Chapitre 2.0 : réunion au sommet

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jeremy chapy :

La semaine passa à une vitesse folle. Entre les derniers ajustements pour la fabrication de la machine capable de produire les anneaux célestes de taille TITAN et la rigueur de la formation intensive avec Natali, mes journées étaient chargées. Si tout se passait bien, la machine serait opérationnelle à mon retour de la conférence de l’ONU. Mais en attendant, je devais serrer les dents et supporter les leçons implacables de Natali sur l’éthique politique et le vocabulaire diplomatique, tout en gardant à l’esprit les enjeux colossaux de ce qui m’attendait.

Je préparais ma valise pour mon départ imminent en Suisse, où je devrais présenter mes différents projets devant les 190 États membres. Le simple fait d’y penser me faisait monter une boule dans la gorge, mais je n’avais pas le choix. Ma fille, fidèle à elle-même, serait à mes côtés tout au long du voyage, connectée via sa tablette. Ce projet, après tout, était aussi le sien, et je voulais qu’elle partage ce moment avec moi, même à distance.

Alors que je vérifiais une dernière fois mes affaires, une sonnerie retentit à la porte de l’entrepôt. Iris, toujours attentive, alla ouvrir. Après un bref échange, elle m’appela depuis l’entrée :

« Père, tu as un invité. »

Je sortis de ma chambre, intrigué, pour découvrir Pavel se tenant dans l’entrée. Sa présence me surprit. Il s’approcha de moi, et immédiatement, je sentis une tension inhabituelle dans l’air. Nous nous saluâmes par une poignée de main, mais son expression était plus grave qu’à l’accoutumée.

Son ton sec et direct me déstabilisa. « Pavel, je voulais te dire… » commençai-je, mais il me coupa, son regard dur plongeant dans le mien.

« Je comprends ce que tu fais et ta volonté, » déclara-t-il d’une voix ferme. « Tu nous as suffisamment tout expliqué lors de la soirée. Je suis désolé d’avoir réagi froidement, mais c’est ma fille. Je l’aime, et ton remède, Jérémy… » Il marqua une pause, son regard s’assombrissant davantage. « C’est de la torture avant tout. »

Ses mots me frappèrent comme un coup de poing. Je savais que cette conversation serait difficile, mais l’entendre ainsi, si direct, était douloureux. Il continua, d’un ton sec mais empreint d’une émotion qu’il contenait avec peine :

« La seule chose qui m’a convaincu d’accepter, c’est la volonté de ma propre fille. Elle m’a dit qu’elle était prête à tout pour vivre la vie qu’elle voulait, et je ne peux pas lui refuser ça. Mais sache que ce n’est pas une décision que j’ai prise à la légère. »

Je pris une profonde inspiration, sentant le poids de sa déclaration. « C’est pour cela que j’ai hésité à vous montrer ces vidéos, » dis-je avec sincérité. « Mais je voulais être transparent avec vous, que vous soyez préparés à tout ce que cela implique. »

Pavel me fixa un moment, puis hocha lentement la tête, comme s’il pesait encore chaque mot avant de les prononcer. « Merci pour ça. Merci d’avoir été honnête, même si c’était difficile. Mais, Jérémy… promets-moi une chose : fais tout ce qui est en ton pouvoir pour qu’elle survive. Je te confie ce que j’ai de plus précieux. » Sa voix trembla légèrement sur ces derniers mots, laissant transparaître la profondeur de son inquiétude et de son amour pour sa fille.

Je posai une main ferme sur son épaule, cherchant à lui transmettre un peu de réconfort et de certitude. « Je te le promets, Pavel. Je ferai tout ce qui est possible pour qu’elle réussisse et pour qu’elle vive la vie qu’elle mérite. Je ne prendrai aucun risque inutile. »

Il acquiesça en silence, mais je pouvais sentir le poids de ses émotions dans son regard. Il recula d’un pas, cherchant peut-être à masquer ce qu’il ressentait. Iris, qui avait discrètement observé l’échange à distance, s’approcha doucement. Ses gestes étaient empreints de cette sensibilité naturelle qu’elle savait si bien exprimer.

« Merci d’avoir pris cette décision, » dit-elle d’une voix douce mais ferme. « Je sais que ce n’est pas facile, et cela signifie beaucoup pour nous. »

Pavel esquissa un faible sourire, visiblement ému par ses paroles, mais son regard revint vers moi. Plus grave, plus direct. « Jérémy… sache une chose : je n’oublierai jamais ce que nous avons vécu ensemble. Mais je te le dis franchement… si jamais je venais à perdre ma fille à cause de ça… » Il marqua une pause, les mots semblant lui écorcher la gorge. « Je ne pourrais pas te pardonner. »

Le poids de sa déclaration s’abattit sur moi comme une chape de plomb. Je n’essayai pas de répondre immédiatement, car aucun mot n’aurait suffi à apaiser une telle douleur. Je me contentai d’acquiescer, acceptant cette responsabilité supplémentaire avec gravité.

