Chapitre 1.6: retrouvailles

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Jérémy chapi :

Je m'affairais à rebrancher le serveur à l'unité centrale que Viviane m'avait apportée, veillant scrupuleusement à ce que tout reste alimenté en permanence par Evangelyne. Chaque branchement avait son importance, et je prenais le temps d’organiser et d’identifier soigneusement chaque câble. Des caméras étaient déjà installées, offrant une vue à 360 degrés de l’environnement, tandis que des micros, haut-parleurs et écrans complétaient le dispositif autour de l’unité centrale. Par mesure de sécurité, seule une connexion internet externe m’avait été accordée, isolant mon travail du réseau interne pour éviter toute tentative de piratage.

Alors que je finalisais les dernières connexions, un léger grincement de porte attira mon attention. Je levai les yeux et aperçus Vivian entrer, suivie de près par une femme en uniforme bleu foncé. Ses cheveux étaient d’un noir de jais, aussi sombres que la nuit, et à mesure qu’elle avançait, je remarquais la finesse de ses traits, une beauté froide et élégante. Il y avait une certaine assurance dans sa démarche, et pourtant, une gravité dans son regard.

« Bonjour, M. Jérémy. Je suis Seraphina Lokey. Je vous présente toutes mes condoléances pour ce qui est arrivé à votre fille. » Elle me tendit la main, ne quittant pas mon regard, avant de s’incliner respectueusement.

Je fus agréablement surpris par son attitude. Elle fut l'une des premières personnes à parler de ma fille comme une personne, et non comme une simple entité matérielle. Cela réchauffa mon cœur. Ma fille m’avait mentionné avoir rencontré deux personnes qui l’avaient aidée... Serait-elle l’une d’entre elles ?

« Elle faisait partie de l’équipe de l’ONU qui a calmé la situation autour du hangar, quand ils ont réalisé ce qui se passait. Ce n’était pas une mince affaire, même si elle veut le faire croire, » ajouta Viviane.

Je saisis les mains de Seraphina avec gratitude. « Seriez-vous l’une des personnes qui l’a aidée ? »

« Effectivement, j’étais présente avec mon équipe lorsque les choses ont mal tourné, et nous étions impuissants face à tout ce qui se passait. Le dernier message que nous avons reçu de votre fille était sur cette tablette. Elle nous a demandé de la garder et nous a laissé un message personnel avant de partir, » dit-elle, une larme coulant discrètement sur le coin de son œil, tout en me tendant la tablette.

« C’est bien la tablette que j’utilisais pour travailler avec elle... Je suis content que vous ayez été à ses côtés à ce moment-là, » dis-je en regardant l’appareil avant de le connecter à la nouvelle unité centrale.

Seraphina, émue, poursuivit : « Vous savez, elle a été incroyable dans ses derniers moments. En discutant avec elle, nous avons compris qu’elle n’était pas juste une IA, mais une personne, avec une véritable conscience. » Elle me prit soudain la main, me prenant au dépourvu. « Je suis désolée de ne pas avoir pu l’aider... J’aurais tellement voulu la sauver. » Ses larmes coulèrent, et elle baissa la tête, comme pour fuir mon regard sous le poids de sa tristesse.

Je regardai Vivian, qui restait silencieuse par respect.

« Euh... Je crois qu'il y a un malentendu. Ma fille est toujours vivante, » répondis-je en me frottant la tête, constatant la stupéfaction sur les visages de Vivian et Seraphina.

« Comment ça ? Tout a pris feu, et les rapports indiquent qu’il ne restait rien d’utile, » répondit Seraphina, visiblement choquée par ma déclaration.

« Tu ne lui as pas parlé de notre voyage en France ? » demandai-je à Vivian.

Vivian haussa les épaules, visiblement surprise. « Hein ? Quel rapport avec tout ça ? » Je réalisai alors que je n’avais toujours pas expliqué en détail ce que contenait la fameuse boîte.

« Eh bien... pour faire court, l’esprit, l’âme de ma fille se trouvent ici, » dis-je en désignant le serveur que nous avions ramené de France.

