Chapitre 8

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Le lendemain matin, en ouvrant les yeux, je constatai que le lit était étrangement vide. Tom n’avait pas passé la nuit ici. Une vague de colère balaya aussitôt l’inquiétude qui m’avait assaillie la veille. Je saisis mon téléphone, espérant qu’il m’aurait enfin envoyé un message, mais rien. Toujours rien.

Un bruit soudain, le claquement de la porte d’entrée, me fit sursauter. Je me levai précipitamment, et en me précipitant dans le hall, je le vis enfin : Tom, debout, là, comme si de rien n’était.

— Alors, je peux savoir où tu as passé la nuit ?

Tom se tenait là, toujours silencieux, les yeux fixés sur le sol. Mais moi, je n'avais plus aucune patience. Je me rapprochai de lui, la colère brûlant en moi.

— Où tu étais, Tom ?! Pourquoi tu n’as pas dormi ici hier soir ? C’est quoi ton problème ?! Je suis pas un... un canapé où tu viens t’effondrer quand ça t’arrange !

Il releva enfin les yeux, son regard noir et glacé me transperça. Un silence lourd s’installa avant qu’il ne réponde, sa voix basse et pleine de reproches.

— Et toi, Lexie ? Qu’est-ce que tu me reproches exactement ? De m’éclipser un moment quand tu passes ton temps à te rapprocher de Noah, hein ? Ça va, vous êtes déjà assez proches comme ça, non ?

Je me figeai. C’était un coup en plein cœur. Mon souffle se coupa un instant avant que la rage ne m’envahisse à nouveau.

— Qu’est-ce que tu racontes ?! Noah et moi, ce n’est rien ! C’est toi qui fuis à chaque occasion, toi qui ne veux même pas me parler ! T’es où quand j’ai besoin de toi ? Dans les bras de qui tu passes ta nuit ?

Il s’avança d’un pas brusque, presque menaçant, me fixant droit dans les yeux. Il était hors de lui, et je pouvais voir la tension dans ses mâchoires serrées.

— J’en ai marre, Lexie. T’es toujours en train de chercher des excuses, à faire comme si tout allait bien, alors que toi et Noah, c’est pas aussi innocent que tu veux bien le dire ! T’as besoin de moi ? Mais moi, je suis là à souffrir en te voyant te rapprocher de ce type !

Je reculai d’un pas, prise dans la tempête de ses mots. J’avais mal, mais je n’allais pas le laisser me briser. Pas encore une fois.

— Tu sais quoi ? Si tu crois vraiment que Noah compte plus pour moi que toi, c’est que tu n’as rien compris ! C’est toi qui m’as laissée seule, c’est toi qui m’as abandonnée, Tom !

Le silence tomba comme un couperet entre nous. Et dans cette fraction de seconde, tout explosa. D’un geste incontrôlé, Tom leva la main et la posa violemment sur ma joue.

Le choc me foudroya sur place. Mon cœur s’arrêta un instant. La douleur sur ma peau ne m’atteignit même pas. Je le regardai, pétrifiée. Il venait de franchir une limite que je n’aurais jamais cru franchir.

Il se figea, horrifié par son propre geste, mais trop tard. Le mal était fait.

Je partis en direction de la salle de bain, les larmes me brouillant déjà la vue. Tom tenta de me retenir, posa une main sur mon bras, mais je me dégageai violemment. Sans un mot, je m’enfermai à double tour derrière la porte.

Le silence qui suivit fut encore plus douloureux que le reste. Il ne tenta même pas de me suivre. Pas un mot. Pas une excuse. Rien.

Je m’effondrai sur le sol froid, le dos contre la porte. Mes mains tremblaient, mes jambes aussi. Le bruit sourd de mon cœur battant trop vite résonnait dans mes tempes. Je tentai de retenir mes larmes, en vain. Elles coulaient sans fin, brûlantes, silencieuses.

Qu’est-ce que je fais là ?

Cette question revenait en boucle, comme un poison dans mon esprit. J’avais tout quitté pour lui. Ma ville, ma famille, mes repères. J’avais tout laissé derrière, convaincue que l’amour suffirait à construire quelque chose de solide. De vrai.

Mais à cet instant précis, enfermée dans cette salle de bain comme une étrangère dans mon propre appartement, je ne savais plus si j’avais fait le bon choix. Depuis quelque temps déjà, le doute me rongeait en silence. Je le sentais distant, absent. Et maintenant… cette gifle.

Jamais je n’aurais cru qu’il puisse lever la main sur moi.

Je me revoyais encore, quelques mois plus tôt, pleine d’espoir, le cœur léger, prête à tout recommencer ici, avec lui. J’y avais cru si fort. J’avais misé tout ce que j’avais sur nous. Et maintenant… qu’est-ce qu’il restait ? Des cris. Du silence. Et cette douleur sourde au fond de la poitrine.

Peut-être que je m’étais trompée.

Peut-être qu’il ne m’aimait plus.

Ou pire : peut-être qu’il ne m’avait jamais vraiment aimée.

Je restai là de longues minutes, le regard perdu, fixant un point invisible sur le carrelage. Puis, d’un geste brusque, j’essuyai mes larmes du revers de la main.

Je n’avais pas le luxe de m’effondrer. Pas aujourd’hui. Pas maintenant.

Je me relevai lentement, le corps encore engourdi par l’émotion, et me dirigeai vers le lavabo. Mon reflet dans le miroir me fit un choc : mes yeux rougis, ma joue encore marquée par la gifle, et cette expression… vide. Presque étrangère.

