Chapitre 1.2: Sauvetage
Jérémy Chapi :
Nous arrivions enfin en France. Après de longues explications sur le plan élaboré par Natali, ainsi que diverses conversations avec le président Atlas, qui me parlait de son pays et des lieux qu'il souhaiterait me faire visiter, ce vol était à la base purement diplomatique : le président devait rencontrer son homologue français pour discuter plus en détail de la situation d'un citoyen français retenu dans son pays.
Nous sortirons discrètement un peu plus tard pour rejoindre le hangar, où je devais récupérer ce que j'avais laissé là-bas.
Alors que l'avion entamait sa phase d'atterrissage, je serrais fermement les accoudoirs, les yeux fermés pour éviter tout malaise. Je sentis les roues frapper le tarmac de l'aéroport Charles de Gaulle, plongé dans la pénombre du coucher de soleil. Après l'arrêt de l'avion, le président Atlas se leva et me dit d'une voix sérieuse :
« Je vous souhaite bon courage pour la suite des opérations. La prochaine fois que nous nous verrons, ce
sera en Atlantide. »
Il me tendit encore une fois sa main pour dire au revoir. Malgré la nausée, je lui serrai la main et lui souhaitai :
« Bonne négociation avec les politiciens français. »
Il esquissa un ricanement en coin avant de se diriger vers la sortie, suivi de Vivian et Natali, qui lui firent un dernier salut militaire.
« Bien, il est temps de nous changer, » me dit Vivian en lançant un sac à dos noir dans ma direction.
« Enfile ça. Nous allons profiter de la pénombre pour nous faufiler hors de l'aéroport. Des voitures nous attendent à l'extérieur. »
En examinant le contenu du sac, je vis un ensemble noir à enfiler. Natali et Vivian commencèrent à se changer devant moi, comme si de rien n'était. Je me retournai, un peu gêné de voir leurs corps en sous-vêtements, alors que nous ne nous connaissions pas vraiment. Pour ne pas passer pour un pervers, je commençai à déposer ma veste habillée et à déboutonner ma chemise.
C'est alors que je sentis une présence derrière moi. Une main se posa doucement sur le devant de mon cou, accompagnée d'une tête qui se glissa à gauche de mon visage.
« Alors, qui est cette Séléné ? » reconnus-je à peine la voix de Vivian, qui avait pris une allure plus prédateur, ce qui accentuait encore ma surprise, sachant qu'elle avait été un soutien pour moi durant le vol.
e tournai lentement la tête vers elle, intrigué et inquiet. « Cela serait une longue histoire à raconter, et je ne suis pas sûr que vous me croirez. Mais vous semblez vraiment intéressée. »
Vivian sourit, un éclat malicieux dans ses yeux. « Peut-être que je devrais l'être. Après tout, cela pourrait être votre lien avec le président. »
Natali, qui avait terminé de se changer, intervint : « Vivian, je te prie d'arrêter ça pour l'instant. Nous avons une opération à mener. Laisse-le se préparer. »
Il me fallut bien deux bonnes minutes pour reprendre mes esprits après cet échange troublant. Encore un peu secoué, je terminais de m'habiller en silence. Je sortis enfin de la cabine privée du président Atlas, où je pouvais maintenant voir Vivian et Natali, en pleine discussion avec plusieurs soldats en tenue noire, équipés d'armes et de matériel militaire. Tandis que je m'avançais vers eux, Natali m’arrêta d'un geste de la main, me signifiant de ne pas m'approcher davantage. Elle termina rapidement sa conversation avec les soldats, puis tourna son regard sévère vers moi.
« Messieurs, je vous demande de me suivre à présent. À partir de maintenant, vous devez m’obéir jusqu’à notre point d’arrivée. Vivian, ouvre la voie. »
« Tout de suite, chef, » répondit Vivian, d’un ton brusque, très éloigné de la femme attentionnée qui m’avait aidé à monter dans l'avion plus tôt.
Sans un mot de plus, nous nous faufilâmes le plus discrètement possible hors de l’aéroport, en utilisant des véhicules comme une camionnette de transport de bagages pour nous couvrir. Le trajet jusqu’au grand parking fut une course silencieuse contre l’attention des autorités locales.