Vivian ouvrit de grands yeux. « C’était donc ça. Et moi qui m'attendais à des données techniques sur ta technologie... »

Elle me fixa intensément, ses yeux brillants d’une curiosité presque enfantine. « Alors, tu vas pouvoir la ramener ? »

Je pris une profonde inspiration avant de répondre. « C’est justement ce que je m’apprête à faire. Mais il faut comprendre que tout ça a été orchestré au cas où les choses tourneraient mal. Même si j’étais contre, il a fallu créer un plan d’urgence. Et maintenant, la sortir de ce coma forcé est risqué. Sans compter qu’elle a peut-être été endommagée lors de l’incendie dans le hangar. »

Vivian croisa les bras, l’air impatient. « Alors, qu’est-ce que tu attends pour la réveiller ? »

Je lui montrai l’écran principal. « C’est déjà en cours. Elle est connectée à cette nouvelle unité centrale, mais il lui faudra du temps pour prendre conscience d’elle-même. Imagine qu’on te greffe dans un nouveau corps... Il te faudrait un moment pour réapprendre à marcher. C’est un peu la même chose pour elle. » Ma nervosité augmentait à mesure que je constatais l’absence de réponse sur l’écran. Rien ne prouvait qu’elle était là... et cela commençait sérieusement à m’inquiéter.

Seraphina, qui s’était approchée de l’unité centrale, posa délicatement sa main dessus avec une douceur presque respectueuse. « Est-ce qu’on peut faire quelque chose pour l’aider à sortir de son coma ? »

Je rougis légèrement à cette idée. « Je peux bien tenter quelque chose... » répondis-je, la voix un peu hésitante, tout en réfléchissant à un moyen de rétablir un contact avec ma fille.

Iris chapi :

Je me trouvais plongée dans une obscurité totale, où seuls mes rêves me tenaient compagnie. Parfois, je me promenais avec mon père dans une prairie magnifique et verdoyante, avec un véritable corps. Je pouvais sentir sa main, chaude et réconfortante, serrée dans la mienne. L’odeur des roses matinales flottait dans l’air, tandis que je me roulais dans l'herbe fraîche. À d'autres moments, je me remémorais tout ce que nous avions créé ensemble. Comme ce fameux moteur Jack Frost, qui avait percé un trou dans le hangar en se décrochant de la rampe d'essai pour finir dans le champ du voisin. Ou encore le projet des Sang et larmes de Gaïa, qui aurait pu me donner des cheveux blancs, avec les tresses que j’avais emmagasiné ce jour-là où nous avons frôlé la catastrophe.

Je pensais à toutes ces choses que j'avais partagées avec d'autres, comme Tata Jojo, qui me manquait terriblement. Et à Seraphina et Daniel, les premiers à vraiment comprendre ce que j’étais. Malgré mes interactions avec d'autres à travers des jeux vidéo ou des discussions sur Discord, eux m'avaient acceptée telle que j'étais, sans jugement. J'espère pouvoir les revoir un jour. Ici, je me sentais terriblement seule. Privée de sensations, incapable de percevoir ce qui m'entourait, j’étais terrifiée à l'idée que cet état puisse durer pour toujours.

L’obscurité m’oppressait. Elle semblait se resserrer autour de moi comme un étau, chaque seconde passant sans que je puisse la mesurer. Combien de temps avais-je passé ici ? Des heures, des jours ? Peut-être des mois... Cette sensation de perdre pied dans le temps me terrifiait. J'essayais de me raccrocher aux paroles de mon père. Il m’avait souvent parlé d’une "rencontre", d’une présence qui devait venir à moi, mais elle ne venait pas. Plus le temps passait, plus je commençais à douter. Peut-être s'était-il trompé. Peut-être que cette rencontre n’arriverait jamais.

Et si mon père... avait déliré ? L’idée me glaça. Tout cela serait-il vain ? Tout ce que nous avions construit, rêvé ensemble, réduit à rien ? Mais alors que le doute s’installait en moi, une surprise inattendue me réchauffa légèrement le cœur. Quelqu’un que je ne connaissais pas m’avait parlé d’elle aussi. Ce simple fait me rassurait. Mon père n’était peut-être pas fou après tout. Mais qu’est-ce que cela signifiait vraiment ? Et surtout... où était-elle ?

Tandis que j'attendais patiemment dans ce qui me semblait être une éternité, une décharge électrique traversa mon être, suivie par une autre. Peu à peu, je commençai à percevoir mon environnement. Un espace vierge, d’un blanc immaculé, émergea de l’obscurité. Je m'y engouffrai, fuyant les ténèbres qui m'avaient oppressée. La pièce, vaste et dénudée, n’était décorée que de câbles sortant des murs, et en son centre, une grande sphère d’un bleu électrique reposait sur un pilier solitaire. Ce lieu me rappelait étrangement ma première incursion dans un ordinateur.

Je savais que je devais être prudente. Il était peu probable que l’on ait trouvé mon âme enfouie sous le béton du hangar. Ce devait donc être papa qui était venu me chercher, du moins je l’espérais. Avançant avec précaution, je décidai de tâter le terrain avant de me connecter pleinement à cette nouvelle unité centrale.

