Chapitre 6
Je reste allongée dans le lit, le regard rivé sur le plafond. La lumière du matin filtre à peine à travers les rideaux. Le bruit de la ville me parvient, lointain, mais ça ne m'atteint même pas. Je suis là, figée, comme si le temps s'était suspendu autour de moi. Mes pensées tournent en boucle, et je sens cette sensation de malaise qui ne me lâche plus depuis quelques jours.
Je ferme les yeux un instant, mais tout ce qui revient, c’est ce rêve. Ce rêve où Tom était là, mais où tout était… différent. Je l’ai vu me regarder, mais ce n’était pas ce regard que j’avais l’habitude de recevoir. C’était… étrange, presque menaçant. Je secoue la tête, repoussant cette image. Il faut que je me lève. J’ai du travail. Mais je n’arrive pas à bouger.
Le silence dans la chambre est lourd. Trop lourd.
Je jette un œil vers Tom, qui dort encore à côté de moi. Il est là, allongé, avec son visage paisible, mais je sais qu’en ce moment, il n’est pas vraiment lui-même. Ces derniers temps, il devient distant. Il me parle moins, et quand il le fait, il y a toujours quelque chose de… glacial. J’ai l’impression de ne plus savoir où je suis avec lui.
Je finis par me lever, les jambes un peu molles, et je me dirige vers la cuisine. Le froid du carrelage sous mes pieds me fait frissonner. Je me verse un café, essayant de faire disparaître cette angoisse sourde. Je prends une gorgée, mais même le café ne réussit pas à effacer la tension dans ma tête.
Je me laisse tomber sur une chaise, le regard perdu dans le vide. C’est comme si tout autour de moi devenait flou. J’essaye de penser à autre chose, mais il y a ce bruit qui me fait sursauter : mon téléphone vibre sur le comptoir. Un message. Je fronce les sourcils, attrapant l’appareil sans vraiment savoir pourquoi. Quand je vois le nom qui s’affiche à l’écran, mon cœur rate un battement.
Noah.
Je me mords la lèvre. Je n’ai pas envie de lui répondre. Pas maintenant. Pas dans cet état. Mais je ne peux pas m’empêcher de regarder son message.
Tu as bien dormi ?
Je relis la question plusieurs fois, comme si elle allait changer. Je ne sais pas pourquoi, mais ce message me déstabilise. Chaque fois que Noah m’écrit, je me sens… tiraillée. C’est comme une petite voix dans ma tête qui me dit qu’il n’est pas juste un collègue, qu’il est plus. Mais je chasse cette pensée. Je ne peux pas. Pas maintenant.
Je prends une inspiration profonde et tape une réponse, presque sans réfléchir.
Oui, un peu, merci. Et toi ?
Mon doigt hésite un instant sur l’écran. Pourquoi ai-je ajouté cet emoji ? Un sourire pour cacher ma propre confusion ? Un moyen de détourner l’attention de ce que je ressens vraiment ? Je n’en sais rien.
Mais je n’ai pas le temps d’y réfléchir davantage. La porte de la cuisine s’ouvre, et je sursaute. Je tourne la tête et je vois Tom. Il est là, debout dans l’encadrement de la porte, les bras croisés. Son regard, froid, est fixé sur moi.
Il ne sourit pas. Je le sais avant même qu’il parle.
— Tu réponds à Noah maintenant ?
Mon cœur fait un bond. La question tombe comme un coup de tonnerre. Un silence s’étend entre nous. Je suis paralysée, incapable de répondre tout de suite. Est-ce qu’il a vu le message ? Je n’ai même pas remarqué qu’il était réveillé.
Je prends une grande inspiration, mais mes mots semblent coincés dans ma gorge.
— Je… C’est juste un message.
Il ne répond pas tout de suite, mais je sens ses yeux me dévisager. Ce regard… il n’est pas le même. Il y a quelque chose de glacial dedans, quelque chose que je n’arrive pas à comprendre. Et ça me fait froid dans le dos.
Je repose mon téléphone sur la table, mais ça ne suffit pas à effacer cette tension. Je sens la pression monter. Chaque mouvement de Tom, chaque mot qu’il prononce, me fait me sentir plus petite. Il n’est plus l’homme que j’ai connu. Pas complètement.
— Tu penses vraiment qu’il n’y a rien entre vous ?
Sa voix est douce, presque trop douce. Trop calme. Je sens la colère sous ses paroles, mais il essaie de la dissimuler.
Je déglutis, mon estomac se tord. Je ne sais pas quoi répondre. Je veux tout effacer. Tout effacer et fuir cet instant, mais je suis là, figée, comme si la moindre parole pouvait tout faire basculer.
Et cette petite voix qui me dit que quelque chose n’est pas normal. Que je me perds. Que je me fais perdre.
Tom partit sans un mot, me laissant seule dans la cuisine. Une larme roula le long de ma joue, que je laissai couler sans effort. Le silence m’écrasait, chaque seconde me renvoyant à cette douleur sourde qui me tenait. Je pris une profonde inspiration et me levai, mes jambes tremblantes sous l’effort.
Je me dirigeai vers la salle de bain, m’arrêtais un instant devant le miroir. Mon visage fatigué me renvoyait une image que je ne reconnaissais pas. Je me passai de l’eau froide sur le visage, espérant effacer un peu de ce poids sur ma poitrine. Mais rien ne disparaissait. Tom et son regard glacial hantaient encore chaque coin de mon esprit.
