Chapitre 6 Bruno dans le rétroviseur
On me rappela une deuxième fois. J’avais envie d’enrayer cette enquête. Un homme pétulant s’assit en face de moi avec son dossier sur l’affaire.
—Je suis le lieutenant Franck Bidier. Comment Bruno Hérésie était-il pendant votre mariage ?
—Pourquoi cette question ?
—Répondez s’il vous plaît !
La question m’avait surprise, Bruno n’avait rien affaire dans cette histoire.
—Nous avons des désaccords, il était investi dans mon association, mais les nombreuses factures en négatifs l’ont dissuadé.
—Et comment était-il quand vous étiez en compagnie d’hommes ?
—Ce n’était pas un mal pour lui que je quitte mon travail pour des raisons de santé, il avait encore davantage surveillance sur mes fréquentations masculines.
—Comment cela ?
—Il lisait mes messages et mails sur mon téléphone portable, il avait le droit d’après lui.
—Et pour Michel Dumoulin ?
—Il n’y avait rien entre nous.
—Et pour Bruno ?
—Quoi ? Nous sommes divorcés.
—D’après Richard Dumoulin, Bruno Hérésie aurait encore des sentiments pour vous.
Bouche bée, je me trouvais bête, notre amour était impérissable, j’avais encore mon nom de femme mariée. C’était bouleversant.
—Il n’est pas à inclure dans cette histoire !
—Vous le défendez !
—Non pas du tout !
—Ben si ! C’est clair : il est jaloux et il ne veut pas d’hommes autour de vous.
—Cela ne fait pas de lui un assassin !
—Cela dépend jusqu’à quel point va sa jalousie.
Franck reçut un SMS :
—Il était dans la rue de Michel Dumoulin vers 20 heures 50 et dans le secteur de la forêt vers 23 heures 25.
—Comment expliquez-vous sa présence sur les lieux des deux crimes ?
—Ben…ce n’est pas possible… je ne l’ai pas vu du tout … c’est une erreur …pas Bruno…
Le père de mes enfants était un criminel !
L’homme que j’avais aimé.
Le père de mes enfants.
Exclusif encore aujourd’hui ?
Au point d’épier mes moindres déplacements.
Pas Bruno, non.
Pas lui.
Complètement sonnée.
Je l’avais ruiné.
Et là, c’était la fin de tout.
Je nageai dans une bourbe.
Allez Marlène, mets le carburant ! Sois solidaire de ton ex après ce qu’il a fait pour toi !
Toi ça, c’est ma faute !
Scotchée.
Après tout ce temps, il m’aimait encore.
Devrais-je m’en réjouir ? En avoir peur ? Me méfier de lui ou du policier ?
—Michel Dumoulin était peut-être un concurrent à éliminer.
—Non, il n’aurait pas tué Nadia ni Michel.
—Il y a peut-être au chose…qui nous échappe.
—Certainement.
—Ceci dit Richard avait créé une cagnotte au nom de Jérémy Dosso avec l’accord de Bruno Hérésie, car l’argent lui serait revenu.
Là, ce fut le pompon.
C’était un abus.
Le mufle.
Ah mais non, je suis bête !
C’était ça vouloir me donner un coup de main en me piquant mes sous !
Un peu plus j’allais fondre pour lui alors qu’en réalité…
—Qui est propriétaire de votre maison ?
—Il est mon copropriétaire.
Franck se gratta le menton et l’autre main posée sur la hanche.
—Si j’ai besoin de vous…
Franck se prit un café, Joël fit de même.
—Tout tourne autour de cette maison, ce Bruno Hérésie…
—Je pense comme toi, il complotait avec quelqu’un, parmi ses SMS…
—J’ai fait la demande auprès de l’opérateur.
—Comment pouvait-il sur les lieux des deux crimes ?
—Si c’est l’auteur…c’est pour son ex-femme, il a peut-être appris par Nadia…et…il a tué Michel Dumoulin…
—Pas Nadia, il ne l’aurait pas tué dans ce cas ou alors…le tueur a brouillé les pistes avec les traces de doigts sur la barre de fer.
—Je n’imagine pas une femme tabassé une femme.
