Chapitre 12
Noah
J’avais l’odeur de la fumée dans le nez, le bourdonnement des sirènes encore dans les oreilles.
Mais c’était pas ça, le plus dur.
C’était l’idée que, pendant que je courais dans le chaos, elle était seule.
Lexie.
La pièce était vide quand je suis revenu. Pas un bruit.
J’ai fermé la porte derrière moi et pris une longue inspiration.
Est-ce qu’elle était partie ?
Est-ce qu’elle allait bien ?
Je regrettais de l’avoir laissée. Même quelques minutes.
Je suis resté planté là, au milieu de la pièce vide.
Il restait encore une odeur d'antiseptique dans l'air. La chaise était tirée, la trousse de soins fermée, posée exactement là où je l'avais laissée.
Comme si elle n'avait jamais été là.
Mais je savais que c'était faux.
Je regardai le sol. Rien. Pas de sang. Pas de traces.
Juste ce silence.
Mon cœur battait un peu trop fort. Je passai une main dans mes cheveux, essayant de me calmer.
Je ne pouvais pas rester là sans rien faire.
Je quittai la pièce, avançai dans le couloir. Peut-être qu’elle était sortie prendre l’air. Peut-être qu’elle était allée voir Laura. Peut-être qu’elle était partie. Je n’en savais rien, et ça me rendait fou.
Je passai devant plusieurs bureaux. Les regards croisés me semblaient lourds, comme s’ils savaient. Comme si tout le monde savait que je cherchais quelqu’un que j’avais laissé tomber, même pour quelques minutes.
Arrivé près de l’accueil, je m’arrêtai net.
Lexie était là.
Assise derrière le comptoir, les yeux rivés sur son écran. Concentrée. Ou du moins, elle faisait semblant de l’être.
Elle avait attaché ses cheveux, son visage était neutre, presque calme. Trop calme.
Elle leva brièvement les yeux vers moi.
Un instant, juste un battement de cils.
Puis elle retourna à son clavier comme si de rien n’était.
Comme si elle n’avait pas pleuré dans mes bras.
Comme si elle n’avait pas brisé un miroir ce matin.
Comme si je n’étais jamais parti.
Je restai là, figé, le cœur un peu plus lourd à chaque seconde.
Il y eut comme un pincement dans ma poitrine. Une douleur sourde. Discrète, mais bien réelle.
Comme si elle me rejetait. Comme si cette distance soudaine était un mur qu’elle venait d’ériger entre nous.
Et ça me faisait mal. Bien plus que je ne l’aurais cru.
Parce que j’avais été là. Je l’avais tenue. Je l’avais sentie s’effondrer contre moi.
Et maintenant… elle faisait comme si tout ça n’avait pas compté.
Je serrai les poings.
Je ne savais pas si je devais m’approcher ou lui laisser cette façade tranquille.
Mais bordel… pourquoi ce silence me faisait plus mal que les cris ?
Je ne bougeai pas.
Pas tout de suite.
J’aurais voulu la prendre à part, lui parler, lui dire que j’étais revenu comme promis.
Mais elle ne me regardait pas.
Elle faisait défiler des dossiers à l’écran, comme si sa vie en dépendait.
Et moi, j’étais planté là. Un intrus dans son calme feint.
Je sentais le vide entre nous s’élargir à chaque seconde.
Comme un écho de ce que j’avais vécu avec Julian.
Comme une erreur qui recommençait, encore.
Alors j’ai détourné les yeux.
Je n’ai rien dit.
Peut-être qu’elle avait besoin que je respecte ce silence.
Ou peut-être qu’elle espérait que je le brise.
Mais je n’en avais aucune certitude.
Alors je suis parti. Pour l’instant.
***
Lexie
Je sentais encore son regard dans mon dos.
Je ne l’avais pas regardé. Pas vraiment. Juste un bref coup d’œil, comme on évite un accident sur le bord de la route.
J’avais repris ma place à l’accueil, mon uniforme mal ajusté, les mains posées sur le clavier, à faire semblant que tout allait bien.
Comme si rien ne s’était passé.
Comme si je n’avais pas pleuré dans ses bras. Comme si mes poings ne saignaient pas encore sous les pansements.
Je sentais la brûlure dans ma main chaque fois que je tapais une touche.
Mais c’était rien comparé à celle que j’avais dans la poitrine.
Je savais qu’il me regardait. Qu’il attendait un signe. Un mot. Quelque chose.
Mais je pouvais pas.
Pas maintenant.
Parce que si je le regardais, je craquerais encore. Et cette fois, peut-être que je ne me relèverais pas.
Je l’avais senti hésiter dans l’embrasure de la porte. Un pas en avant, deux en arrière. Il ne savait pas s’il devait venir ou me laisser.
Et moi… je n’ai rien fait pour l’aider à choisir.
Je suis restée droite. Fière. Faussement calme.
