Chapitre 10

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La porte de la chambre s’ouvrit brusquement, brisant le silence lourd qui emplissait la pièce.

Je n'avais pas entendu ses pas, mais je savais que c'était lui. C'était toujours lui qui faisait cette entrée brutale, comme s’il voulait qu’on l'entende, qu’on le remarque.

Tom était rentré.

Il n'y avait pas de "salut", pas de "comment ça va". Seulement une lourdeur dans l’air, comme une menace non exprimée.

Je n'osais pas bouger, pas tout de suite. Je me contentais de fixer le plafond, en espérant qu’il ne remarquerait pas combien mes yeux étaient rougis, combien la fatigue se lisait sur mon visage.

Il se pencha en avant et posa ses clés sur la commode, d’un geste sec, puis se tourna vers moi. Pas un mot. Juste ce regard qui me transperçait, froid, distant. Comme s’il attendait que je fasse quelque chose, mais sans jamais me donner d’indication sur ce qu’il attendait de moi.

— Tu n’as rien à dire ? finit-il par cracher, d’un ton glacé.

Je haussai les épaules, le regard fuyant. Je n’avais pas de réponse, pas de mots. Tout était devenu flou entre nous.

— Ça ne te gêne même pas, hein ? T’es juste là, à m’ignorer. Comme d’habitude.

Il s'approcha d'un pas brusque, et je sentis un frisson me parcourir.

— T’es vraiment qu’une merde parfois, Lexie. T’es fatiguée, mais tu continues à te donner des airs. Comme si ça changeait quelque chose.

Ma gorge se serra. Il n’avait pas crié, mais chaque mot était une claque.

— Je… je suis juste fatiguée, murmurai-je, me forçant à ne pas céder aux larmes.

Il éclata de rire, un rire sans joie, sans chaleur.

— Fatiguée de quoi ? De ton petit numéro ? Ou de devoir vivre ici, dans cette maison à moitié vide ?

Le ton de sa voix était de plus en plus acerbe, presque moqueur. Je sentais sa frustration, mais aussi une violence latente qui flottait dans l’air. Chaque mouvement de Tom semblait plus accusateur que le précédent.

Je me leva enfin, ne supportant plus l’atmosphère suffocante. Je n'avais pas envie de me laisser emporter par la tempête, mais je savais que la moindre étincelle aurait mis le feu aux poudres.

Il me fixa, un sourire cruel se dessinant sur ses lèvres.

— Où tu crois aller comme ça ? Tu veux fuir maintenant ?

Je m’arrêtai, le cœur battant.

— Je vais juste prendre une douche.

Il se leva d’un coup, d’un geste brusque.

— Non, tu vas rester là et écouter ce que j’ai à dire.

Ses mains se posèrent sur mes bras, fermes, presque comme un emprisonnement. Une prise de pouvoir, même si je savais qu’il ne ferait pas plus, pas encore.

Je me dégageai lentement, mais ses doigts s’accrochèrent à ma peau, comme une menace silencieuse.

— T’as décidé de jouer à la victime, hein ? T’as bien joué ton petit rôle cette nuit. Mais ça, c’est fini.

J’étais figée, l’air me manquait. Je voulais crier, mais la peur m’en empêchait.

— Tom… laisse-moi.

Il ne répondit pas. Il me lâcha, mais l’air entre nous restait glacé. Il s’éloigna d’un pas, puis lança, toujours aussi froid :

— Tu ferais bien de te rappeler grace à qui tu es ici.

Puis il tourna les talons, me laissant seule, figée dans cette pièce qui ne m’appartenait plus. Une pièce où je n’étais plus qu’une ombre.

Je me sentis prise au piège, comme une mouche dans une toile d’araignée invisible. Les mots de Tom résonnaient encore dans ma tête, me frappant plus fort que la brutalité de ses gestes. "Tu ferais bien de te rappeler grâce à qui tu es ici." Comme si j'avais oublié... Mais comment oublier ? Comment effacer tout ce que nous avons vécu ensemble ? Ce n'était pas que de la haine, pas tout à fait. Il y avait aussi des moments de douceur, des sourires partagés, des promesses murmurées à voix basse.

Mais ces souvenirs se faisaient de plus en plus flous, comme si le temps les avait effacés peu à peu. Et moi, ici, figée dans cette pièce glacée, je ne savais plus qui j'étais.

Je voulais m’échapper, prendre mes affaires et partir, fuir cette maison, cette vie. Mais le vide de l’inconnu m’angoissait. Qu’allais-je trouver de l'autre côté ? Peut-être que je n’avais rien sans lui. Peut-être que je n’avais jamais rien eu.

Le poids de mes pieds sur le sol me semblait insupportable. Je voulais partir. Mais mes jambes restaient ancrées, comme si quelque chose m’empêchait de bouger, m’empêchait d’avancer.