***
Le soir, Joël tapa à la porte de Bruno. Il venait de se doucher, les cheveux encore humides, la fraîcheur du déodorant se sentait. Avant même de pénétrer dans la pièce, Joël remarqua grâce à sa bonne acuité, au fond de la salle de séjour, un vivarium avec des reptiles avec derrière un poster d'un paysage d'une prairie.
—Bonsoir monsieur Hérésie, j'ai quelques questions à vous poser sur les meurtres de Michel Dumoulin et Nadia Bolcho.
—Je vous en prie, prenez la peine d'entrer.
—Merci
Joël s'avança jusqu'à un tableau.
—Je ne suis pas un expert. Quel est le nom du peintre de cet œuvre ?
—De Marlène, la peinture, c'est dada.
—Je n'ai pas vu ça chez elle.
—Elle n'a plus le temps aux loisirs depuis ses animaux. Surtout qu'il n'y a rien de lucratif dedans ni de rendement.
—Ce n'est pas une entreprise non plus.
—Il ne s'agit pas d'une simple anicroche son histoire, mais un problème récurrent.
—Je ne suis pas venu parler d'elle, mais de vous.
— Moi ?
—Oui, vous étiez sur les lieux des crimes à 20 heures 50 et 23 heures 25 en même temps que Marlène Hérésie.
Bruno a une mine déconfite. Il s'assit.
—Les téléphones portables ne mentent pas.
Son subconscient reconstituait la scène de cette soirée avec des images brèves.
—Le meurtre de Nadia a été particulièrement un carnage, beaucoup plus que Michel Dumoulin.
Bruno finassa.
—Les nouvelles technologies nous…incitent à les exploiter comme un jeu avec des applications sur le téléphone portable sans…rentrer dans la vie intime de la personne.
—Mais encore ?
—Pour retrouver un numéro de téléphoner où il est par exemple.
—Avec celui de Marlène Hérésie par exemple.
—Oui mais je ne suis pas rentré chez Michel Dumoulin. J’ai vu les voitures de Marlène et quelqu’un d’autre ainsi que le van de Nadia et je suis parti.
—Non, il y a aussi 23 heures 25, qu’avez-vous fait entretemps ? Plus de deux heures après, vous étiez dans le bois.
—Je suis venu ici. Je voulais me coucher et je me suis aperçu qu’elle n’était pas encore chez elle.
—C’est dans vos …
—Non pas du tout, j’étais au courant du rendez-vous avec Michel Dumoulin. J’avais cerné le personnage depuis longtemps. Lors du divorce de Michel, Nadine ne s’était pas gênée pour proclamer haut et fort sa perversité lorsqu’elle s’éméchait. Pour Marlène, ce n’était pas une partie de plaisir ce soir-là d’être avec lui. Sinon pourquoi aurait-elle demandé à Nadia…
—Comment… ?
—Nous sommes vus quelques jours avant sa mort.
***
Quelques jours avant le meurtre...
Un spectacle se déroulait à la salle des fêtes de la ville, sur le thème l'halloween organisée par l'école avec la musique d'un générique d'un film "les Gostbusters. Nadia était assise sur son strapontin à se dandiner. Nicolas était d'une nature casanière, il préféra rester chez lui. Elle n'avait pas d'enfants, mais elle compensait son manque ainsi. Voir des petites bouilles s'amuser lui donnaient la pêche. Lors de l'entracte, les spectateurs avaient la possibilité de se rafraîchir.
Nadia vit Bruno boire seul dans son coin. Nadia le happa.
—Je n'aurais pas cru te voir ici.
—Toi non plus Nadia, alors quoi de neuf ?
—Rien de particulier, toujours les soucis avec Marlène, d'ailleurs, elle m'a demandé un coup de main.
Bruno siffla.
—Je croyais que vous étiez en froid.
—Oui, mais ce n’est trois fois rien.
—C'est-à-dire ?
—Je dois ... aller chez Michel Dumoulin.
—Pour elle ?
—Oui, à sa demande.
Bruno soupira.
—Comme si elle ne pouvait pas...
—Ah non, mais elle sera là aussi.
—Ben, pourquoi ?
—Elle n'était pas très chauvine à la base, c'est pour son association.
