anita portait un pull-over couleur corail.
Après son départ, J'avais sommeil, je me couchais. Le lendemain, je me réveillai fatiguée par ma courte nuit. Anita s'était mise aux fourneaux de bonne heure. Elle mijotait un bœuf bourguignon. Moi qui rêvais d'un chef cuisinier, je n'avais pas le temps de mitonner de bons petits plats. Je sautais souvent mes repas. Je me nourrissais peu, je n'avais pas un gros appétit. Je me recueillis devant les cadavres de mes poules. C'était toujours difficile de vivre la perte de l'un de mes animaux, une véritable déchirure. J'allai les inhumer dans un coin de mon jardin. Mon manteau s'accrocha dans le grillage et je l'entendis se craquer. Je pris une pelle qui était lourde et cela ne facilitait pas la tâche, je commençai à creuser dans la terre et la bêcher. C'était un sacré exercice. Anita ne m'aidait pas. Une fois le trou terminé, je déposais mes cinq poules les unes à côté des autres. Dommage, je n'avais pas de copains disponibles ce jour-là. J'étais lasse, en sueur et trempée au niveau du dos. Je rentrai, je me servis une boisson fraîche pour me désaltérer. Je repensais encore une fois à Nadia. Je n'avais pas réussi à cacher à ma fille et Monique cette terrible soirée. Pour me changer les idées, je mis de la musique, puis je pénétrai dans ma douche. Je regardais mon armoire, j’en sortis un pantalon vétuste, j'étais plus grosse et aujourd'hui, c'est sûr, j’allais flotter dedans ! Quant à ces vieilles chaussures usées et bonnes à jeter à la poubelle…
Monique vint me voir afin d'apporter des nouvelles. Au lieu de cela, j'entendis des attaques.
— C'est toujours pareil avec toi Marlène, tu n'es pas une flèche ! Tu dors sur tes lauriers, tu attends le dernier moment pour te réveiller. Je dois te secouer encore une fois. As-tu demandé à Gamme vert pour organiser une collecte de croquettes ?
— Non ! Je suis débordée avec tout ce qui m'arrive !
— Tu n’en mènes pas large surtout.
— Contrairement à toi, tu es une fusée !
Monique vint me voir afin d'apporter des nouvelles. Au lieu de cela, j'entendis des attaques.
— Bien sûr, je suis plus dynamique que toi, tu es molle !
Avec cette tempête, tout était remis en cause.
Monique m'agaçait, elle avait droit à une couronne au-dessus de la tête et moi, j'étais inepte. Ras-le-bol de me prendre un savon. Certes, je filais un mauvais coton. Je n'avais aucun répit avec elle qui me commandait sans arrêt. Je me sentais piégée avec tout le monde. Par ma faute, par ma négligence. Je dépendais d'eux.
— J’ai vu le désastre dans ton jardin et sur tes bâtiments. Préviens rapidement l’assurance. Prends des photos surtout pour prouver ta bonne foi. Tu seras indemnisée. C’est dans les deux jours qu’il faut se manifester !
Je ne la contredirais pas, je la remerciai, elle me rendait service en l’évoquant. Sur le champ, je saisis mon appareil photo dans le tiroir de la commode dans le vestibule. Elle me suivit en m’indiquant les lieux les plus atteints et je photographiai. Puis, je rédigeai avec Monique la lettre, car le stress me bloquait. Je me préparai pour envoyer le courrier recommandé pour la poste.
— Je vais de ce pas les poster.
— Tu as raison, il faut battre le fer tant qu’il est chaud ! Bien, je me renseignerai auprès de Gamme vert pour t’accueillir dans le magasin.
J’acquiesçai.
Dès mon retour, je montai dans ma chambre, j’écoutai la radio, tout en remettant de l'ordre dans mes vêtements les pulls menaçaient de dégringoler certains étaient inutilisables. Un flash d'information passait toutes les heures :
— La découverte de deux conseillers municipaux Michel Dumoulin et Nadia Bolcho ont été autopsiés. D'après les résultats du médecin légiste, ils ont reçu plusieurs balles dans le corps et Michel Dumoulin aurait pris une forte dose de somnifères il était à demi-inconscient. Dans la ville les habitants sont en état de choc et se posent des questions. Qui en veut à ces personnes ? Quel est le mobile du meurtre ? Personne n'a rien à leur reprocher. Une enquête a été ouverte.
C'était irréel, quelqu'un passa derrière moi, pourquoi avait-on tiré sur Michel ? Secouée, l’effroi se lisait sur mon visage.
L'incompréhension. Incapable de réfléchir et de réagir. Le temps s'arrêta, au moment Nadia était morte ainsi qu'avec Michel je vais contribuer à la mort de Michel, le tueur a profité de l'état de faiblesse de Michel ou on voulait s'assurer qu’il ne pouvait plus nuire. Horribles étaient mes pensées. Je m’effrayais toute seule avec des scénarios les plus morbides sans aucun sens. Mon devoir était d'être auprès du mari de Nadia, je lui témoignerai de mon soutien. Michel me désignait comme la meurtrière de Nadia. Je n'aimais pas les armes ni la violence. Je pris mes clés de voiture j'avertis Anita de mon absence et ma visite chez Nicolas.
