Chapitre 20 : Les bougeoirs

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Le réveil fut pire que tout. Ses paupières ne voulaient pas se lever. Loënia avait l’impression d’être malade et de n’avoir aucune force.

Son téléphone portable chargeait, posé sur la table de chevet, pendant que le soleil se levait gracilement. Les volets n’avaient pas été fermés.

La jeune femme se leva sur ses coudes. L’effort fut tel qu’elle eu la tête qui tournait. Elle lutta contre elle-même et s’assit. Elle observa rapidement le tableau de la dame à la robe bleue, gémit. Elle passa sa main dans ses cheveux pour les mettre derrière ses oreilles. Elle prit son téléphone portable. Elle avait reçu un message de Braken qui lui expliquait qu’Ambatine avait été amenée au palais par des soldats mandatés et que le procès aurait lieu dans trois jours. Il avait envoyé un second SMS, quelques minutes après, pour lui intimer de calmer “les ardeurs démoniaques de son papy”. Si elle savait que ce message visait Adrien, elle espérait qu’il n’était pas allé chercher lui-même Ambatine.

Elle lui en voulait énormément. Il l’avait droguée pour qu’elle soit hors d’état de protester.

Raison et Horod avaient également essayé d’appeler Loënia. Cette dernière envoya un message à sa sœur pour lui dire que tout allait bien pour elle et qu’elle était avec Adrien. Elle se réjouissait d’avoir tout raconté à Raison. Sa soeur savait que leur mère avait attaqué Loënia parce que celle-ci avait amorcé des recherches sur ses parents biologiques.

Loënia, dans ses habits de la veille, se leva. Ses jambes elles-mêmes peinaient à la porter et ne semblaient avoir qu’un désir : la voir retourner au lit le plus vite possible. Elle se laissa tomber sur le sol. Elle avait envie de pleurer.

Le parquet était tiède. Loënia, les larmes aux yeux, le caressait d’une main. Elle observait le plafond et le lit qui lui semblaient si haut et inatteignable.

Elle songeait à Ambatine. La femme qui l’avait élevée, qui était à ses yeux sa mère, qui avait assassiné ses parents biologiques et qui l’avait empoisonnée car Loënia l’avait découvert. Elle sanglota.

La situation n’aurait pas pu être pire. Lelio, le sorcier qu’elle avait rencontré à Lent-sorceler, avait finalement raison, les soucis avaient débarqué dans sa vie. Recouvrer la mémoire n’avait eu qu’un seul avantage : elle se rappelait de tout concernant Rashnoé. Leur scolarité ensemble, les enchantements qu’ils avaient appris mutuellement, les tas de cookies qu’elle lui avait offerts, les poèmes et les textes qu’il lui avait fait lire. Tout.

Et son bras était maintenant recouvert d'un tatouage brun.

Elle avait envie de lui téléphoner mais, en toute logique, il fallait d’abord qu’elle se lève, qu’elle se lave et qu’elle reçoive l’aval d’Adrien pour quitter les lieux sans se faire une nouvelle fois droguer.

Loënia se redressa en agrippant les pans du lit. Elle se racla la gorge, coiffa ses cheveux, prit les vêtements sur le bahut, se demanda d’où il venait et à qui ils appartenaient et ouvrit la porte.

Elle ne sursauta pas lorsqu’elle vit deux vampires plantés devant sa porte. L’un était une femme aux longs cheveux bruns tandis que l’autre était un homme albinos. Elle les observa un moment, son cerveau essayant de comprendre ce que ces individus faisaient devant sa porte.

-Je vais prendre une douche, argumenta-t-elle devant le mutisme et la fixation de ses gardes.

Elle traversa le couloir, entra dans la salle de bain et ferma la porte à clef manuellement. Loënia, bien que peu éveillée, fut exaspérée de devoir le faire à la main. Au bout de quelques années de pratique, il était bien plus facile d'ouvrir la porte avec un enchantement.

Une fois de plus, elle ressortit de la salle de bain glacée. Elle ne comprenait toujours pas comment le mécanisme de la baignoire fonctionnait. Y-avait-il seulement de l’eau chaude dans cette maison ?

L’homme et la femme qui avaient gardé sa chambre étaient toujours présents lorsque la fée sortit de la salle de bain.

-Pouvez-vous me mener à Adrien, s’il-vous-plaît ?

-Bien sûr, princesse, répondit l’homme albinos.

