Chapitre 11

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Noah

Il y avait quelque chose dans la voix de Lexie qui ne me quittait pas.
Un craquement. Une fatigue que je n’arrivais pas à oublier.

J’aurais voulu croire que c’était juste une mauvaise nuit. Que ça allait passer.
Mais je connaissais ce genre de silence.

Le même que Julian avait, juste avant…

Non. Je n’allais pas y penser. Pas maintenant.

Pas alors que Laura venait d’entrer dans la pièce, les sourcils froncés, le regard déjà inquiet.

— Lexie vient d’arriver… murmura-t-elle. Elle a de grosses cernes sous les yeux. Elle avait l’air complètement à bout.

Je pinçai les lèvres.

— Elle m’a appelé cette nuit. Elle faisait une crise d’angoisse.
J’ai… j’ai jamais entendu quelqu’un respirer comme ça.

Laura s’assit en face de moi, les bras croisés contre elle.

— Je sais pas ce qui s’est passé, mais j’ai l’impression que ça empire depuis l’agression de l’autre soir. Tu trouves pas ?

— Si. J’ai remarqué aussi.
Mais cette nuit… il y avait autre chose dans sa voix. Comme… une peur qu’elle ose pas dire.

Laura hésita un instant. Elle regarda autour d’elle avant de reprendre.

— Un matin, elle est venue au boulot avec une marque rouge sur la joue.
Elle m’a dit qu’elle s’était cognée. Mais… je sais pas. Je l’ai pas crue.

Laura baissa un instant les yeux. Elle triturait machinalement un fil sur sa manche, comme si elle hésitait à continuer.

— Tu penses qu’elle te dit tout ? demanda-t-elle enfin, à mi-voix.

Je secouai la tête.

— Non. Et c’est ça qui m’inquiète.

Un silence s’installa. Pas pesant. Juste… chargé.

***

Lexie

En arrivant au commissariat ce matin, j’ai croisé Laura dans le couloir. Elle m’a regardée avec un air de pitié

— et je déteste ça.

Alors j’ai fui. Je me suis enfermée dans les toilettes.

Je me suis passé un peu d’eau sur le visage et j’ai levé les yeux vers le miroir.

J’ai des cernes violacées sous les yeux.

Mais ce n’est pas ça, le pire.

C’est mon regard.

Il est vide.

Je me regardai une dernière fois avec dégoût.

Une haine soudaine.

Brutale.

Je serrai le poing —

et frappai.

Le miroir explosa.

Je restai immobile quelques minutes.

Puis mon corps se mit à trembler, sans que je m’en rende compte.

Je m’étais mise à pleurer.

Je baissai les yeux vers mon poing.

Il était en sang.

Après quelques secondes, j’entendis quelqu’un frapper à la porte.

— Lexie ?

C’était Noah.

Laura avait dû lui dire qu’elle m’avait vue entrer dans les toilettes.

— Pars, s’il te plaît…

Ma voix se brisa à la fin de la phrase.

Un silence.

Puis, doucement :

— Je pars pas, Lexie. Pas cette fois.

Je fermai les yeux.

Pourquoi il faisait ça ?

Pourquoi il restait ?

J’avais mal. J’avais honte. J’étais… nulle. Et lui, il insistait.

Je me laissai glisser le long de la porte, le dos contre le bois froid. Mes sanglots reprenaient, plus discrets cette fois, comme si j’essayais de les cacher. Mais c’était trop tard.

— Tu peux me parler. Ou pas. Je resterai quand même.

Je n’ai pas répondu.

Pas tout de suite.

Mais au bout d’un moment, j’ai tendu la main vers la poignée.

Et j’ai ouvert.

Noah ouvrit grand les yeux en découvrant l’état dans lequel j’étais.

Mais il ne dit rien.

En tout cas, pas tout de suite.

Il me prit doucement par la main et m’emmena dans une pièce au fond du couloir, où un lit était disposé contre le mur.

Il m’invita à m’asseoir dessus, puis s’éloigna en direction d’un placard.

Il l’ouvrit et en sortit une trousse de soins.

Il prit ma main délicatement et commença à la soigner, toujours en silence.

Ce silence n’était pas pesant.

Il m’apaisait.

Il termina de me nettoyer la main, puis me regarda tendrement.