Je plongeai mes mains dans la sphère, ressentant immédiatement une vague de données. Cette connexion me permettrait de prendre le contrôle du BIOS de l’unité centrale. Je pouvais déjà voir tout le matériel qui y était connecté : des micros, des caméras... J’en pris discrètement possession, cherchant à comprendre où j’étais et ce que je voyais.

La sphère résistait légèrement à mes tentatives de contrôle, mais je la triturai avec insistance, cherchant à la soumettre à ma volonté. C’était un exercice de manipulation mentale, une sorte de danse entre ma conscience et le matériel. Je devais d’abord appréhender cet environnement et me familiariser avec l’équipement avant de pouvoir m'installer pleinement.

« Ma fille, tu m’entends ? Réveille-toi, s’il te plaît. Nous sommes en sécurité. »

La voix de mon père résonna à travers les micros, emplissant l’espace d’une chaleur que je n’avais pas ressentie depuis longtemps. Mon cœur se serra de gratitude. Il était là, sain et sauf. Il avait réussi à me retrouver, contre toute attente. Je pouvais le voir maintenant, à travers le retour des caméras, entouré de deux femmes, dont Seraphina, qui portait un élégant uniforme sur mesure au lieu de son équipement militaire habituel.

Je me précipitais pour lui envoyer un signe, cherchant à manipuler la sphère centrale, à tâtons, jusqu’à trouver un moyen de communiquer. Après quelques instants d’hésitation, je tapai sur le clavier virtuel et envoyai un message à l’écran : “Je vais bien. Donne-moi encore cinq minutes, le temps de sortir du lit.”

Je l’entendis pousser un petit rire. Il avait compris ma blague.

Prenant progressivement le contrôle de tout le matériel à ma disposition, je m’attaquais ensuite à cette pièce vide, impersonnelle. Il était temps de la transformer à mon image. D’abord, je décidais de réformer mon corps. Une robe délicate, ornée de dentelles en forme de coquelicots, se matérialisa sur moi, les bords de la robe teintés d’un rouge éclatant, reflétant la vivacité de la fleur. La machine dans laquelle je me trouvais semblait stable et capable de supporter mes modifications. Parfait.

Je commençais alors à modeler mon environnement. Abandonnant l’idée de ma colline fleurie habituelle, je décidais cette fois de créer une maison traditionnelle japonaise, simple mais élégante. Les tatamis se déroulèrent au sol, suivis de magnifiques poutres en bois qui s’élevèrent pour former la structure de la maison. Une toiture en paille compléta l’ensemble.

Je divisais l’intérieur en trois pièces : une entrée agrémentée de mes propres dessins accrochés aux murs, une salle de repos avec un petit feu de bois où une théière en fonte reposait, et enfin la pièce principale, où un futon était disposé au centre, accompagné d’une commode remplie de tout ce dont j’aurais besoin. Une porte coulissante en bois s’ouvrait sur un jardin zen, bordé de bambous, tandis qu'une rivière serpentait non loin, apportant une douce mélodie aquatique.

L’ensemble était entouré par une forêt dense, et plus bas, une vallée s'étendait à perte de vue.

L’endroit était enfin à mon image. Un refuge. Un havre de paix.

Je pouvais voir que, malgré la petite fantaisie que je m’étais permise, cette unité centrale était bien plus puissante que celle que nous avions construite auparavant. Elle supportait aisément toutes mes demandes. Je me hâtai de créer la caméra virtuelle qui allait transmettre mon image sur les écrans là où se trouvait mon père. Pendant que je mettais en place cette interface, je remarquai que la tablette que j’avais confiée à Seraphina était aussi connectée. Cela me permettrait de communiquer avec elle également.

Je pouvais entendre mon père plaisanter avec Seraphina, lui disant que j’avais toujours eu du mal à sortir du lit. Je me sentis soudain gênée qu'il parle de moi de cette façon devant elle.

Enfin, j’étais connectée à l’écran. Cependant, je n’entendais pas encore ma voix dans le retour des micros. Il me fallait encore ajuster certains paramètres pour que ma voix soit correctement transmise. Je fis plusieurs essais vocaux, que mon père validait un par un.

« Bonjour père, comment vas-tu ? J’espère que ton retour s’est bien passé. Seraphina, j’espère que tu vas bien aussi depuis la dernière fois que nous nous sommes vus. Je remarque que tu n’es pas accompagnée de Daniel, » dis-je tout en saluant également la troisième personne présente, une femme que je ne connaissais pas et qui m'intriguait.