Elle n’aimait pas ce sobriquet. Elle ne fit cependant aucun commentaire et se contenta de marcher derrière les deux vampires. Elle avait l’impression d’être essoufflée. Elle ne savait pas si ce phénomène était entièrement dûe à la drogue présente dans son organisme hier soir où si le sortilège présent dans la maison qui l'empêchait de pratiquer la magie jouait également un rôle dans son état.

Arrivée au pied de l’escalier, Loënia réprima un bâillement. Le salon était presque vide. Seul un vampire jouait à un équivalent de Candy crush sur le canapé, le son au maximum, tandis que deux femmes vampires discutaient près de la cheminée éteinte. Aucun des trois ne les regardèrent, ce qui rassura Loënia. Être invisible était un privilège.

Ils entrèrent tous trois dans une petite salle obscure à la tapisserie désuète. D’une porte émergeait des flonflons de discussions que les oreilles de Loënia n’arrivaient pas à comprendre.

L’albinos se tourna vers elle, un air suffisant planté dans le regard.

-Tu n’as qu’à attendre là. De Val ne devrait pas tarder.

La femme au cheveux presque aussi longs et sombres que sa robe claqua la langue.

-Monsieur de Val, le reprit-elle. Tu vas finir par avoir des ennuis, Andréas.

-C’est du pareil au même, rechigna l’homme.

-Merci de m’avoir guidé, intervint Loënia d’une voix aiguë de petite fille.

Lorsqu’elle était mal à l’aise ou stressée, comme au téléphone ou face à des étrangers, sa voix montait facilement de plusieurs octaves.

Les deux vampires se retirèrent. Loënia était seule dans ce cagibi, uniquement accompagnée de deux bougeoires murales et d’une chaise de bois sombre. La fée s’assit. Elle regarda son téléphone puis le rangea dans la poche de son pantalon. Elle était gênée de porter les vêtements d’un inconnu, ou plutôt, d’une inconnue. Le pantalon beige et le pull en laine blanc lui allaient bien, mais ce n’était pas la liberté que lui offrait ses robes.

Loënia s’assit sur la chaise. Puis, elle se mit à remuer les jambes pour s’occuper. Elle fit cela jusqu’à ce que ses mollets ne la tiraillent de trop. Elle soupira. Elle passa ses mains dans ses cheveux. Elle hésitait entre les laisser pousser pour les avoir jusqu’aux seins ou alors les couper courts jusqu’aux oreilles.

Elle lissa ses pointes courbées, faute de lisseur. Elle se refusait à songer à Ambatine, au moins jusqu’à ce qu’elle ne se trouve en face d’Adrien. S’il l’avait drogué, c’est qu’il avait forcément une idée derrière la tête. Avait-il assassiné Ambatine ? Après tout, il laissait ses vampires commettre des meurtres sur des fées, des sorciers et des humains en Bretagne. Il ne devait pas être en reste. Et ses sœurs ?

Elle saisit son portable et envoya un message à Raison.

Coucou, comment allez-vous ? Et maman ? Je vais bien. Je suis avec Adrien. Faites attention à vous, s’il-vous-plaît. Lo’

Elle releva la tête et sursauta. Thaïs se tenait dans l’encadrement de la porte, aussi surpris qu’elle.

-Oh, je ne savais pas que tu étais là, s’excusa-t-il. Bien dormi ?

Loënia trouva sa question déplacée mais, songeant qu’il ne l’avait pas fait exprès et qu’il était le seul vampire sympathique avec elle, en dehors d’Adrien, elle lui sourit.

-Aucun souci, j’attends qu’Adrien sorte.

Au moment où elle finit sa phrase, ils entendirent tous deux très distinctement, un bruit terrible. C’était comme si un meuble avait été détruit ou écrasé. Loënia se releva de la chaise.

-Qu’est-ce que c’est ? L’interrogea-t-elle.

Thaïs haussa les épaules.

-Adrien rend la justice. Tu vas t’y faire, ajouta-t-il devant l’air hébété de la fée. Ah, il arrive, c’est bon.

Trois secondes plus tard, le meneur du clan franchissait la porte et souriait aux deux jeunes gens.

-Tu avais quelque chose à me dire ? Questionna-t-il aussitôt Thaïs.

Loënia se demandait comment Adrien avait pu faire tant de bruit et ressortir indemne.

Le vampire hocha la tête et récita des paroles dans une langue que Loënia ne connaissait pas. Adrien lui répondit dans le même dialecte et Thaïs s’en fut.

-Comment te sens-tu ?

La lumière des bougeoires promenait des ombres inquiétantes sur le visage du vampire.