Une façade.
Je savais que ça lui faisait mal. Je le voyais dans la manière dont il se tenait, tendu, presque figé.
Mais c’était plus simple comme ça.
Plus simple que de devoir expliquer ce que je ressens. Que de mettre des mots sur ce vide. Sur cette peur.
Alors je me suis réfugiée dans la routine. Les appels à transférer. Les formulaires à trier. Les messages à noter.
Une prison volontaire, derrière un écran d’ordinateur et quelques piles de dossiers.
Sauf que lui, il ne partait pas.
Et plus les secondes passaient, plus j’avais envie de hurler.
Pas contre lui. Contre moi.
Contre cette partie de moi qui voulait qu’il revienne. Qu’il me prenne dans ses bras. Encore. Juste un instant.
Mais ce n’est pas comme ça que ça marche. Pas dans ma tête.
Je n’ai pas le droit de m’appuyer sur lui. Pas alors que je suis déjà en train de tomber.
Alors je serre les dents.
Je baisse les yeux.
Et je fais comme si je ne sentais pas la douleur.
Comme si je ne le voyais pas.
Mais je le sens toujours. Là. Présent. Silencieux.
Et je me demande… combien de temps il va rester à faire semblant de ne pas comprendre que je suis en train de me noyer.
Après quelques minutes, il finit par partir.
Mon cœur se serra un peu plus, mais je ne dis rien.
Je restai là, droite, figée dans ce silence qui me pesait plus que tout. Et puis, une vibration brisa le calme. Mon téléphone vibra doucement sur le bureau. L’écran s’alluma, et une notification apparut.
Un message.
D’un numéro inconnu.
Je déverrouillai mon téléphone, les sourcils froncés. Et ce que je vis me glaça le sang.
Il y avait plusieurs photos. Des photos de Tom.
Avec une autre fille.
Ils riaient ensemble sur la première. Un rire vrai, pas forcé. Complice.
Sur une autre, elle avait sa main sur son torse. Lui, un bras autour de ses épaules. Ils étaient si proches. Trop proches.
Et puis… une autre encore. Une étreinte. Ils s’enlaçaient, comme s’ils étaient seuls au monde.
J’eus un haut-le-cœur. Mes doigts tremblaient, mais je ne pouvais pas détourner les yeux.
Une dernière photo apparut. Envoyée à l’instant.
Tom et cette fille.
Ils s’embrassaient.
Longtemps.
Tendrement.
Comme si j’avais jamais existé.
Je restai là, à fixer l'écran, incapable de respirer.
C'était comme si l'air avait quitté la pièce.
Comme si quelqu’un avait arraché quelque chose de vital à l’intérieur de moi sans prévenir.
Je savais… au fond de moi, je savais que ça allait finir comme ça. Mais je voulais pas y croire. J’ai fermé les yeux un instant, espérant que, peut-être, les images disparaîtraient, que c’était une erreur, un mauvais rêve.
Mais non.
Quand j’ai rouvert les yeux, ils étaient toujours là. Ensemble. Heureux.
Pas moi.
Je sentais mes mains devenir moites, mes tempes battre un peu trop fort. Un nœud s’était formé dans ma gorge, si serré que j’avais l’impression de suffoquer. Il m’avait regardée dans les yeux, Tom. Il m’avait dit qu’il m’aimait. Il m’avait promis qu’il n’y avait que moi.
Et maintenant… maintenant, il embrassait une autre fille comme si j’étais rien. Comme si j’avais jamais compté.
Mon estomac se retourna. La brûlure dans ma main – celle des pansements, des coups donnés au miroir – revint plus vive, comme pour me rappeler que tout ça, je l’avais fait pour tenir bon. Pour ne pas craquer. Pour me raccrocher à quelque chose.
Mais il n’y avait plus rien.
Rien.
Seulement le vide. Ce foutu vide.
Je voulais hurler, mais aucun son ne sortait. J’avais envie de jeter ce téléphone contre le mur, de tout effacer, de tout oublier. Mais je restais là. Figée. Silencieuse. Prisonnière de ces images qui me hantaient déjà.
Un sanglot monta, étouffé. Je le ravala comme j’ai toujours su le faire. Parce que c’est ce qu’on attend de moi, non ? Que je sois forte. Que je prenne sur moi. Que je tienne.
Mais j’en peux plus.
Pas après ça.
Et au fond de moi, une voix murmurait doucement… Tu n’étais pas suffisante.
Alors j’ai refermé l’écran. Et je me suis tue. Parce que parfois, le silence fait moins mal que la vérité.
*****
Tu es arrivé(e) jusqu’ici, et ça me fait super plaisir
Laisse-moi un petit "j’aime" ou dis-moi ce que tu as pensé de ce chapitre en commentaire, je lis tout avec attention !
La suite arrive vite, reste dans les parages !
— Sacha
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