— Est-ce que tu veux en parler ? demanda-t-il doucement.

Je répondis par la négative, en secouant simplement la tête.

Mais mes larmes revinrent, plus fortes encore.

Il ne posa pas de question supplémentaire.

Il me prit simplement dans ses bras.

Et là, mes sanglots doublèrent d’intensité.

Je m’accrochais à lui, pleine de désespoir.

***

Noah

Je la tenais dans mes bras et je sentais ses larmes contre mon polo.

Elle tremblait. Elle s'accrochait à moi comme si je pouvais l’empêcher de couler.

Et peut-être que je le pouvais. Juste un peu.

Je ne savais pas quoi dire.

Je savais juste que si je parlais maintenant, j’allais briser quelque chose. Ce moment fragile, ce silence qui disait tout à sa place.

Je posai doucement ma main contre sa nuque, la gardant contre moi.

Elle avait mal. Et moi, je me sentais impuissant.

Mais je restai là.

Parce qu’elle avait besoin que quelqu’un reste.

Je la tenais contre moi, mais mon esprit n’arrivait pas à se concentrer uniquement sur elle.

Il dérivait vers Julian, vers ce silence qu’il avait porté si longtemps.

Ce silence, je le connaissais bien.

J’avais vu la douleur de mon frère, j’avais vu ses yeux vides et son faux sourire.

J’avais vu comment il m’avait repoussé. Comment il m’avait menti.

Et moi, j’avais fermé les yeux. Parce que c’était plus facile.

Je n’avais pas vu les signes, je n’avais pas vu la chute venir.

Et quand elle était arrivée, il était déjà trop tard.

Trop tard pour lui, trop tard pour moi.

Je serrai un peu plus fort Lexie contre moi, sans savoir si c’était pour elle… ou pour moi.

Je ne voulais pas faire la même erreur.

Pas cette fois.

Je la tenais toujours contre moi, et à cet instant, tout semblait suspendu dans l’air.

Je voulais lui dire quelque chose. Lui dire que tout allait s’arranger, qu’il y avait toujours une lueur d’espoir, même dans l’obscurité. Mais les mots restaient coincés. Je sentais son corps contre le mien, et la chaleur de ses larmes sur mon polo me serrait la gorge.

Soudain, un bip strident brisa le silence, et je sursautai.

La radio de ma ceinture émit une série de bruits hachés.

— Ici la central, intervention en cours, secteur 4. Besoin d’un renfort.

Le message ne me laissa pas le temps de réfléchir. Ma main se glissa automatiquement sur le bouton de la radio.

— Je suis en route, on arrive.

Je me redressai, mon cœur battait plus fort.

Je sentais la chaleur de Lexie contre moi, mais l’urgence m’envahissait.

Lexie resta silencieuse.

Je crois qu'elle avait entendu l’appel. Je n’osais pas la regarder, je savais qu’elle comprenait.
Mais je ne pouvais pas… partir maintenant. Pas alors que je savais qu’elle en avait besoin. Mais le devoir me rappelait à la réalité.

— Noah… ? Sa voix, presque brisée, me fit me retourner vers elle.

Je pris une grande inspiration.

Je ne voulais pas la laisser seule. Pas maintenant.

— Je reviendrai tout de suite. Je fermai les yeux, la serrai une dernière fois dans mes bras, avant de me redresser, avec une lutte dans le ventre.

Je la laissai là, fragile, mais forte.

Je reviendrai, Lexie. Ce n’est pas fini. Ce n’est pas comme Julian. Je ne laisserai pas ça se répéter.

Je pris une dernière inspiration, en la regardant.

Elle était toujours là, les yeux fixés sur moi, une lueur de tristesse dans son regard. Je détestais ça. J’aurais voulu rester. Ne pas avoir à la laisser. L’appel était clair. Et je n’avais pas le choix.

— Je reviendrai, Lexie.

Je voulais que ma voix soit forte, mais elle trahissait ma peur. Le doute. Je n’étais pas sûr que mes mots suffiraient à apaiser ses inquiétudes.

Elle ne répondit pas immédiatement. Elle se contenta de hocher la tête, un faible mouvement, presque imperceptible.

Avant de partir, je me penchai vers elle et posai une main sur son épaule.