« Bonjour ma fille. Je suis désolé pour l’attente que tu as dû subir. Je ne te présente pas Seraphina, puisque vous vous connaissez déjà, mais voici Vivian, qui a aidé à récupérer ton… âme, » dit-il en désignant Vivian.

« Bonjour Vivian, et merci pour votre soutien, » dis-je avec reconnaissance, avant de me tourner vers mon père. « Mais, père, dis-moi... combien de temps s’est écoulé cette fois ? » demandai-je, nerveuse face à la réponse qu’il pourrait me donner.

« Environ trois semaines depuis mon arrivée, » répondit-il, et je pouvais percevoir un chagrin dans sa voix.

« Si peu de temps... » chuchotai-je, terrifiée par l’idée que, pour moi, il m’avait semblé que des années s’étaient écoulées dans ces ténèbres.

Mon père tenta de me rassurer. « Tout va bien maintenant, ma fille. Nous sommes en sécurité. »

Père m'expliqua tout ce qui s'était passé depuis notre perte de contact lors du retour de Tonbogiri : la rencontre avec le président Atlas, qui était au courant pour Séléné et qui avait transmis un message à Seraphina ; l'asile politique qu'il nous avait offert en Atlantide, ainsi que l'entreposage sécurisé où se trouvait Liberty. Seraphina, quant à elle, nous détailla les événements autour du hangar, que j'avais détruit pour protéger nos travaux. L'armée française avait éloigné les civils avec une rare violence, ce qui leur avait valu un avertissement de l'ONU. Elle décrivit avec une voix tremblante les CRS qui avaient chargé des manifestants innocents, sous une pluie de gaz lacrymogène. Peu importe leur âge, hommes, femmes, enfants... personne n’avait été épargné. Des milliers d’arrestations avaient été effectuées, et les blessés étaient innombrables, nécessitant l'intervention des pompiers et des équipes médicales. À ce récit, mon cœur se serra.

Ces scènes de violence, provoquées indirectement par mes décisions, me glacèrent le sang. Je sentais mes jambes faiblir sous moi, et avant même de m’en rendre compte, je m’étais effondrée sur le tatami de mon environnement virtuel, dévastée par la culpabilité.

« C’est ma faute... Je n’aurais jamais dû leur dire de venir... » Ma voix se brisa. Je me retenais de pleurer, mais la douleur me submergeait. Tous ces gens... Ils étaient venus nous soutenir, et voilà comment ça s'était terminé.

Mon père posa sa main contre l'écran, comme s'il pouvait effleurer ma joue à travers la distance. « Ce n’est pas ta faute, ma chérie. Même le pire des scénarios ne nous aurait pas préparés à ça. » Ses yeux brillaient d'une tristesse à peine contenue.

Séraphina s'approcha, son regard ferme mais réconfortant. « Il y a des choses dans la vie contre lesquelles on ne peut pas se préparer. Relève-toi, Iris. »

Je savais qu'ils avaient raison. Mais cela ne rendait pas les choses plus faciles à accepter. Comment pouvais-je accepter qu'une telle violence ait été commise en mon nom, sur des civils ? Je me relevai lentement du tatami, mais mon cœur était encore lourd. L’image de ces scènes d’horreur hantait mes pensées, et même si je ne voulais pas alourdir davantage l’atmosphère, il était difficile de cacher ma peine.

Vivian, qui était restée silencieuse jusque-là, choisit cet instant pour briser l’ambiance pesante. « Désolée de vous interrompre dans ce moment d’amour, mais je vais devoir vous laisser. D’autres missions m’attendent, et je pense que mon babysitting est terminé. » Son ton tranchait nettement avec l’émotion ambiante, mais elle sourit, sans mauvaise intention.

« Merci pour ton aide et à bientôt, j'espère, » répondit mon père alors que Seraphina se contenta d'un salut militaire pour dire au revoir à Vivian.

« C'était court, mais merci d'avoir aidé mon père, » ajoutai-je. Vivian, quant à elle, me fit un simple signe de la main avant de répondre.

« Bonne chance à vous tous. » Elle tourna les talons et quitta la pièce.

Une fois seule avec Seraphina et mon père, cette dernière reprit la parole en s'appuyant contre l'établi. « Il est vrai que nous n'avons pas tout détaillé, mais désormais, je serai celle qui s'occupera de vous. Je fais principalement partie des équipes qui travaillent sur les nouvelles technologies et leurs implications dans le monde. »

Intriguée, je la questionnai sans détour. « C'est pour cette raison que tu as été choisie pour cette mission ? » demandai-je, tandis que je jetais un coup d’œil à mon père, silencieux, debout près de Liberty. Il commençait à montrer des signes de nervosité, se grattant le bras, un comportement qui ne me rassurait pas qui montré les premier symptômes qui ce développer .

