Chapitre 1.5: présent

9 minutes de lecture

Jérémy chapi :

Enfin, nous étions arrivés en Atlantide. Je n'avais qu'une seule hâte : descendre de cet avion et reprendre la suite de mon projet. Une voiture nous attendait à la sortie de l'avion. Je remarquai Natali, avec son sérieux habituel, raccrocher son téléphone. Vivian, toujours avec la valise en main que je lui avais confiée, veillait tandis que je m'occupais de descendre le serveur de l'escalier.

La voiture nous conduisit au cœur de la base militaire, nichée en partie dans la montagne. Elle nous déposa devant l'entrée, où l'on m'amena un chariot pour m'aider à déplacer le serveur à l'intérieur.

« Suivez-moi, je vous prie », me demanda Natali d'un ton direct, me guidant à travers les longs couloirs blancs qui débouchaient sur plusieurs grandes portes, suffisamment larges pour laisser passer un camion.

« Où allons-nous ? » demandai-je, intrigué, tandis que nous nous enfoncions de plus en plus dans la montagne.

« Vous verrez bien », répondit-elle, tout en restant vague. Nous arrivâmes devant une grande porte d'ascenseur, ou plutôt un monte-charge, vu sa taille imposante, bien deux fois plus grande que les autres portes. Natali utilisa son empreinte digitale sur un lecteur, passa ensuite une carte magnétique, et enfin, entra un code de sécurité. Nous étions bien dans un complexe sécurisé, à en juger par toutes ces mesures, sans compter les nombreuses caméras que je pouvais apercevoir.

La porte du monte-charge s'ouvrit, révélant le même système de sécurité. À l'intérieur, aucun bouton d'étage ou indication ne permettait de savoir où nous étions. Tout semblait automatisé. Lorsque les portes se refermèrent, je sentis que nous descendions encore plus profondément.

« Vous comptez m'enfermer dans les profondeurs de cette montagne ? » plaisantai-je pour détendre l'atmosphère.

« Pas exactement », répondit Natali, son ton neutre ne me rassurant guère, alors que l'ascenseur continuait de descendre.

Enfin, le monte-charge s'arrêta après une longue minute de silence. Les portes s'ouvrirent à nouveau sur un couloir similaire à celui que nous avions vu plus haut. Ce complexe était bien plus vaste que je ne l'avais imaginé. Natali me mena finalement devant une grande porte qu'elle ouvrit de la même manière que le monte-charge.

La pièce plongée dans l'obscurité s'illumina légèrement lorsque Natali entra. La salle était assez grande pour accueillir un avion entier, avec des murs d'un blanc éclatant, seuls le sol, gris ciment, et les marquages de véhicules indiquaient que cette pièce était bel et bien utilisée. Je reconnus plusieurs machines industrielles, dont un tour d'usinage et une découpeuse laser. mais ce qui attira immédiatement mon attention, c'était la présence du Liberty, posé en plein centre de la pièce.

La silhouette familière d'Adamaï, posé sur un des établis, qui me serra le cœur.

« Bon anniversaire ! » lança Vivian avec un sourire amusé.

« Ce n'est pas mon anniversaire, mais j'apprécie le geste », répondis-je en me dirigeant vers le Liberty.

Je déposai le serveur à côté d'Adamai et murmurai : « Nous voilà enfin réunis », tout en posant ma main sur la carlingue du Liberty. La peinture avait été brûlée lors de l'entrée dans l'atmosphère, et les moteurs montraient les signes du sabotage que j'avais effectué avant de tomber d'épuisement.

« Je n'aurais jamais cru le revoir entier, » dis-je, repensant aux innombrables heures de travail acharné que j'avais consacrées à ce vaisseau avec ma fille.

« Je ne vais pas vous mentir, beaucoup de monde voulait le récupérer, sans parler de le démonter pour en comprendre le fonctionnement. Les vidéos de votre atterrissage ont été montrées au monde entier, et ils ont pu constater que les moteurs avaient pris feu. Nous avons déclaré que la source d’énergie avait été détruite dans l’incendie. Actuellement, seules une poignée de personnes sont au courant que les deux sources d'énergie se trouvent ici. »

Vivian posa la mallette sur l'un des établis, tandis que je réfléchissais à tout ce qui venait de m'arriver.

« Pourquoi tout cela ? Quel est mon statut, actuellement ? Suis-je un prisonnier ? » demandai-je, assailli par des doutes et incapable de leur faire pleinement confiance.