— Si tu as besoin de parler… je suis là.

Elle me regarda, son regard cherchant le mien, comme pour vérifier si je lui disais la vérité.
Mais elle n'ajouta rien. Pas un mot. Je me redressai, et à contrecoeur, je me dirigeai vers la porte.

Le bip de la radio, toujours dans ma ceinture, me pressait d’avancer. Je savais que je devais partir.

Mais chaque pas me semblait plus lourd que le précédent.

Je quittai la pièce, me dirigeant vers le garage du commissariat où la voiture était prête à partir. Dans ma tête, je n'arrivais pas à chasser l’image de Lexie.

Elle était restée là, fragilisée, en pleine détresse… et moi, je la laissais seule.

Je serrai les poings sur le volant, me forçant à me concentrer sur la mission.

Le trajet jusqu’au site de l’intervention se passa dans un flou, une pression dans ma poitrine que je ne pouvais pas décrire. Quand j’arrivai sur les lieux, la scène était chaotique. Des gens hurlaient, des policiers couraient dans tous les sens, des sirènes retentissaient.

Une bagarre qui dégénérait, probablement à cause de la présence d'armes. Les voitures de police étaient garées en désordre. La tension dans l’air était palpable.

Je sortis de la voiture et me précipitai dans la mêlée avec mes coéquipiers. Tout allait si vite. Les ordres fusaient, l’adrénaline montait. Je n’avais même pas eu le temps de penser à Lexie.

Mais au fond, quelque chose me disait qu’elle était dans ma tête, quoi qu’il se passe.

***

Lexie

Quand la porte se referma derrière lui, le silence retomba aussitôt.

Un vrai silence. Pas celui, rassurant, qu’il m’avait offert par sa présence. Non.

Un silence lourd. Tranchant. Qui me rappelait que je venais de me retrouver seule. De nouveau.

Je restai assise un moment, sans bouger. Mes yeux fixaient un point flou devant moi, sans vraiment voir quoi que ce soit.

Je crois que j’avais encore ses bras autour de moi, en mémoire. Cette chaleur… ce calme… il l’avait emporté avec lui en partant.

Je sentais encore la douleur sourde dans ma main, là où le sang avait coulé, là où il avait soigné mes plaies avec autant de douceur que de silence.

J’aurais voulu qu’il reste.

J’aurais voulu le supplier.

Mais je ne l’ai pas fait.

Je me levai lentement. Mes jambes étaient lourdes, presque tremblantes.

Je m’approchai de la petite fenêtre de la pièce. Le ciel était gris, et le vent secouait les arbres comme s’ils se battaient contre quelque chose d’invisible. Un peu comme moi.

Je posai ma main bandée contre la vitre froide.

Je respirai lentement. Pour ne pas replonger. Pour rester debout.

Une sonnerie me fit sursauter. Mon téléphone.

Je le pris d’une main hésitante. Un message.

Laura.

Tu vas bien ?

Je fixai l’écran un long moment avant de taper une réponse.

Mes doigts tremblaient un peu.

J’essaie de tenir.

Je n’envoyai rien d’autre. Pas besoin. Pas envie.

C’était déjà beaucoup.

Je laissai tomber le téléphone à côté de moi, sur la chaise, et je fermai les yeux.

Je n’étais pas prête à parler. Pas encore. Mais… j’étais en train d’y penser.

Et ça, c’était peut-être un début.

***

Noah

Je ne pouvais pas me concentrer sur l’intervention comme d’habitude. Même lorsque je plaçai mes menottes sur l’un des suspects, mon esprit était ailleurs. Dans la pièce où Lexie était restée seule.

Et cette sensation… comme un poids lourd dans ma poitrine, celle que je ne l'avais pas assez protégée.

Comme si tout ce que je faisais n’était jamais assez, comme si j’étais toujours à côté de l’essentiel.

Je savais que la journée allait être longue. Et qu’une fois l’intervention terminée, je devrais retourner auprès d’elle.

Elle avait besoin de parler, et moi, je devais être prêt à l'écouter. Mais est-ce que j’étais vraiment prêt à entendre ce qu’elle avait à dire ?

*****

Tu es arrivé(e) jusqu’ici, et ça me fait super plaisir

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La suite arrive vite, reste dans les parages !

— Sacha

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