Nicolas ne devait pas être à son magasin et sûrement chez lui. Nadia possédait des chevaux, ils avaient une prairie pour se défouler. Je stationnai devant sa maison, il était dehors assis sur son banc sous la véranda. Lorsqu’il me vit, il s’avança pour m’ouvrir, son visage imprégné de larmes, les yeux rougis. Il m’était impossible de me retenir et d’éclater en sanglots à tour. C’était communicatif, je ne pouvais pas résister à son émotion. Je perdais une amie par ma faute. Il me prenait dans ses bras, j’avais les jambes coupées, il me troublait dans ma démarche. Nous n’avions pas encore échangé de mots, je me sentais mal, j’allais m’évanouir, je précipitai pour m’asseoir. Nicolas s’inquiéta alors que je venais pour lui. Ma place était-elle auprès de lui ? Comment pouvais-je être à ses côtés alors que j’avais vu Nadia décédée ? Je décidai de laisser parler au lieu de le questionner, c’était plus logique.
— Je ne comprends pas Marlène, Nadia est morte avec Michel Dumoulin, que faisaient-ils ensemble ?
— C’est surprenant qu’elle ne t’eût rien dit !
Je reniflais et je mouchais. Nicolas planta ses yeux dans les miens.
— Je te jure que la personne qui l’a tué va payer !
Je soutenais son regard sans baisser la tête.
— tu as raison, tu peux être sûr de mon amitié.
— Tu sais, elle ne me livrait pas tout, je soupçonnais même un homme dans sa vie.
— Je ne peux pas te dire, nous sommes éloignées l’une de l’autre depuis quelque temps.
— Ah bah, tu vois.
Je mentais un peu. Je n’étais pas dans les confidences intimes toutes les deux. Cependant, on se contactait pour mes soucis avec le Tribunal. Elle avait changé, Nicolas imaginait un amant, je ne pouvais pas ni nier ni confirmer son idée. Je me demandais si ma présence auprès de lui était légitime. J’avais vu Nadia morte et Michel l’ensevelir, comment vivre cela avec cette cachotterie si énorme ? Tôt ou tard, il apprendra toute l’histoire, il me détestera, il aura raison.
— Ce n’est pas la peine de te faire du mal Nicolas.
— Cela ne peut pas être pire. La gendarmerie enquête, on m’a interrogé et je ne suis pas capable de répondre. J’ai l’impression de ne pas connaître ma femme.
— Ne dis pas ça.
Nicolas posa sa tête sur mon épaule et l’entendre sangloter m’entraîna dans le même état. Impuissante, son chagrin m’atteignait davantage, j’étais encore sous l’émotion des derniers événements. C’était difficile de ne pas partager cet instant avec lui. Entre nos pleurs, je réussis à lui dire :
— Si tu as besoin de moi, tu n’hésites pas ! Je ne vais pas t’opportuner plus longtemps.
— Pour l’instant, je ne peux pas faire grand-chose, je dois attendre qu’on me rende le corps de Nadia. Je n’ai plus la force de m’occuper de mon commerce.
Nicolas s’effondra encore une fois, il ne me lâchait plus, seule la sonnerie de son téléphone l’obligea de s’extraire de mes bras et il s’isola pour répondre. Je profitai de cette occasion pour me relever, j’escomptai qu’il revienne vers moi, je ne désirais m'en aller comme une voleuse. Nous étions émus, je partis encore en larmes.
***
J’étais forte, mais fatiguée par toute cette pression. Ma ténacité était à rude épreuve. J’avais le cafard. Je me promenais seule dans le parc. C’était un havre de paix avec les canards qui se reposaient sur l’étendue d’eau. Des arbres majestueux ouvraient leurs bras pour nous réconforter. Le chant mélodieux des oiseaux donnait un écho agréable par le silence autour. J’avais envie de cette quiétude pour être en osmose avec la nature. Un besoin de vider ma tête, de solitude. Je me retenais d’extérioriser tout sentiment. Je me demandais même si je n’avais pas eu tort d’aller voir Nicolas. Tout était de ma faute et je le vivais mal. Si je n’avais pas eu mes préoccupations, je n’aurais plus de contact avec elle. Avec le temps, cela s’effritait entre nous. Je la voyais dans mon esprit et je regrettais un désaccord qui déclencha une cassure. Elle tarabustait pour mettre fin à l’activité de mon association à cause de Bruno et elle me voyait enchaîner divers crédits à la consommation ainsi que les erreurs les unes aux autres. Bruno n’en pouvait plus. Je m’entêtais et Nadia se lassa. À bout de nerfs, je me disputais avec Bruno, je la pressentais d’être de connivence avec elle à l’époque. Aucun ne le reconnut. Mon couple souffrit et se brisa en même temps avec Nadia. Je savais qu’un jour, elle reviendrait. Mon optimisme me dictait de ne pas forcer les choses. C’était l’article dans le journal qui fit réagir. Je ruminais, je saturais de ce casse-tête permanent.