Sur ces mots, Pavel quitta l’entrepôt, son dos légèrement voûté par le fardeau émotionnel qu’il portait. Je restai là, immobile, le regard perdu un instant dans le vide. Ce qu’il venait de dire résonnait en moi comme un rappel brutal des enjeux. Iris, toujours à mes côtés, posa sa main mécanique sur mon bras, un geste à la fois discret et réconfortant.

Je pris une grande inspiration, chassant mes pensées pour l’instant. Je suis prêt à tout. J’ai fait trop de sacrifices pour m’arrêter maintenant. J’avais un monde à convaincre et des promesses à tenir. L’échec n’était pas une option. Les mots de Pavel, bien qu’ils pesassent lourd sur mes épaules, résonnaient comme un rappel de l’importance de ma mission. Son amitié récente et sincère, malgré sa douleur, m’offrait une motivation renouvelée, mais aussi la sensation d’une épée de Damoclès suspendue au-dessus de moi.

Je terminai de préparer ma valise, disant au revoir à Evangelyne et Adamai avant mon départ. Ma fille, fidèle à elle-même, restait connectée avec moi via la tablette, m’accompagnant ainsi dans cette transition cruciale. Natali m’attendait à la sortie de la base, droite et impeccable, comme toujours. Elle m’accueillit avec ce salut respectueux qu’elle m’avait patiemment enseigné ces derniers jours, insistant sur le fait que je devais, à partir de maintenant, être irréprochable dans tous mes gestes.

C’est alors que je le vis : mon pire ennemi. Un avion de ligne, stationné sur le tarmac, prêt à décoller. Mon cœur se serra à l’idée de monter dans cette boîte volante. Mais Natali, fidèle à son rôle de formatrice implacable, se plaça stratégiquement au pied de l’escalier, m’attendant. Je compris rapidement qu’elle comptait encore jouer son rôle à fond.

Elle tendit légèrement le bras, un sourire énigmatique sur les lèvres. « Monsieur Chapi, votre bras, je vous prie, » dit-elle, jouant son rôle avec une élégance étudiée. Résigné, je lui offris mon bras droit, la laissant s’y agripper comme si elle avait réellement besoin d’un soutien.

« Merci, très cher, » répondit-elle avec une légèreté moqueuse, avant de me pincer discrètement le bras pour m’encourager à monter.

Malgré mes réticences à l’idée de monter dans cet avion, je l’accompagnai dans son mouvement, gravissant les marches une à une. À mi-chemin, elle s’arrêta soudain et, se tournant légèrement vers moi, ajouta d’un ton sérieux : « Rappelez-vous qu’à notre arrivée, il y aura probablement une foule de journalistes. Je vous conseille donc de les saluer avec assurance. »

Je me prêtai à son jeu, levant la main pour saluer un tarmac presque vide. À part les six militaires présents, il n’y avait absolument personne. Elle, néanmoins, conserva son expression impassible, comme si elle ne remarquait pas l’absurdité de la situation. Ce n’est qu’après avoir vu mon geste qu’elle consentit enfin à me laisser monter dans l’avion.

À l’intérieur, je m’installai dans mon siège, remerciant intérieurement le ciel pour ce court répit. J’avais encore une longue route à parcourir, et cette étape, bien que déroutante, marquait un nouveau départ dans ma mission. L’Assemblée m’attendait, avec tout ce que cela impliquait.

Les secousses de l’avion me tirèrent brusquement de mon sommeil. À travers le hublot, je vis la piste d’atterrissage se dessiner sous les roues de l’appareil. Nous étions bien arrivés en Suisse. Le ronronnement des moteurs s’estompa peu à peu, et je jetai un coup d'œil à l’allée, attendant patiemment l’autorisation de me lever. Une fois la consigne donnée, je me dirigeai vers les toilettes pour me débarbouiller et chasser les dernières traces de fatigue.

Alors que je regagnais mon siège, Natali, toujours impeccable dans sa posture et son attitude, se tourna vers moi. « Le président Atlas est déjà sur place pour nous accueillir. Je vous prie de respecter le protocole que je vous ai enseigné. »

Ses mots, bien qu’attendus, déclenchèrent une légère tension en moi. Revoir le président Atlas, depuis notre voyage commun, me ramenait à des souvenirs complexes. L'homme était un diplomate hors pair, mais aussi un penseur subtil, capable de lire dans les pensées de ses interlocuteurs comme dans un livre ouvert. Je devrais être à la hauteur.

Alors que l’équipage ouvrait les portes de l’avion et que les premiers rayons du jour illuminaient le tarmac suisse, je pris une profonde inspiration. Une foule de journalistes s’était massée autour de la voiture chargée de nous récupérer, leurs caméras et flashs créant une véritable tempête visuelle malgré la lumière du jour déjà bien installée. En bas des marches, je reconnus immédiatement le président Atlas, debout, serein, attendant notre descente avec ce calme presque légendaire qui le caractérisait.