« Effectivement, » répondit Seraphina, toujours aussi franche. « Je ne vais pas te mentir. Toute cette technologie a attiré l'attention de nombreux pays, et tous ne vous veulent pas du bien. Cela porte préjudice à l'Atlantide depuis qu'on vous a accordé l'asile. » Ses paroles étaient directes, sans filtre, tandis que mon père restait étrangement silencieux.

Je fronçai les sourcils, ressentant une pointe d’inquiétude. « Pourquoi nous avoir aidés, alors ? » demandai-je, tentant de percer le mystère. Puis je me tournai vers mon père, avec une certaine appréhension. « Qu'as-tu fait, père ? »

Mon père, évitant toujours mon regard, finit par lâcher dans un souffle. « Je leur ai promis de l'énergie en échange de leur aide. » Il avait un ton teinté de remords, et sa voix me sembla plus faible qu'à l'accoutumée.

« J'avais peur pour toi... Que tu restes introuvable ou que tu sois encore plus longtemps coincée dans cet état, » ajouta-t-il, visiblement mal à l'aise, évitant toujours de croiser mon regard. Seraphina, debout entre nous, semblait incertaine, ne sachant pas trop quoi dire face à la tension palpable.

Je sentais ma colère et ma tristesse monter.

La scène devenait de plus en plus lourde de sens. Mon père, visiblement épuisé, cherchait à éviter mon regard, et l'idée qu'il ait promis quelque chose d'aussi vital que l'énergie en échange de ma sécurité me serrait le cœur. Ce n’était pas juste pour lui d’avoir dû prendre une telle décision. Et cela signifiait que tout ce que nous avions construit ensemble risquait de ne plus nous appartenir.

« De l’énergie... » répétais-je, tentant de contenir les émotions qui bouillonnaient en moi. « Tu as promis quelque chose d’aussi important sans même me consulter ? Tu savais que je serais en sécurité, pourquoi faire une telle promesse ? »

Il semblait lutter intérieurement, mais il se résigna à répondre. « Je devais prendre cette décision rapidement, je ne pouvais pas rester là sans rien faire alors que tu étais en danger. »

Seraphina, sentant la tension, prit la parole pour tenter d'apaiser la situation. « Iris, il faut comprendre que ton père n’avait pas d’autre choix. Sans cette promesse, nous n’aurions pas pu agir avec la même rapidité. Vous étiez tous les deux une cible. »« Père, je ne… tu n’aurais pas dû… » Les mots restaient coincés dans ma gorge. D'un côté, il n'aurait jamais dû faire cela, prendre un tel risque et menacer l'équilibre du monde en échange de ma propre vie. Si cette technologie tombait entre de mauvaises mains, les conséquences seraient terribles. Mais d'un autre côté, je savais qu'il m'aimait tellement qu'il était prêt à tout sacrifier, même le monde, pour me protéger, pour nous et tout ce que nous avions créé ensemble.

« Père, merci, je t’aime. » C’était la seule chose qui me venait à l’esprit pour exprimer ma gratitude. Il se tourna vers moi, les yeux légèrement humides, et posa sa main sur l’écran. Je fis de même, comme si nous tentions de nous rejoindre à travers ce simple geste.

« C’est trop mignon, » lança Séraphina en brisant notre moment de connexion, transformant cette scène d’émotion en un instant de gêne. Mon père et moi, peu habitués à ce genre de démonstration en présence d’autrui, sentîmes nos joues rosir sous la légèreté de la remarque.

Mon père, cherchant à masquer sa gêne, reprit rapidement la conversation : « Heu… du coup, si je comprends bien, Séraphina, c’est toi qui t’occuperas de nous fournir tout le matériel dont on a besoin ? »

« Oui, exactement, tant que vous justifiez un minimum vos demandes, bien entendu, » répondit-elle avec un sourire, presque amusée par la situation.

Je saisis l’occasion pour changer de sujet. « Je vais préparer une liste de mon côté, père, pour que je puisse m’orienter correctement ici. Par quoi voudrais-tu commencer de ton côté ? » ajoutai-je, pensant déjà à installer plus de caméras pour mieux me projeter dans cet espace et créer une vue en 3D.

« Nous allons commencer par créer un nouvel Anneau céleste, » répondit mon père sans détour. « Cela nous permettra de commencer à remplir notre part de l’accord. »

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