Loënia opta pour le sarcasme :

-Comme si j’étais morte mais pas assez morte. Ce que tu m’as fait est vraiment injuste mais peu importe, ça n’a aucune importance pour le moment. Qu’est-ce que tu as fait hier soir et est-ce qu’Ambatine se porte bien ?

Adrien acquiesça.

-Je n’ai pas pu la voir, ce que je regrette. Elle est emprisonnée au palais des Terralin et sera jugée dans plusieurs jours. Je te le précise tout de suite : tes sœurs vont bien. Je m’en suis assuré en allant chez toi. Tu ne plaisantais pas quand tu me menaçais, ta maison réagit vraiment face aux vampires ! J’ai failli me prendre une marre de clous dans le visage. Je crois que Raison m’a repéré mais je ne suis pas resté papoter, j’avais autres choses à faire comme ma déclaration contre Ambatine Oppralin. J’ai témoigné car elle a assassiné mon arrière-petit-fils, mon arrière-belle-fille et qu’elle t’a enlevé. Ton roi m’a reçu en personne et m’a écouté. Il a l’air bien avisé et sensé, mais je crains que son cerveau soit atteint par une tumeur que j’appellerai “folie”. Croit-il réellement qu’une paix équitable soit possible entre les vampires, les fées, les sorciers et les loups ?

-Et les humains, marmonna Loënia.

-Il ne pense pas ce qu’il dit, tout de même ?

Loënia cligna des yeux devant Adrien. Elle avait assisté à plus de discours pacifistes d’Horod qu’elle n’avait eu d’anniversaires. Horod avait réellement pour objectif la paix. Il l’avait fait signer officiellement entre les sorciers et les fées, il ne manquait plus qu’elle soit effective entre toutes les espèces. C’était le combat de sa vie.

Elle ne parvint pas à argumenter. Elle balbutia quelques mots puis se ravisa. Elle avait besoin de s’asseoir.

-Ambatine est en prison, alors ?

-Elle aura un procès équitable et, connaissant les us et coutumes des fées, finira probablement en prison toute sa vie alors qu’elle devrait mourir éviscérée sur la place publique.

-Tu te portes volontaire ? Ironisa Loënia. Nous sommes au XXIè siècle et la peine de mort est abollie en France.

-Ne sois pas insolente, j’étais née en 1981, Loënia.

-Alors ne sois pas condescendant. Ma mère sera jugée équitablement et il est hors de question qu’elle soit tuée par quiconque. Elle doit payer pour ce qu’elle a fait. Alors, oui, elle ne souffrira peut-être pas physiquement mais je suis persuadée que la douleur mentale qu’elle ressentira pendant toutes ces années à crever entre quatre murs sera tout au moins pire.

Adrien n’ajouta rien pendant un moment. Loënia détourna la tête. Elle ne voulait pas se disputer avec lui et elle savait qu’elle ne devrait pas le faire. La situation était anxiogène et ils auraient dû se soutenir mutuellement. La fée était toujours furax d’avoir été droguée contre son gré.

-Je vais rentrer voir mes sœurs. Elles ne doivent pas comprendre grand chose à la situation.

Adrien se retint de dire quelque chose. Loënia lui lança un regard interrogatif.

-Rien. J’aimerais que tu restes ici mais je suppose que je n’ai pas le droit de te retenir plus longtemps.

-En effet, répondit Loënia.

-Laisse-moi demander à un des vampires de mon clan de t’amener où tu voudras, que tu n’aies pas à y aller à pied.

J’aurais appelé un taxi, songea Loënia en entrant dans le grand salon avec Adrien. Le vampire qui jouait tantôt à Candy crush sur son téléphone portable était toujours là, étendu sur le canapé comme une tranche de raclette sur une pomme de terre.

-Garance, peux-tu prendre ta voiture et amener Loënia où elle te demandera ?

D’un coup, Garance, se retrouva debout et totalement alerte. Il hocha la tête et indiqua à la fée de le suivre.

Avant de quitter la demeure, Loënia se retourna vers Adrien.

-Je suis désolée que tu aies perdu deux membres de ta famille à cause d’Ambatine.

Coucou !

Plus qu'un seul chapitre avant la fin de la première partie... Hehe. Je suis contente de mon premier jet. Il est bien mieux que le précédent.

J'ai terrrrrrrriblement hâte que vous lisiez le prochain chapitre.

Bref,

J'espère que vous allez bien.

J'aurais pu et je VAIS appuyer davantage les émotions et les ressentis de Loënia dans ma réécriture.

Je vous souhaite une excellente journée,

Buvez de l'eau,

Jane Anne

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