—Toujours ça.
—Oui, Marlène a toujours eu de la vaillance et c'est son sacerdoce qui la met en valeur.
—Peut-être. C'est quand ?
—Jeudi soir.
—Elle devrait agir en toute autonomie !
—Oui, mais si seulement cela pouvait l'alléger un peu !
Bruno fit preuve d'ironie.
—L'esclavage est aboli !
Nadia fronça les sourcils, elle sortit et s'assit sur un banc.
—Ton humour à deux balles Bruno ! Je suis assez grande...
Bruno se reprit.
—Tu te fais avoir à chaque fois avec elle.
—Je suis laxiste surtout.
—Ok désolé. Quel est son but ?
—Pour une subvention auprès de la mairie. Michel serait l'intermédiaire.
Bruno eut le visage fermé.
—C’est l’être le plus détestable avec son sourire démoniaque et son air supérieur.
—C’est pour la continuité pour Marlène.
—J’essaye de mon côté avec Richard et ce n’est pas dans l’illégalité.
Nadia rougit au nom de Richard. Son rythme cardiaque s'accélérait. Ses joues picotaient Sa respiration fût saccadée lorsqu'elle se reprit.
—Heu...Toi et .. Richard...
Bruno lui détailla son plan. Il fallait user d'astuces et sans impunité. Marlène voyait son association comme sa Madeleine de Proust, alors qu'elle était un abcès. Elle était en état déphasage lorsqu'elle parlait de son " travail "qui n'était pas partiel mais à plein temps. Seule la peur l'éperonna d'un coup mais trop tard pour se botter. Il deviendrait son nouvel organiste de sa vie. S'il réussissait à avoir assez d'argent pour sa maison, il convertirait Marlène à autre voie avec Richard pour un camping. La partie était loin d'être gagnée, avec cinq cents euros de côté, ils étaient dans un cul de sac. Il regrettait même son divorce avec elle. Ils avaient un cercle d'amis en parfaite cohésion, mais tout se dérapa par la suite. On le traita d'égoïste, alors qu'il était altruiste. Son capital disparaissait en poussière. Il voulait sauver sa peau et Marlène ne voulait rien entendre. Il parlait de Nadia et Nicolas, elle comprit le message. Bruno se laissa gagné par l'émotion et Nadia lui présenta ses plus plates excuses. Il portait sa croix à sa manière du déclin de sa femme et ne pas avoir été à la hauteur. Nadia se montra affectueuse en le prenant dans ses bras.
—Marlène ne se rend pas compte qu'elle est veinarde d'avoir un ex-mari qui se soucie d'elle.
Le ventre de Nadia gargouilla.
—J'ai un petit creux, ils vendent des crêpes, ça te dit ?
—Non merci, je dois me lever à l'aube et je n'ai pas besoin de tisane sédative pour dormir.
—Va donc, Marlène est en bonne main avec moi, il ne lui arrivera rien.
—Bon, je te laisse Nadia. Ton concubin va se languir...
-Oui, un capricieux surtout ! Si je ne décape pas les volets cet été avec lui, il me fera un caca nerveux.
Bruno rit.
—Allez bonne soirée !
***
—Donc Michel se révélerait un adversaire redoutable pour vous.
—Pourquoi ?
—Sentimentalement et aussi... point de vue argent. Tout ça serait crédible et concorderait. La jalousie serait un bon mobile...
—Cela aurait pu mais non. Je connais Marlène, elle ne serait pas tombée dans le panneau avec lui. Ce n'est pas son type d'homme.
—Sauf si en prime à l'horizon, un avantage se profile au bout.
—Elle ne laisserait pas faire si facile, une vraie tigresse prête à griffer.
—Cela dit, vous êtes suspect, vous étiez sur les lieux des...
Bruno tapa ses deux mains sur la table.
—Quelqu’un d’autre était là autre que Nadia et Marlène. La voiture de Michel était dans son garage, car il était ouvert.
—Une voiture haut perchée.. un pick-up immatriculée 92 en tout cas. Je n’ai pas retenu.
—Couleur ?
—Rouge.
—Parfait. En attendant, je vous demanderai de ne pas quitter le territoire !
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