Je m’accordais une pause avant de poursuivre ma route et m’arrêter chez Nadine. Je ne l’avais pas vue depuis dix ans. Elle vivait à Paris dans une garçonnière, je passai par une passerelle pour atteindre sur l’autre rive. L’immeuble se situait en face.
Je montai des escaliers en colimaçon, elle logeait au dernier étage sous les toits. Ses enfants devenus indépendants. La naissance de ses quatre enfants n’avait aucune prise sur son corps. Toujours aussi svelte, elle me reçut. Des cotillons traînaient avec des bouteilles d’alcool vides. Encore éméchée, elle vacillait.
— Nadine, te souviens-tu de moi ?
— Je t’ai vu dans le journal, tu es une célébrité maintenant !
— Je voulais te présenter mes condoléances pour Michel, mais tu n’es pas dans l’état.
— Au contraire ! J’ai picolé à sa santé !
Amorcer une discussion avec elle me paraissait compromis. L’alcool la désinhibait sa timidité. C’était une personne fantasque, elle aimait l’ambiance des bals de musette, mais elle n’osait pas danser. Le chagrin ne l’atteignait pas ou elle le dissimulait.
— Pourquoi es-tu ici ?
— Je te l’ai dit Nadine !
— Pas ça avec moi, ne me prends pas pour une idiote !
Ahurie et dépourvue, Nadine changea de ton.
— Michel tournait autour des autres femmes même mariées ! Ce besoin de plaire et de dominer. Il n’avait plus aucun effet sur moi. Le jour où je l’ai quitté a été le plus jour. C’était lourd de subir ses remarques aussi méchantes de jour en jour. Tu ne peux pas savoir l’enfer…
— Je me doute bien.
— Oh non, tu es loin de la réalité. J’ai essayé de te le dire, mais Michel avec son air sympathique, on lui aurait confié sa vie, mais pas moi. Il m’a réduite à néant. Voilà le résultat, il m’a jeté dehors, alors tu ne vas pas t’étonner si je n’ai aucun apitoiement même si c’est le père de mes enfants. Si tu es venue me réclamer de l’argent…
— Ce n’était qu’une visite de courtoisie.
Je ne désirais pas rester, elle semblait aigrie. Elle se cloîtrait avec ses idées noires. Elle avait perdu de sa beauté avec son visage vieilli et ravagé par la boisson. Ses cheveux étaient dans tous les sens et elle dégageait une odeur corporelle, les murs s’en imprégnaient. Elle n’aérait pas et cela m’accommodait. Je m’attristai de son déclinement à ce point-là. Ses enfants l’avaient abandonné. Avant leurs naissances, elle exerçait le métier de décoratrice d’intérieur. Aujourd’hui, c’était la déchéance, elle devint une poivrote.
— J’ai revu Richard le frère de Michel.
J’ignorai si cela s’avérait, mais je la laissai dire. Plus personne n’évoquait son nom. Elle se désaltéra avec de la bière au goulot.
— Ce n’est pas mon cas ni mon souhait.
— Pourtant, tu vas être amené à le revoir.
— Très peu pour moi.
Mon téléphone recevait des messages. Anita et des personnes l’avertirent de l’existence d’une seconde page de son association ainsi qu’une seconde cagnotte sous le nom de Jérémy Dosson. Réactive, Anita promit d’enquêter à sa manière sur internet. Les autres signalèrent la page qui usurpait mon association.
— Les affaires reprennent Marlène ? Tu es scotché à ton téléphone.
— En effet, j’ai une urgence !
J’étais stupéfaite et paniquée. Ma cagnotte stagnait depuis quelques jours. Une personne profitait, s’appropriait de mon histoire, de ma détresse, c’était injuste et scandaleux. Je quittai Nadine et je dévalai les escaliers. Je me dirigeai direct vers ma voiture. Je courrai, je devais discuter au plus vite avec Sylvie. Une fois dans ma voiture, elle me rassura. Elle alerta les gens de cette escroquerie, Jérémy Dosson récoltait déjà cinq cents euros et ils me passaient sous le nez. J’avais besoin de cette somme, je n’étais pas débarrassée de ma dette.
Loin de là.
Cela ne m’arrangeait pas.
Mon ami Guillaume allait se charger d’avertir les dirigeants de la cagnotte en expliquant le souci. Guillaume était lui-même président d’une association de chats. Nous avions pu nous rencontrer et nous unir pour une collecte de croquettes, litières, pâtées, sachets fraîcheurs et produits anti-puce, Il m’aiguillait sur de nouvelles pistes d’aides.
J’étais désespérée qu’on profitât de situation. Avoir besoin d’un tel montant attisait la convoitise. Je le constatai par de petites phrases piquantes.
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