Chapitre 13

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Quand j’ai ouvert la porte de l’appartement, l’air m’a paru plus lourd que d’habitude.

Une chaleur figée, presque suffocante. Comme si quelque chose m’attendait.

Il était là.

Assis sur le canapé. Le dos droit, les bras croisés. Le regard planté dans le vide.

Et moi, j’ai tout de suite su que ça n’allait pas être une discussion.

— Te voilà enfin, fit-il d’un ton plat, sans détourner les yeux.

Tu t’es perdue en chemin, ou t’avais juste pas envie de rentrer ?

Je refermai doucement la porte. En silence.

Mon cœur cognait plus fort que je ne l’aurais voulu.

Il tourna la tête vers moi. Lentement.

Ses yeux étaient sombres. Fatigués. Aiguisés.

— T’as l’air étonnée. Tu pensais quoi ? Que t’allais disparaître pendant des heures et que je dirais rien ?

Je restai figée.

Mécanique.

— J’imagine que t’étais quelque part, à faire ta Lexie. La pauvre fille incomprise. La fille fragile qu’on doit sauver, hein ?

Il se leva. Pas brusquement. Mais d’un mouvement sec. Tranché.

Il me dominait maintenant. Même sans crier.

— T’as changé, tu sais. T’es devenue un poids. Un problème.
Et tu veux qu’on fasse comme si c’était moi, le connard ?

Je baissai un peu les yeux. Juste une seconde.

Il s’approcha.

— C’est toujours pareil avec toi. Tu bouges pas, tu parles pas, et quand je pète un câble, tu fais la victime.

Il marqua une pause, presque théâtrale.

— Tu veux que je te dise ? J’en ai eu marre. Marre d’attendre que tu reviennes à la vie. Marre de me battre tout seul. Alors ouais… ouais, j’ai été voir ailleurs.

Le coup partit. Net. Brutal.

Invisible, mais précis.

— Tu m’as trahie…

Ma voix était basse, fêlée. Comme tirée de loin.

Il ricana. Un rire amer. Usé.

— Toi, t’étais déjà partie depuis longtemps. Moi, je vivais avec un fantôme. Une fille vide. Tu me regardais plus. Tu me touchais plus. Tu passais ton temps à pleurer ou à fuir. C’est ça, ta définition d’un couple ?

Chaque mot me heurtait comme une vérité étrangère. Froidement servie.

— T’as besoin d’un psy, Lexie. Pas d’un mec.

Je vacillai. Mais je ne tombai pas.

Il souffla bruyamment, recula d’un pas.

— J’aurais dû partir depuis longtemps. J’ai juste été trop con. Trop patient.

Et là, quelque chose en moi se brisa.

Net.

Il venait de tout retourner.

Ma douleur. Son infidélité. Mon mal-être. Tout était devenu ma faute.

Mais cette fois… je ne baissai pas les yeux.

Je le fixai. Glacée.

Et je compris.

Ce n’était pas de l’amour.

Ce n’était même pas de la colère.

C’était du contrôle. De la domination. Une manière de m’écraser pour se sentir plus grand.

Je n’avais pas été aimée.

J’avais été possédée.

Et ça changeait tout.

Alors que je fis demi-tour pour quitter l’appartement, il m’attrapa le bras violemment et me força à me retourner.

— Tu crois que tu vas aller où comme ça, hein ?

Ses yeux étaient noirs de rage.

Je ne le reconnaissais plus.

Ce n’était plus le Tom que j’avais connu.

Et à cet instant précis, il me faisait peur.

Il tenait toujours mon bras.

Et il le serrait de plus en plus fort.

— S’il te plaît, Tom… lâche-moi. Tu me fais mal…

Ma voix tremblait.

Elle trahissait l’angoisse grandissante qui montait en moi, seconde après seconde.

Il ne bougeait pas. Son regard était fixe, presque vide.

Puis, soudain, il m’attrapa la mâchoire. D’une poigne dure. Brutale.

Ses yeux plongés dans les miens, il lâcha, d’un ton glacial :

— C’est à cause de toi, Lexie.

C’est à cause de toi que je suis comme ça.

Et sans que j’aie le temps de réagir, sa main partit.

Une gifle.

Sèche. Violente. Inattendue.

Ma tête partit sur le côté.

Un bourdonnement s’installa dans mes oreilles.

Les larmes montèrent sans que je puisse les retenir.

Elles roulèrent sur mes joues, chaudes, brûlantes.

Mais lui… il continua.

Il criait maintenant. Hors de lui.

— T’es complètement folle !

Regarde dans quel état je suis à cause de toi !

Et une deuxième gifle tomba. Plus forte encore.

Le bruit claqua dans la pièce comme une détonation.

Je restai figée.

La joue en feu.

Le cœur au bord de l’explosion.

Tout devenait flou.