Là, trois berlines noires nous attendaient, prêtes à partir. Nous nous dispersâmes rapidement : trois d’entre nous montèrent dans les deux premières voitures, tandis que je rejoignis Natali et deux autres dans la troisième. En nous installant, Natali s'empara du talkie-walkie pour donner les dernières instructions.
« Voiture Napoléon, vous ouvrez la route. Voiture Asgard, vous fermez la marche, » ordonna-t-elle d’un ton ferme
.Elle se tourna ensuite vers moi, son visage adouci par une certaine bienveillance. « Profitez de la route pour vous reposer. Nous avons six heures de trajet devant nous, » ajouta-t-elle.
Épuisé par le long vol et les événements récents, je n’avais pas besoin qu’on me le dise deux fois. Je m’enfonçai dans le siège confortable de la voiture, prêt à laisser le sommeil me gagner, tandis que nous quittions discrètement l’aéroport pour une destination encore inconnue.
À côté de moi, Vivian, toujours silencieuse, gardait les yeux fixés sur la route devant nous. Son air impassible contrastait avec l’image de la femme taquine qui, quelques instants plus tôt, avait joué de son charme avec moi. Désormais, elle était redevenue la soldate concentrée, préparée pour ce qui nous attendait.
Je fermai les yeux, mais ses mots résonnaient encore dans mon esprit. Que voulait-elle vraiment savoir à propos de Séléné ? Une question que j’aurais probablement à affronter plus tôt que je ne le pensais.
« Réveillez-vous, nous arrivons. »
Je fus doucement tiré de mon sommeil, mes yeux encore embués par la fatigue. À travers la fenêtre, je reconnus à peine les silhouettes des champs agricoles éclairés par la lueur d'une demi-lune. Nous nous étions arrêtés bien avant d'atteindre mon hangar.
« Napoléon, Asgard, dégagez-nous le passage afin que nous puissions livrer l’Archange sur les lieux, » entendis-je dans le talkie-walkie.
L’Archange ? Parlait-elle de moi ? Le surnom résonnait en moi, un mélange de honte et de gêne m’envahissant. Pourquoi ce nom ?
« Pardon, mais pourquoi nous sommes-nous arrêtés ? Il me semble que nous sommes encore loin du hangar, » demandai-je, un peu perdu, en m'adressant à Natali.
Elle tourna son regard concentré vers moi, l’air impassible. « Le lieu est surveillé par des soldats français. Ils savent qu'il se passe quelque chose. Nous devons d'abord sécuriser la zone avant de vous y amener. »
Je me redressai, mon cœur battant plus vite. « Et comment allez-vous dégager le passage ? »
Vivian, à mes côtés, s'équipait déjà en silence, métamorphosée en soldate implacable. Natali, avec un calme presque déconcertant, me répondit : « Nos équipes neutralisent les menaces. Dès que la zone sera sûre, nous vous accompagnerons au hangar. Soyez prêt. »
L'idée que ce lieu, autrefois si familier, soit maintenant sous surveillance militaire m'angoissait. Mon hangar, cette maison de mes créations, était devenu une zone de conflit. Une demi-heure passa avant que le message tant attendu ne résonne dans le talkie-walkie.
« L’Archange peut avancer. »
« En route, » annonça Natali sans une once de doute.
« Pourquoi l’Archange ? » demandai-je, légèrement gêné par ce surnom étrange.
« Choix du président, » répondit-elle sans détour, comme si cela expliquait tout. Je ne pouvais m’empêcher de penser qu'Atlas avait choisi ce surnom pour me taquiner, une plaisanterie bien à lui.
Alors que nous approchions du hangar, je remarquai un point de contrôle à une intersection. Les soldats français, ou du moins ceux qui semblaient l'être, nous laissèrent passer sans poser de questions.
« Comment se fait-il qu’ils nous laissent passer si facilement ? » demandai-je, inquiet.