Je fermai les yeux un instant, tentant de me ressaisir. Je n’avais pas le choix, je devais avancer. Même si tout en moi criait de m’arrêter, je me forçai à respirer profondément. Puis, je me regardai une dernière fois, tentant d’afficher une calme que je ne ressentais pas.
Quelques minutes plus tard, j’arrivai devant le commissariat. En traversant le couloir, je tombai sur Noah. Il me fixa intensément, puis, sans prévenir, il attrapa mon poignet, me forçant à m’arrêter.
— Est-ce que tout va bien ? demanda-t-il, sa voix portant une inquiétude que je n'avais pas anticipée.
Je détournai le regard, espérant masquer ce tourbillon d’émotions qui m’envahissait. Je répondis, presque froidement :
— Oui, ça va.
— Regarde-moi dans les yeux.
À contrecœur, je levai les yeux vers lui. Là, je le vis. Une lueur étrange, presque menaçante, dans ses prunelles. Ça me paralysa sur place, une gêne palpable me traversant.
Sans réfléchir davantage, je pris la décision de fuir. Je me détournai brusquement et me dirigeai vers l’accueil, là où Laura m’attendait, laissant Noah planté dans le couloir, sans un mot, sans une réponse.
Je sentais encore son regard sur moi, même après que j’ai tourné les talons.
Je savais pas si c’était moi… ou si c’était lui qui déclenchait ça. Ce mélange de peur, d’attraction, d’urgence presque animale. J’avais envie de fuir. Et en même temps… j’avais envie qu’il me rattrape.
Mais il ne le fit pas.
Pas ce jour-là.
Arrivée à l’accueil, encore un peu secouée, je racontai à Laura ce qui venait de se passer avec Noah. Elle m’écouta en silence, un sourire en coin accroché aux lèvres. Elle ne dit rien, mais son regard en disait long : elle trouvait ça bien trop intéressant pour ne pas savourer chaque détail.
Plus tard, à la pause déjeuner, je l’aperçus dans le hall.
Noah.
Adossé contre le mur, les bras croisés, le regard perdu quelque part très loin d’ici. Il avait l’air… absent. Comme si le monde autour de lui n’existait plus.
Je m’approchai doucement et posai une main sur son épaule.
Il sursauta, visiblement surpris de ne pas m’avoir entendue arriver.
— Ça va ? demandai-je doucement.
Il tourna lentement les yeux vers moi. Une lueur étrange, presque douloureuse, traversa son regard.
— Je reviens d’une intervention, souffla-t-il. Ça m’a un peu retourné.
Je le dévisageai un instant, hésitante. Il avait l’air sincèrement ébranlé, plus vulnérable que je ne l’avais jamais vu.
— Je vais me chercher à manger à la boulangerie, juste à côté. Tu veux venir avec moi ? Ça te changera les idées.
Il hésita une seconde, puis hocha lentement la tête.
— Ouais… pourquoi pas.
On sortit ensemble dans le froid sec de la fin de matinée. Aucun de nous ne parla tout de suite. Le silence n’était pas pesant, juste… suspendu, comme si chacun cherchait ses mots.
Ce fut lui qui le rompit.
— C’était un accident de la route. Une voiture retournée. Une gamine de huit ans à l’arrière. Elle respirait à peine quand on est arrivés.
Je tournai la tête vers lui, surprise. Il ne parlait presque jamais du terrain.
Il serra la mâchoire.
— Elle avait le même regard que ma petite soeur. Quand on l’a sorti de la voiture… elle me fixait sans bouger, comme si elle savait déjà que c’était foutu.
Un frisson me parcourut.
— Elle est… ?
Il secoua doucement la tête.
— Non. Elle est vivante. Juste… entre deux mondes, tu vois ?
Je ne savais pas quoi répondre. Il semblait loin, encore bloqué dans cette scène.
— Je sais que c’est pas mon rôle de m’attacher. On n’est pas censés… Mais y’a des visages que tu peux pas oublier. Elle, c’en est un.
On arriva devant la boulangerie. L’odeur du pain chaud nous enveloppa dès qu’on passa la porte, mais je ne le quittai pas des yeux. Il évitait mon regard, visiblement troublé d’avoir autant parlé.
— Merci, souffla-t-il finalement. De m’avoir fait sortir un peu.
— Tu sais, tu peux me parler, Noah. Même quand c’est moche. Surtout quand c’est moche.
Il tourna lentement la tête vers moi. Son regard s’accrocha au mien une seconde de trop. Puis ses lèvres frémirent dans un sourire à peine perceptible.
— Faut faire gaffe à ce que tu dis, Lexie. J’pourrais finir par te croire.
Il y avait quelque chose dans sa voix, un mélange de défi et de douceur, qui me fit oublier pendant une seconde que j’avais promis de garder mes distances.
Une tension imperceptible, mais bien réelle, s’installa entre nous. Et j’aurais juré qu’à cet instant précis, on était sur le fil.
Et pendant qu’il parlait, pour la première fois, j’ai eu l’impression qu’il me laissait vraiment entrer dans son monde.
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Tu es arrivé(e) jusqu’ici, et ça me fait super plaisir
Laisse-moi un petit "j’aime" ou dis-moi ce que tu as pensé de ce chapitre en commentaire, je lis tout avec attention !
La suite arrive vite, reste dans les parages !
— Sacha
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