Les murs, sa voix, la lumière.

J’entendais encore ses cris, mais comme à travers une vitre.

— Tu crois que t’es une victime ?! C’est moi qui souffre ici, Lexie ! Moi !

Il gesticulait devant moi, hors de lui, mais je ne comprenais plus ses mots.

Je ne sentais plus mon bras. Ni mes jambes.

Comme si mon corps s’était mis en veille pour survivre.

Je reculais. Un pas. Puis deux.

Il fit un geste vers moi.

Instinctivement, je levai les mains pour me protéger.

— Non… non, non, je veux pas… je veux pas…

Ma voix n’était plus qu’un souffle. Un murmure brisé.

Et lui, il s’arrêta. Me regarda, les narines dilatées, les poings encore crispés.

— T’es pathétique, souffla-t-il. Juste pathétique.

Il recula. Tourna le dos.

Un silence soudain. Comme si la colère s’était vidée d’un coup.

Et moi, je compris.

S’il me touchait encore, je tomberais.

Et cette fois, je ne me relèverais peut-être pas.

Alors j’ai couru.

Pas réfléchi. Pas pensé. Juste couru.

Je dévalai les marches à toute vitesse, le cœur prêt à exploser, de peur qu’il me suive.

Chaque bruit dans l’escalier me faisait sursauter. J'avais l’impression qu’il était juste derrière moi.

Arrivée dans la rue, je repris ma course à l’aveugle.

Je ne regardais rien. Ni les passants, ni les voitures, ni les regards.

Je voulais juste disparaître.

La première boutique venue, je poussai la porte.

Une vendeuse me lança un regard surpris, mais je ne ralentis pas.

Je filai tout droit vers les cabines d’essayage et claquai le rideau derrière moi.

Là, dans ce carré de tissu, entre quatre miroirs, je m’effondrai.

Mes mains tremblaient en fouillant dans mon sac.

Je sortis mon téléphone. Le déverrouillai tant bien que mal.

Et sans réfléchir, j’appelai Noah.

Une, deux, trois sonneries. Puis sa voix.

— Allô ?

— Noah… je t’en supplie… aide-moi.

Et là, je craquai.

Je fondis en larmes, secouée de sanglots.

Au bord de la crise d’angoisse.

— Où tu es ? Je viens te chercher.

— Je… je sais pas. Je suis dans une cabine d’essayage… d’une boutique… je sais même pas laquelle.

— Ok, respire. Envoie-moi ta localisation, d’accord ?

— Non, s’il te plaît, ne raccroche pas… reste avec moi. Ne me laisse pas toute seule…

Ma voix se brisait à chaque mot.

J’avais du mal à respirer, comme si l’air lui-même me fuyait.

Mais Noah ne paniqua pas. Sa voix resta calme, posée.

— Je suis là, Lexie. Je suis là. Je ne vais nulle part, tu m’entends ? Respire. Tranquillement. Avec moi.

Je fermai les yeux, le téléphone serré contre mon oreille comme une bouée.

Et j’essayai. Une inspiration. Une expiration. Juste une.

Je ne savais pas combien de temps s’était écoulé.

Peut-être cinq minutes. Peut-être quinze.

Le temps avait perdu tout sens.

Je restais recroquevillée dans la cabine, le téléphone toujours à l’oreille, le souffle saccadé.

Puis j’entendis sa voix, plus proche cette fois.

Pas dans le combiné. Dans la boutique.

— Lexie ?

Lexie, t’es là ?

Je relevai la tête d’un coup.

Ma gorge était nouée, mes yeux gonflés de larmes.

— Ici… soufflai-je.

Le rideau s’ouvrit doucement.

Et il était là.

Noah.

Le regard inquiet, les sourcils froncés, mais calme. Présent.

Il ne dit rien tout de suite. Il s’agenouilla juste devant moi, à ma hauteur.

— Je suis là maintenant.

Je me jetai contre lui sans réfléchir.

Mes bras autour de son cou. Mes sanglots contre sa poitrine.

Il me serra fort. Pas trop. Juste assez.

Et il resta là, à me tenir, pendant que je tremblais encore.

— Tu ne risques plus rien, murmura-t-il. Je te promets que je ne te laisserai pas.

Je sentis mes défenses céder une à une.

Pas parce que j’étais faible.

Mais parce que, pour la première fois depuis longtemps, je me sentais en sécurité.

Et dans ce minuscule bout de monde, cachée derrière un rideau, entre deux miroirs et le battement d’un cœur rassurant, j’ai compris que je n’étais plus seule.

*****

Tu es arrivé(e) jusqu’ici, et ça me fait super plaisir

Laisse-moi un petit "j’aime" ou dis-moi ce que tu as pensé de ce chapitre en commentaire, je lis tout avec attention !

La suite arrive vite, reste dans les parages !

— Sacha

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