Ça c’est le réel.

Allongée, les yeux levés vers le ciel, je contemple l’immense océan bleu qui s’étend jusqu’à l’horizon. Au soleil éclatant du zénith, quelques étourneaux vont et viennent au rythme d’un ballet et un vent doux et tiède fait virevolter quelques mèches sombres contre mes joues. Accompagnés par le bruissement des feuilles ; les rossignols chantent et les cigales font tinter leurs ailes : c’est la mélodie des beaux jours. Ceux que nous voudrions éternels, mais qui s’effacent toujours trop vite.

Le parfum des fleurs me traverse comme une douce brise d’été. J’inspire profondément, profitant pleinement de l’instant. En tournant la tête, quelques églantiers s’ajoutent au paysage. Plus loin, achillées, boutons d’or et coquelicots émergent du pré verdoyant et du chèvrefeuille couronne les fourrés. Miroitant sous la lumière du soleil, le pré s’est paré de ses plus belles couleurs. Quelle vue magnifique. Arborant un air de conte de fées, il n’a rien à envier au jardin d’Éden.

Si on me demandait à quoi ressemble le bonheur ; je répondrais que c’est un moment de sérénité et de bien-être absolu. On le trouve dans des détails simples, parfois quotidien, comme virevolter librement, emportant pétales et feuilles sur son passage ; comme sentir la chaleur du soleil sur sa peau, le vent qui joue dans ses cheveux comme si la nature nous embrassait. C’est un être chaleureux qui nous prend tour à tour dans ses bras et qui efface jusqu’au nom de nos chagrins. Un instant si doux où le temps semble s’arrêter mais qui disparaît sans prévenir. Tout le monde trouve le bonheur un jour ; mais personne ne peut l’attraper ou le garder éternellement.

Le mien, il est ici, entouré de fleurs. Elles peuvent raconter toutes les histoires. Les ramener à de simples couleurs ou odeurs ne serait pas leur rendre justice. Leur texture est douce, délicate parfois ferme. Des symboliques heureuses, parfois tristes mais néanmoins porteuses d’espoir. De véritables trésors à portée de main.

Je pourrais passer ma vie entière à repérer, choisir et cueillir les fleurs pour faire les plus belles compositions. Chaque nuance, chaque teinte, chaque pétale a son importance. J’observe la tige minutieusement. Elle doit être sans trop de nœuds, sans trop de feuilles, droite et bien longue tout en prenant bien soin d’enlever chaque épines pour parfaire la prise en main. Je m’amuse à assembler les couleurs et les odeurs de milles et une façon. Chaque création est unique et emplie d’amour. Bien sûr je pourrais en vivre, mes bouquets ornent tous les foyers de mon village, mais ils perdraient de leur charme. Le bonheur ne s’achète pas et mes compositions non plus, alors je les partage. Je partage un peu de tendresse et de joie avec quiconque croise mon chemin : ils finissent tous un bouquet dans la main.

Ils ont toujours ce sourire radieux affiché sur leur visage quand ils me voient arriver et m’accueillent avec le plaisir de sentir mes nouveaux bouquets. Sereins ils profitent de cette bouchée de bonheur qui efface leur tourments l’espace d’un instant.

Offrir des fleurs, ce n’est pas simplement donner des plantes, c’est offrir un peu d’amour, de renouveau et égayer des cœurs. Je ne demande rien en échange et ils le savent bien : leur sourire est mon paiement.

Le cri d’un geai me sort de ma rêverie. Au milieu d’une multitude de bourgeons éclatant au soleil, je me relève et m’étire pleinement. La chaleur du soleil effleure ma peau, je ne m’étais encore jamais autant sentie à ma place. Je repère de nouveaux trésors et ma main effleure un branchage tandis que je lève le bras pour cueillir quelques clochettes violette. Un étrange frisson parcourt mon être. Jamais je ne pourrais me passer de ce bonheur.

Et l’espace d’un instant, j’en ai rêvé toute une vie.