Les deux nymphes se dirigèrent vers la salle de répétition. Elles attiraient les regards sur leur passage. Entre l'exotisme de leur espèce et la finesse de leurs traits, nulle ne pouvait rester indifférent. Les deux amies en profitaient et en jouaient, même si à leur arrivée cela s'était avéré pesant.

D'aélyss était plus fluette et plus petite qu'R'yline. Ses yeux oscillant du bleu topaze au vert émeraude irradiaient d'énergie positive, ses cheveux étaient coupés en un carré plongeant orné de multiples barrettes qui formaient un dégradé de couleurs.

— Crois-tu que les O'rocs s'ront encore avec nous c'soir ?

R'yline souffla.

— Je ne l'espère pas, leurs manières rustres me dégoûtent. Tu as vu comme ils sont bruyants quand ils mangent !

Les jeunes filles pouffèrent discrètement.

— Et encore, tu as de la chance, tu n'auras pas à partager leur couche.

D'aélyss ponctua sa phrase d'une grimace écœurée. Le visage de sa partenaire s'assombrit.

— Il n'y a pas à dire, je préfère le raffinement du roi même si en privé, ses manières...

D'aélyss frotta sa main sur le dos de la favorite.

— Je sais et j'en suis désolée. Tu prends souvent pour nous toutes.

R'yline se redressa, ondulant son corps avec grâce. Ses yeux étincelaient d'un éclat de détermination.

— Nous avons chacune notre lot mais n'oublions pas notre place de privilégiée. Nous l'avons chèrement acquise. J'ai choisi d'être la favorite et je garderai ma place à n'importe quel prix.

— Tu as raison, répondit D'aélyss avec un sourire décidé.

Il leur fallu encore traverser trois couloirs et longer de multiples portes avant d'arriver dans une salle carré, recouverte de miroirs sur le pan de mur opposé à l'entrée.

— Vous êtes en retard.

P'tune, la matrienne, comme elle se devait de l'appeler, les accueillait le visage sombre, les mains crispées sur sa canne en bois d'ébène. Ses filles avaient vite compris que répondre ne servait à rien hormis recevoir une privation pour l'exemple.

— Veuillez nous excuser, D'aélyss a dû attendre que je termine de me préparer. Je ferai plus attention la prochaine fois.

Le statut d'R'yline lui permettait certaines largesses dont elle ne se privait pas. Le visage toujours tendu, la matrienne préféra revenir au sujet du présent solaris et pointa de sa canne un coffre en bois. Elle annonça :

— Voici vos tenues pour ce soir. Vous êtes le cadeau de départ des O'rocs, il faut leur laisser une image impérissable. D'aélyss vient montrer une tenue.

La nymphe s'exécuta et tira un ensemble doré permettant de recouvrir seulement la poitrine et l'entrejambe des danseuses. Un voile transparent recouvrait le tout. D'aélyss le plaça devant elle. Toutes les jeunes filles s'observèrent un instant, mal à l'aise.

— Nous n'aurons pas grand-chose à cacher avec cette tenue.

P'tune tapa de petits coups frénétiques sur le sol. R'yline vint aussitôt sortir une autre tenue de la malle, agrippa le voile et le déchira d'un coup sec. Il lui fallut s'y reprendre à plusieurs fois avant d'ôter complètement le tissu pour ne laisser que l'ensemble doré.

— Ainsi, le souvenir sera mémorable.

Un sourire satisfait se peignit sur ses traits, suivi de peu par la matrienne.

Bientôt chacune prit sa tenue et suivit l'exemple de leur meneuse. Perdue quelques instants dans ses pensées, R'yline imaginait déjà comment séduire le prince, vêtue de la sorte.