Natali me répondit d'un ton tranchant : « Nos hommes ont neutralisé les soldats français et pris leur place. Nous voulons éviter d'éveiller les soupçons. »
Un frisson parcourut ma colonne vertébrale. « Ils ne les ont pas… tués, n'est-ce pas ? » demandai-je, appréhendant la réponse.
Elle m'interrompit, sèche mais rassurante : « Non, ils les ont simplement neutralisés. Notre mission consiste à éviter les pertes militaires et civiles. »
Je poussai un soupir de soulagement. Même si je refusais de voir ma technologie transformée en armes, je ne voulais pas non plus qu’elle soit associée au sang versé.
Finalement, nous arrivâmes devant ce qu’il restait de mon hangar. Je descendis de la voiture, les jambes un peu flageolantes, et fus confronté à un spectacle de désolation. Le toit s'était effondré, et les pierres blanches avaient noirci sous l'effet des flammes. Le contour du hangar était délimité par des barrières, probablement pour dissuader les curieux. De grandes traces de roues marquaient le sol, labourant les champs environnants, tandis que les poutres calcinées jonchaient l’extérieur. La vision des décombres, vestiges de mon passé, me plongea dans un profond silence. Je m’avançai vers ce qui restait des grandes portes du hangar, désormais réduites en cendres.
L'intérieur du hangar, comme Natali me l’avait dit, avait été vidé. Il ne restait que des traces : un établi partiellement fondu, un évier de céramique éclaté par la chaleur, et la dalle de béton qui portait encore les souvenirs de ce lieu. Je marchai lentement, par respect pour ce qui avait été mon refuge créatif, là où tant d’idées avaient pris forme.
Les militaires avaient déposé le matériel que j'avais demandé. Je m'approchai d'un soldat. « Passez-moi un mètre à ruban et une craie, s'il vous plaît, » dis-je calmement.
Il acquiesça rapidement et me tendit les outils. Avec le mètre à ruban, je commençai à mesurer les dimensions de l'espace où se tenait autrefois mon laboratoire. Mes mains tremblaient légèrement, non pas à cause de la fatigue, mais à cause des souvenirs qui affluaient.
Tout en traçant les mesures sur le sol avec la craie, je me laissai emporter par la nostalgie. Chaque marque rappelait des jours passés à travailler sur des projets qui, à l'époque, me semblaient si prometteurs. Je fermai les yeux un instant, essayant de revivre ces moments précieux.
« Il faut creuser ici, » annonçai-je en désignant l’endroit. La voix de Natali me ramena à la réalité.
« Qu'est-ce que vous espèrez retrouver ? » demanda-t-elle, son regard perçant toujours sur moi.
« L'avenir de l'humanité, rien de plus, et les personnes qui m'attendent, » répondis-je sans détour.
Les militaires arrivèrent avec les marteaux-piqueurs. Je leur donnai les consignes : creuser à environ 50 cm du sol et, lorsque cela deviendrait plus tendre, s'arrêter immédiatement. Les coups des marteaux-piqueurs résonnèrent autour de nous, et je commençai à déblayer les gravats du trou formé par les soldats. Peu à peu, je distinguai une pellicule de mousse isolante, signe que nous approchions de notre but. Je m’empressai de déblayer chaque morceau de mousse qui gênait le passage, jusqu'à tomber sur une boîte en métal.
« Enfin, je te retrouve, » murmurai-je, ému. Je demandai qu'on prépare des moyens de levage et de soudage pour pouvoir extirper cette boîte. La douleur dans mon bras gauche se faisait de plus en plus insistante, mais je m'en fichais ; rien ne pouvait m'arrêter maintenant. Alors que la boîte, de la taille d'un petit frigo, sortait de terre, trois gros câbles pendaient sur le côté. Je demandai qu'on la dépose doucement sur le côté. Une porte, sans serrure ni poignée, était clairement dessinée sur cette boîte, mais rien n'indiquait comment l'ouvrir, sauf pour moi.
