Chapitre 6 : Père et fils

3 minutes de lecture

Un coup frappé à la porte le tira de sa lecture.

— Oui.

Un homme en armure de cuir et gantelets métalliques entra, et lui annonça :

— Prince, vous êtes attendu à l'entrevue avec les O'rocs.

— Merci Melghor.

Le soldat ne bougea pas. Kamal souffla puis referma son livre et lui emboîta le pas.

— Prince, avez-vous déjà lu le passage qui décrit la guerre de 333 ?

Kamal n'avait aucune envie de converser. Ce garde s'évertuait pourtant depuis des dizaines de solaris maintenant à discuter ou peut-être créer un lien, l'héritier était à la fois impressionné et lassé de son obstination.

Après une enfance solitaire, il avait tenté de nouer des liens à l'entrée dans l'adolescence, mais l'objectif avoué ou non d'obtenir un profit d'une relation privilégié avec le prince l'avait écœuré. En définitive, il préférait la fidélité des livres et la solitude aux faux-semblants.

Quel était le désir de Melghor ? Kamal n'en avait pas la moindre idée et cela lui importait peu. Il avait fait l'effort de retenir son nom ce qui était déjà beaucoup.

— Sire.

Le garde s'inclina puis se mit en position à droite de la porte, rejoignant son camarade dans une symétrie parfaite.

— Ahh, Kamal, tu es venu rapidement pour une fois... Tiens, je veux te montrer le document dont nous allons discuter séance tenante, enchaîna le roi.

Le prince attrapa les feuillets et se mit à lire sous l'œil critique de son père qui finit par battre la mesure de son pied, perdant patience face au mutisme de son fils.

— Un point me questionne.

— Tu as toute mon attention mais je te prie d'être bref. Nos hôtes ne vont pas tarder.

— L'accord ne stipule à aucun moment de quantité minimum pour ce tarif préférentiel ni de durée contractuelle.

Le visage du souverain devint grave.

— Crois-tu que je n'ai pas essayé ?

Kamal hésita sur la conduite à tenir.

— Père, j'ai supposé que vous souhaitiez mettre à profit mes compétences en la matière.

— Tu te crois supérieur, tout à coup ?

— Non... Loin de moi...

— Assez ! Je voulais simplement valider que tu comprenais les enjeux de ces pourparlers, me voilà renseigné : toujours à tatillonner. Ils m'ont donné un accord oral et c'est plus que suffisant. La diplomatie est un art où il va te falloir acquérir rapidement tes lettres de noblesse.

Pourquoi ces phrases méprisantes l'atteignaient-elles toujours autant qu'un coup d'estoc, voire davantage ? Les pensées rationnelles du jeune prince ne pouvaient accéder au chemin tortueux des afflux émotionnels qui affluaient et refluaient à son insu pour mettre le désordre dans son esprit.

Une étincelle s'alluma, irrépressible besoin d'affirmation de soi face à cette condescendance. Mais elle fut vite soufflée par la peur, véritable orage tempêtant dans tout son corps. Son paternel lui avait toujours inspiré la terreur du plus loin que remontait sa mémoire, elle le dominait chaque fois qu'ils se trouvaient dans la même pièce. Le souverain semblait jouir de cette situation à sa guise.

Alors Kamal revisitait ses dernières lectures. Il visualisait une page, son contenu puis la tournait. Cela l'aidait à supporter ce jeu d'humiliations dont se délectait son père. Son doigt accompagnait sa lecture mentale telle une baguette battant la lente mesure de l'assimilation du savoir.

— Oui père, merci de votre patience.

Un sourire satisfait illumina les traits anguleux du souverain.

Des grognements accompagnés de bruits de pas se firent entendre dans le couloir.

— Bien, mon fils, observe et apprends.

Kamal ponctua cette phrase d'un hochement de tête.

Une voix rauque et éraillée retentit au moment où le battant de la porte claquait dans l'air.

— Mon ami ! Quelle belle réception hier soir. J'ai particulièrement apprécié le charme exotique de vos nymphes, serait-il possible d'en faire mander au palais ? Votre prix sera le mien.

— Bien entendu, vous m'en voyez honoré.

— Et votre joyau, toujours indisponible ?

Les yeux du roi devinrent ceux d'un prédateur avant qu'un masque de bienséance ne vienne couvrir la nature profonde du souverain. Seul Kamal sembla noter ce fugace instant de spontanéité.

— Comment vous faire revenir si elle vous raccompagne ? Et je suis vieux, avec l'âge il devient difficile de changer ses habitudes. Elle est une aide précieuse à la préparation de mes traités... un temps de relaxation est toujours bienvenu... pour poser les termes d'un contrat.

Accompagnée d'un rire gras, le chef O'roc lui asséna une sonore tape sur l'épaule.

— Je comprends.

— Prenez place. Kamal, viens siéger à mes côtés.

Annotations

Versions

Ce chapitre compte 7 versions.

Vous aimez lire Valériane San Felice ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0