« Je pense qu’il y a méprise. Actuellement, vous êtes un réfugié politique, et nous ne vous voulons aucun mal. Cet endroit vous est offert par notre président, et vous êtes libre de vos mouvements à l’intérieur de ces lieux », répondit-elle en me tendant une carte d'accès.

« Votre empreinte digitale a déjà été enregistrée quand vous étiez à l’hôpital. Pour ce qui est du code d’accès, il faudra que nous vous l’enregistrions. Vous trouverez ici tout ce dont vous avez besoin, et pour ce qui est de la restauration, nous vous montrerons le réfectoire plus tard. »

« Pourquoi ? » demandai-je, toujours sceptique. Tout cela cachait forcément quelque chose.

« Vous semblez vraiment ne pas comprendre. Le président, pour une raison qui m'échappe, vous tient en haute estime. Vous auriez un lien avec lui à travers cette soi-disant Séléné. Cela devrait plutôt être moi qui devrais être troublée par cette situation, je vous ferai remarquer », dit-elle en me pointant du doigt, un brin de frustration dans sa voix.

Était-ce de la jalousie que je percevais ?

« Désolé, mais je suis comme vous. Je ne savais même pas qu'il la connaissait, et tout cela me semble irréaliste. Jusqu'à présent, je ne sais toujours pas si je peux vous faire confiance. »

« Du calme, vous deux », intervint Vivian avec un sourire amusé, cherchant à apaiser la situation.

« Que voulez-vous que je fasse exactement ? » demandai-je, désireux de comprendre leur intention.

« Ce que vous avez prévu depuis le début : donner de l’espoir à l’humanité », répondit Natali, le regard déterminé.

« Très bien. Dans ce cas, j’aurai besoin d’aide, mais avant toute chose, d’un ordinateur suffisamment puissant », dis-je, exposant mon premier besoin.

Vivian et Natali quittèrent la pièce, me laissant enfin seul. Je pris un moment pour observer plus en détail le lieu. Il y avait trois pièces à gauche de l'entrée que je n'avais pas remarquées. La première était un WC, la deuxième une magnifique salle de bain avec une grande baignoire, et la troisième, une chambre simple mais confortable, équipée d’un grand lit et d’une penderie remplie de vêtements, allant de tenues de travail à un costume trois-pièces, identique à celui que je portais lors de ma rencontre avec le président Atlas.

Après une douche bien méritée pour rafraîchir mon corps autant que mon esprit, je me dirigeai à nouveau vers l'atelier. La douleur persistante dans mon bras gauche devenait de plus en plus insupportable, mais je choisis de l'ignorer pour me concentrer sur la tâche à accomplir. J'enfilai un jogging et un t-shirt trouvés dans la penderie, troquant ainsi mon costume pour une tenue plus confortable.

Je me retrouvai à nouveau face à Liberty, mon vaisseau, qui était dans un bien mauvais état. Les multiples impacts de météorites qui avaient frappé la coque étaient visibles. Le parapluie protecteur, quant à lui, était presque détruit, marqué par d’énormes cratères. En faisant le tour, je constatai les traces de brûlures sur le côté du vaisseau, certainement causées par l’explosion du missile. Tous ces souvenirs douloureux remontèrent à la surface, et je réalisai qu’il était probablement temps pour Liberty de prendre un repos bien mérité.

Alors que je m'approchais de Adamai et d'Evangelyne, l’ouverture soudaine de la grande porte interrompit mes réflexions. Vivian apparut, tirant une palette sur laquelle reposait une énorme unité centrale, transportée par deux militaires.

« On vous dépose ça où, monsieur ? » demanda-t-elle avec un sourire.

« Par ici, s'il vous plaît », répondis-je en désignant un coin de l'atelier. Puis, me sentant coupable de ma dernière discussion avec Natali, j’ajoutai : « Natali n'est pas revenue. J'espère que je ne l'ai pas vexée. »

« Ne vous inquiétez pas, elle a vu bien pire que ça », répondit Vivian avec un air rassurant. Après que les deux hommes eurent déposé l’unité centrale, elle me tendit un portable au design sobre, bien loin des smartphones modernes.

« Dans ce portable, vous trouverez certains numéros de contact en cas de besoin. N’en abusez pas. »

« Ça me gêne depuis un moment, mais serait-il possible de nous tutoyer ? Je me sentirais plus à l’aise », demandai-je.