Je pris les puissants aimants que j'avais demandés et les déposai à des endroits bien précis sur le coffre avant de me placer à genoux devant. Je réalisai qu'il n'y avait plus aucun bruit autour de moi ; j'étais complètement concentré, ignorant ce qui m'entourait. Je posai le dernier aimant sur le côté, déclenchant un déclic, et la porte s'ouvrit de 1 cm. Une lumière éblouissante s'échappa de l'ouverture, inondant l'obscurité dans laquelle nous étions.
J'ouvris complètement le coffre, un système qui ressemblait à un serveur, alimenté par l’anneau céleste. Au-dessus, se trouvait une boîte en bois de la taille d'une boîte à biscuits.
« Bonjour, petite sœur. Désolé pour l'attente et merci d'avoir pris soin d'elle, » murmurai-je, à peine audible pour les personnes qui m'entouraient.
« Une personne de confiance, s'il vous plaît. Qu'elle vienne avec la valise, » demandai-je sans détour.
Vivian se tenait à mes côtés, la valise ouverte. Je pris la valise et déposai délicatement la boîte en bois à l'intérieur, avant de tendre la poignée de la valise à Vivian. Mais avant de l'accrocher, je plongeai mon regard dans ses yeux marron.
« Ce que tu tiens dans ta main, c'est l'avenir de l'humanité ! Ressens le poids de ce que tu transportes actuellement, » insisti-je, fermant la valise pour bien lui faire comprendre la valeur inestimable de ce qu'elle transportait. Ce qui restait à l'intérieur était tout ce à quoi je tenais, et qui était plus précieux pour moi que tout.
Je sortis ensuite le serveur de l'intérieur de la boîte de métal, avec l'Anneau Céleste, Evangelyne, logé en son centre, fournissant toute l'énergie nécessaire pour alimenter le dispositif en permanence. Malgré son poids considérable, je manipulai le serveur avec précaution. Des militaires s'approchèrent pour m'aider, mais je refusai leur assistance d'un simple geste de la main. C'était mon travail, et je ne laisserais personne s'en charger à ma place.
Je soulevai le serveur par les poignées, une de chaque côté, et me dirigeai vers la voiture pour le déposer avec précaution sur le siège passager. Puis, je me retournai vers les militaires et déclarai : « Nous pouvons rentrer. Il n'y a plus rien à récupérer ici. »
Natali s'approcha de moi, un air sérieux sur le visage. « Nous avons rempli notre part du contrat. J'espère qu'à votre retour, vous tiendrez votre promesse. »
« Ne vous inquiétez pas pour ça, » répondis-je calmement, avant d'ajouter : « Puis-je vous demander une dernière chose ? »
Elle me regarda droit dans les yeux. « Quoi donc ? »
« Pouvez-vous rester près du serveur pendant un instant ? J'ai besoin de récupérer quelque chose. »
Son regard se fit plus méfiant, presque accusateur. « Vous cachez encore quelque chose ? »
Je secouai la tête. « Non, c’est juste... un souvenir que je veux récupérer. »
Elle fit un geste de la main, m'invitant à faire ce que j'avais à faire. Pendant que les soldats rangeaient le matériel et se préparaient au départ, je me dirigeai vers le mur de briques partiellement effondré. Là, je ramassai une brique du hangar, un symbole de ce lieu chargé de souvenirs. Ce morceau de pierre représentait tout ce que j'avais vécu ici : la joie, la douleur, les espoirs et les échecs. Je voulais garder ce souvenir pour ne jamais oublier ce que ce lieu avait signifié pour moi, qu'il s'agisse du passé, du présent ou même de l'avenir.
Je retournai ensuite à la voiture, où Natali avait repris son rôle de copilote. Vivian se tenait à l'extérieur, de l'autre côté du véhicule, surveillant les alentours. Avant de m'installer à l'intérieur, je jetai un dernier coup d'œil à ce bâtiment qui avait abrité tant de souvenirs. Le soleil commençait à se lever à l'horizon, enveloppant les champs dans une douce lueur dorée. Une larme roula silencieusement sur ma joue, reflet des émotions refoulées. Avant que trop de souvenirs ne refassent surface, je montai dans la voiture et fermai la porte. Il était temps de me concentrer sur l'avenir qui m'attendait.
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