Un souffle court me secoua. J'avais envie de crier, mais je ne pouvais pas. Pas encore. Pas tant que je n'avais pas trouvé un chemin vers la liberté. Mais je savais qu'il n'y avait pas de retour en arrière. Pas vraiment.

Je fermai les yeux, un léger frisson parcourant ma peau alors que mon esprit vagabondait à Toulouse, là où tout avait commencé. C'était une soirée d'été, douce et chaude, où les rires flottaient dans l'air, se mêlant aux éclats de musique. Mes amies m'avaient traînée à cette fête, un barbecue dans le jardin d'un vieux manoir en pierre, en dehors de la ville. Tout était tellement léger, tellement insouciant à l’époque.

Je me souviens de la scène, comme si c'était hier. Les lumières tamisées, les conversations qui se croisaient, et puis, lui. Tom. Il était là, entouré de quelques amis, un verre à la main, un sourire franc. Ce genre de sourire qui te donne l’impression que rien n’est compliqué, que tout est simple. Il m’avait remarquée dès que j’étais arrivée, ses yeux s’étaient posés sur moi et il avait ce regard, un mélange de curiosité et de défi.

Il s’était approché sans hésiter, comme si c’était normal, comme si c’était évident qu’il viendrait me parler. "Tu ne bois pas ? T’as l’air d’avoir besoin d’un verre," m’avait-il dit, un peu moqueur, mais pas de façon méchante. Juste un trait d’humour. Et moi, j’avais répondu en haussant les épaules, un sourire un peu gêné, un peu timide. Ce n’était pas l'habitude de me retrouver au centre de l’attention, mais avec lui, tout semblait facile.

La conversation avait glissé sans effort, comme si on se connaissait depuis longtemps, comme si on se comprenait sans avoir besoin de tout expliquer. On parlait de tout, de rien. Je me souviens de sa voix, calme et pleine de cette chaleur douce qui semblait rassurante, de ses éclats de rire qui résonnaient comme une promesse de simplicité. J'avais oublié le monde autour de moi, le reste de la soirée. C'était juste nous deux, là, sous la lueur de ces guirlandes de lumière, parlant de nos rêves, de nos vies. Il m’avait raconté qu’il déménageait bientôt a Paris pour son travail, qu’il était là pour voir des amis avant de partir, et il m’avait regardée d’une manière qui m’a fait sentir unique, spéciale, comme si tout autour de nous avait disparu.

Le temps s'était suspendu ce soir-là. Et dans cette bulle de légèreté, j’avais cru que peut-être, juste peut-être, cette rencontre marquerait le début de quelque chose de grand. Quelque chose de simple et de beau.

Mais ça, c’était avant. Avant que les mois passent, avant que la réalité nous rattrape. Avant que cette chaleur ne se transforme en froideur. Avant que tout devienne compliqué.

Parfois je me demande s’il a changé, ou si je n’ai juste pas voulu voir. Peut-être qu’il n’a jamais été celui que j’imaginais. Peut-être que c’est moi qui me suis raconté une histoire.

Je restai là un moment, seule dans la pièce, les bras le long du corps, figée comme une statue. Mon souffle était court, saccadé. L’air me brûlait la gorge. Il n’était plus là, mais sa présence continuait de peser, comme une ombre accrochée à mes côtes.

Je finis par me lever, les jambes molles, traînant mes pas vers la salle de bain sans vraiment y penser. J’allumai la lumière. Elle clignota un instant, puis s’imposa, froide, blafarde.

Je levai les yeux vers le miroir.

Et je m’arrêtai net.

C’était moi, oui. Mais ce n’était plus moi.

Il y avait ces cernes violets sous mes yeux, ces traits tirés, cette bouche pâle, presque absente. Mes yeux… ils avaient perdu cette lumière que j’aimais tant. Avant, on me disait souvent que j’avais un regard vivant, curieux. Maintenant, je ne voyais qu’un vide. Une fatigue ancrée.

Je m’approchai un peu. Chaque détail semblait me sauter au visage comme une vérité que je refusais de voir depuis trop longtemps.

Depuis quand est-ce que je m’étais perdue ?

Depuis quand est-ce que je faisais semblant d’aller bien ? D’être forte ? D’être aimée ?

Un goût amer monta dans ma bouche.

Parfois, j’ai envie de hurler. De briser ce miroir. De tout casser autour de moi pour enfin que quelque chose change. Mais je ne fais rien. Je me regarde. Et je reste là.

Peut-être que c’est ça, le pire. Ce silence. Cette immobilité. Cette absence de moi.

Je posai une main contre le miroir, du bout des doigts. Le verre était froid. Comme s’il me rejetait. Comme s’il me disait : Ce n’est plus toi. C’est juste un reflet de ce qu’il a fait de toi.

Je baissai les yeux.

Et je me demandai, à mi-voix :

— Où est-ce que je suis passée, moi ?

*****

Tu es arrivé(e) jusqu’ici, et ça me fait super plaisir

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La suite arrive vite, reste dans les parages !

— Sacha

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