Je descendis les marches accompagné de Natali, accrochée à mon bras, comme un prolongement naturel de cette façade diplomatique que nous devions incarner. Une fois au sol, elle salua le président avec son élégance habituelle, et je fis de même, inclinant légèrement la tête en guise de respect. Quelques mots furent échangés avant que nous nous retournions tous les trois pour une photo officielle. Les flashs crépitèrent de plus belle, capturant chaque détail, chaque expression.

Une fois la séance photo terminée, nous montâmes dans la voiture qui nous attendait. L’habitacle, spacieux et feutré, offrait une oasis temporaire à l’abri de la frénésie extérieure.

« C’est encore pire que ce à quoi je m’attendais, » dis-je sans détour, en repensant à cette mer de journalistes rassemblés à notre arrivée.

Atlas, assis face à moi, esquissa un sourire compréhensif. « Et ce n’est que le début, Jérémy, » répondit-il calmement. « Sache que ta venue est très attendue. J’ai eu l’occasion d’échanger avec certains dirigeants, et leur curiosité est palpable. »

Natali, appuyée confortablement contre le siège, ne put s’empêcher d’ajouter d’un ton légèrement moqueur : « J’espère que vous ne ferez pas de bourde pendant ces rencontres. Ce serait… regrettable. »

Je tournai la tête vers elle, souriant malgré moi. Ces derniers jours, j’avais remarqué un changement dans son comportement. Elle semblait plus détendue, presque complice, une attitude qui tranchait avec la rigidité initiale de nos échanges. Était-ce le fruit de cette formation intense que nous avions traversée ensemble ? Ou voyait-elle désormais que je n’étais pas une menace pour son monde si soigneusement ordonné ?

« Ne vous inquiétez pas, » répondis-je avec un sourire amusé. « Je ferai de mon mieux pour rester dans les clous. »

Atlas observa l’échange avec une curiosité discrète, ses yeux pétillant d’un amusement bienveillant. L’atmosphère dans la voiture, bien qu’emprunte d’un certain poids, restait étonnamment légère, une parenthèse avant les tensions inévitables de la journée à venir.

Nous échangeâmes sur divers sujets alors que la voiture nous menait lentement vers notre destination. Le président Atlas, fidèle à lui-même, se montrait attentif et patient, écoutant mes propos avec une concentration presque désarmante.

Profitant d’un moment de calme, je sortis ma tablette et l’allumai. L’écran s’illumina, et le visage souriant d’Iris apparut aussitôt. « Monsieur le Président, permettez-moi de vous présenter officiellement ma fille, Iris, » dis-je en inclinant légèrement la tête.

Atlas haussa un sourcil, visiblement intrigué, avant qu’un sourire chaleureux n’éclaire son visage. « C’est un honneur de vous rencontrer, mademoiselle Iris, même à travers un écran, » dit-il d’une voix calme et empreinte de sincérité.

Iris, toujours impeccable dans une tenue trois pièces soigneusement assortie aux couleurs de la mienne, répondit avec une politesse naturelle : « Merci, Monsieur le Président. L’honneur est pour moi. J’espère avoir l’opportunité de collaborer avec vous à l’avenir, au-delà de cette petite introduction virtuelle. »

Atlas laissa échapper un léger rire, bienveillant. « Vous avez de l’ambition, jeune fille, et je respecte cela. Vous semblez partager l’énergie et la détermination de votre père. »

À travers l’écran, je pouvais presque ressentir la fierté d’Iris, bien qu’elle la dissimulât derrière sa retenue habituelle. « Nous travaillons ensemble depuis le début. Tout ce que vous verrez dans les prochains jours est le fruit d’un effort commun. »

Natali, assise à mes côtés, observait la scène avec un intérêt silencieux. Je pouvais deviner qu’elle notait mentalement chaque détail de cet échange. Atlas, quant à lui, semblait sincèrement impressionné. « Vous avez bien de la chance, Jérémy, d’être entouré d’un tel soutien. Un esprit jeune et brillant peut souvent surpasser des années d’expérience. »

Je hochai la tête avec un sourire. « Je ne pourrais pas être ici sans les personnes qui ont cru en moi, et sans celles, comme vous, qui m’ont apporté leur aide au moment où j’en avais besoin. »

La voiture poursuivit son trajet tandis que nous finalisions l'organisation des étapes du rassemblement. Nous peaufinions certains détails, notamment les pays susceptibles de soutenir notre initiative ou, au contraire, de s’y opposer, en nous appuyant sur les discussions préalables menées par le président Atlas.

De temps à autre, je m’évadais brièvement de nos échanges pour admirer le paysage suisse qui défilait. À travers les vitres teintées, je pouvais apercevoir les sommets enneigés des montagnes qui se dessinaient majestueusement à l’horizon. Ces instants fugaces de contemplation apportaient une sérénité inattendue dans un contexte chargé de responsabilités.

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