Je respirai profondément et ouvris le robinet. L’eau glacée me ramena un peu à la réalité. Je passai quelques gouttes sur mon visage, tentant d’effacer les traces de la tempête intérieure. Comme si ça pouvait suffire.

Je ne pouvais pas arriver au commissariat dans cet état.

Je nouai mes cheveux en un chignon rapide, camouflai la rougeur sur ma joue avec un peu de fond de teint. Mes gestes étaient mécaniques, précis, comme un réflexe de survie. Je m’habillai en vitesse, enfilant mon uniforme, ma ceinture de service, mon badge.

Une fois prête, je restai figée un instant devant la porte. J’écoutai. Rien. Pas un bruit. Tom devait être dans le salon, ou reparti, qui sait. Je ne voulais pas le voir. Pas maintenant. Peut-être pas avant longtemps.

Je pris mes clés, mon téléphone, et sortis sans un mot, refermant la porte derrière moi comme on tourne une page.

Pas parce que j’étais prête à le faire.

Mais parce qu’il le fallait.

En poussant la porte du commissariat, je sentis immédiatement l’agitation familière de la matinée. Dossiers empilés, téléphones qui sonnent, collègues qui se croisent à toute allure… mais rien ne réussissait à me sortir de cette brume dans laquelle j’avançais depuis l’aube.

Je pris place derrière le comptoir de l’accueil, à côté de Laura, déjà en poste depuis une dizaine de minutes. Elle leva la tête dès qu’elle me vit, son sourire s’effaçant presque aussitôt.

— Lexie… ta joue… qu’est-ce qui t’est arrivé ?

Je me figeai un instant. Ses yeux étaient déjà posés sur la rougeur que j’avais tenté de camoufler tant bien que mal. Elle n’avait rien raté.

— Oh… c’est rien, répondis-je rapidement. J’ai glissé ce matin dans la salle de bain. J’ai cogné ma joue contre le meuble en me relevant. Un réveil en douceur, quoi.

Je ris nerveusement, espérant que ça suffirait.

Laura me dévisagea, dubitative.

— T’as glissé ? Sérieux ? T’as pas l’air d’avoir glissé. T’as surtout l’air d’avoir pleuré toute la nuit.

Je détournai le regard, fixant le registre d’entrée comme si ma vie en dépendait.

— Je te jure que ça va, Laura. Juste un début de journée pourri, rien de plus. C’est gentil de t’inquiéter.

Elle ne dit rien tout de suite. Juste un petit soupir, un hochement de tête résigné.

— OK… mais si t’as besoin de parler, je suis là. Tu le sais, hein ?

Je hochai la tête sans la regarder. Mes doigts serraient le stylo un peu trop fort.

— Merci.

Le silence s’installa quelques secondes. Puis le téléphone sonna, et la routine reprit, comme si de rien n’était. Mais sous la surface, tout était en train de se fissurer.

La matinée s’écoulait lentement. Le va-et-vient habituel des usagers, des papiers à tamponner, des questions répétitives. Laura pianotait sur son clavier, concentrée, pendant que moi, j’essayais de garder le cap. De faire comme si tout allait bien.

Mais l’illusion se brisa brutalement.

La porte d’entrée s’ouvrit à la volée. Un homme entra d’un pas sec, agité, le regard fou. Il s’arrêta net en nous voyant, balaya le comptoir du regard et fonça droit vers moi.

C’est toi ! lâcha-t-il, la voix tremblante de colère. T’as cru que t’allais t’en tirer comme ça ?!

Je clignai des yeux, prise de court.

— Euh… pardon ?

Il posa brutalement ses deux mains sur le comptoir, se penchant vers moi, si près que je sentis son souffle, chargé de rancœur et de tabac froid.

— T’as appelé les services sociaux, hein ? C’est toi qui m’as fait virer mes gosses ? Tu crois que j’te reconnaîtrais pas ?

— Monsieur, je crois que vous faites erreur, dis-je en essayant de garder mon calme. Je suis juste agent d’accueil ici, je n’interviens pas dans…

Mens pas, salope ! explosa-t-il. C’est toi, avec ta p’tite voix douce à la con ! Tu m’as détruit !

Laura bondit de sa chaise, tendant discrètement la main vers le bouton d’appel sous le bureau.

— Monsieur, vous devez reculer immédiatement, dit-elle d’une voix ferme.

Mais il n’écoutait plus. Son regard était fixé sur moi, halluciné, comme s’il ne voyait plus rien d’autre. Mon souffle se bloqua dans ma gorge. Mon corps était figé, glacé. Je n’arrivais même plus à parler.

Deux agents apparurent soudain derrière lui. En quelques secondes, ils l’immobilisèrent. Il se débattait, hurlait encore mon prénom, comme s’il m’avait gravée dans une mémoire déformée par la haine.

— Je sais qui t’es ! Tu crois que c’est fini ? Tu vas voir ! Tu vas payer !

Je restai immobile, mon regard fixé sur le vide. Laura posa une main sur mon bras.

— Lexie… ça va ?

Mais je n’arrivais pas à répondre. Mes mains tremblaient. Mon cœur cognait dans ma poitrine comme s’il voulait s’enfuir.

Et au fond de moi, une peur insidieuse s’installait : même ici, derrière ce comptoir, je n’étais pas à l’abri.

Je baissai les yeux sur mes mains tremblantes, et une seule pensée me traversa l’esprit, froide, implacable :

Je ne tiendrai pas longtemps comme ça.

*****

Tu es arrivé(e) jusqu’ici, et ça me fait super plaisir

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La suite arrive vite, reste dans les parages !

— Sacha

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