Vivian éclata de rire. « Comme tu veux, mais tu pourrais bien le regretter, mon mignon », dit-elle avec un clin d’œil malicieux, tout en s'approchant de moi et en m’enserrant contre l’établi, sa jambe se glissant entre les miennes. Cette proximité soudaine me rendit mal à l’aise.

« Tu sais, Natali n'est pas si stricte que ça, au fond. Il faut juste prendre le temps de la connaître. Et moi aussi, j’aimerais bien faire plus ample connaissance », dit-elle d'un ton enjôleur.

Je posai doucement une main sur son épaule pour la repousser gentiment. « Désolé, mais mon cœur est déjà pris », répondis-je avec une sincérité désarmante, mes joues prenant probablement une teinte rouge sous l’effet de l’émotion.

Vivian recula légèrement, un peu gênée. « Désolée, je suis allée trop loin, je crois. » Elle baissa la tête avant de reprendre : « Déformation professionnelle... Je veux bien qu'on parle de nous, mais en tant qu'amis, d'accord ? »

Je m’assis sur une chaise à côté de l’établi et joignis mes mains. « Par où commencer ? Je ne vais pas te résumer ma vie tout seul, je suppose que tu as déjà lu un rapport sur moi. »

Vivian acquiesça. « Mais un rapport ne détaille pas les émotions que j'ai vécues ni ce que j’ai réellement traversé. La perte de ma famille dans un tragique accident, le décès de mes grands-parents... tout cela a été très lourd à porter. J’ai eu l’impression d’être abandonné deux fois dans ma vie. Et c’est pour cela que je refuse désormais qu’on me sépare des gens que j’aime. J’ai toujours eu du mal à faire confiance, sauf à une poignée de personnes. Peut-être que j’attendais trop d'eux. Aujourd'hui, j'ai pris une décision : fonder ma propre famille, et si je le peux, éviter que ce genre de tragédies n’arrive à d'autres. C’est ce qui m’a poussé à me lancer dans ce projet. Je ne veux pas qu'on me prenne mon rêve. »

Vivian écouta attentivement, puis répondit d'une voix douce : « Je comprends que la vie ne se passe pas toujours comme prévu. Je ne peux pas prétendre savoir ce que tu as vécu, mais je vois ta volonté. Tu devrais te méfier, Jérémy. Un jour, tes ailes pourraient fondre à force de t'approcher trop près du soleil. »

Je répondis sans hésitation : « C'est un risque que je suis prêt à prendre. »

Vivian sourit, amusée par ma détermination. « Très bien, alors je suppose que c'est à moi de parler maintenant », dit-elle en m'offrant une légère révérence de la main pour m’inviter à l’écouter.

« Il faut que tu comprennes que je ne peux pas tout te dire à propos de moi ou de mon travail. Beaucoup de choses sont classées secrètes. Mais je peux t’expliquer quelques éléments. Natali, que je surnomme affectueusement "Nana", et moi, nous nous connaissons depuis bien avant notre formation militaire. Nous avons traversé pas mal de mésaventures ensemble. »

Je pouvais voir Vivian rougir légèrement en mentionnant le surnom "Nana", détournant son regard de moi. Je plongeai mes yeux dans les siens pour l'encourager à poursuivre. « Bon, d’accord, » dit-elle en soupirant légèrement. « Nous faisons partie du groupe LADA, une unité d'élite un peu comme le GIGN en France. Natali et moi ne travaillons pas dans la même branche, donc nous ne nous croisons pas souvent. Pour cette mission, j'étais là pour assurer ta protection en tant que garde du corps et pour veiller à ce que tout se passe bien. D’ailleurs, ma mission s'achève aujourd'hui. »

Vivian se leva de sa chaise, et je ressentis une petite pointe de tristesse à l’idée qu’elle pourrait bientôt partir. « Est-ce que nous nous reverrons ? » demandai-je, espérant prolonger cet échange.

Elle me regarda avec un sourire énigmatique. « Oui, certainement. Mais je ne pars pas tout de suite. J’ai encore quelqu’un à te présenter avant de partir. »

« Moi aussi, j'ai quelqu’un à te présenter, » répondis-je, me tournant vers l’unité centrale qu’elle m’avait apportée. « Maintenant que tu m’as ramené ça, je peux enfin te montrer quelque chose d’important. »

Annotations

Versions

Ce chapitre compte 1 versions.

Vous aimez lire Jérémy Chapi ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0